Quatre ou cinq ouvrages dans le genre suffisent-ils à faire de Reynaldo Hahn un nom majeur dans l’histoire de l’opérette au XXe siècle ? N’y aurait-il que Ciboulette qu’on n’aurait pu éviter la notice qui le concerne.
Reynaldo Hahn naquit le 9 août 1874 bien loin du monde parisien de l’opérette, à Caracas au Vénézuela, qu’il quitte à trois ans pour la France. Sa jeunesse dans les beaux quartiers de la capitale, son immersion dans le monde des salons les plus en vue, sa fréquentation du milieu littéraire et artistique (il est l’ami de Proust) en font un personnage connu à la fin du siècle, n’y aurait-il que cela. Mais il y a bien plus.
À l’âge de quinze ans, il est lancé par ses « Chansons Grises » ; aux autres mélodies, à la musique instrumentale qui vont suivre s’ajoutent des ouvrages lyriques. Le premier est L’Ile du Rêve donnée en 1898 à l’Opéra-Comique, alors que Hahn a 23 ans.
Ce n’est que dans l’entre-deux-guerres que le compositeur en vient à l’opérette ; face à la déferlante des rythmes anglo-saxons qui envahissent alors l’opérette, Reynaldo Hahn décide de composer en 1923 Ciboulette pour « résister » en quelque sorte ; mais faut-il prendre pour argent comptant ce que disent les auteurs de leurs œuvres ? Hahn refait-il Angot avec Ciboulette ? Rien n’est moins sûr.
À y regarder de près, on voit comment l’ouvrage manipule les formes et s’inscrit dans l’intertextualité ; ses librettistes, Robert de Flers et Francis de Croisset, détournent quelques clichés du genre (les Halles, la campagne, le voyage, la valse…) ; la musique ne cesse de citer Mozart, Wagner ou Adolphe Adam (« Bonne nuit… ») ; le duo de la lettre Duparquet-Antonin à l’acte III démarque la grande scène de Tatiana dans Eugène Onéguine de Tchaïkovski… L’opérette est plus savante qu’il n’y paraît et refuse le premier degré.
Les opérettes suivantes sont souvent motivées par des rencontres : pour Mozart (1925) Hahn collabore avec Guitry (qui vient de se brouiller avec Messager) et écrit un rôle pour Yvonne Printemps ; O mon bel inconnu (1933) prolonge la collaboration, tandis que Brummell (1931) ou Malvina (1935) s’inscrivent dans un climat musical typique. Celui qui aimait davantage Wagner que Debussy, qui manifestait une curiosité harmonique et modale originale, écrivait : « Je ne suis ému qu’au théâtre ou lorsqu’il y a des paroles… Une phrase musicale me charme et me ravit, mais ne m’émeut jamais : il n’y a que les sentiments qui m’émeuvent. »
Reynaldo Hahn est mort à Paris le 28 janvier 1947.
Didier Roumilhac
— Références
Vous retrouverez Reynaldo Hahn dans « Opérette » n° 58, 92, 105, 119 & 208. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Fiche disponible : Ciboulette
— Œuvres lyriques
Légende : oc = opéra-comique, o = opéra, opé = opérette, cm = comédie musicale, c lyr = comédie lyrique, sc lyr = scène lyrique, p dr = poème dramatique, C = création
Le chiffre indique le nombre d’actes.
Création | Titre | Auteurs | Nature | Lieu de la création |
1898 25 mars |
Ile du rêve (L’) | Alexandre (André), Hartmann (Georges) | [1] | Paris, Opéra-Comique (Th. lyrique) |
1902 16 déc |
Carmélite (La) | Mendès (Catulle) | cm 4/5 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1914 21 mars |
Miousic [2] | Ferrier (Paul) | opé 2 | Paris, Olympia |
1919 10 avr |
Nausicaa | Fauchois (René) | o 2 | Monte-Carlo Paris 1923 |
1919 14 juil |
Fête triomphale (La) | Saint Georges de Bouhélier | p dr 3 | Paris, Opéra |
1921 21 mars |
Colombe de Bouddha (La) | Blanc (André Alexandre) | [3] | Cannes |
1923 7 avr |
Ciboulette | Flers (Robert de), Croisset (Francis de) | opé 3 | Paris, Variétés |
1923 18 juin |
Nausicaa | Fauchois (René) | o 2 | Paris, Opéra-Comique (Favart) C: Monte-Carlo 1919 |
1925 2 déc |
Mozart | Guitry (Sacha) | cm 3 | Paris, Edouard VII |
1926 30 oct |
Revue (Une) [4] | Donnay (Maurice), Duvernois (Henri) | cm 2/30 | Paris, Porte St-Martin |
1926 7 nov |
Temps d’aimer (Le) | Wolff (Pierre), Duvernois (Henri), Delorme (Hugues) | cm 3 | Paris, Michodière (La) |
1931 17 janv |
Brummell | Rip, Dieudonné (Robert) | opé 3/5 | Paris, Folies-Wagram (Etoile) |
1933 12 oct |
Ô mon bel inconnu | Guitry (Sacha) | cm 3 | Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul) |
1935 21 mars |
Marchand de Venise (Le) | Zamacoïs (Miguel) | o 3/5 | Paris, Opéra (Garnier) |
1935 23 mars |
Malvina [5] | Donnay (Maurice), Duvernois (Henri) | opé 3/4 | Paris, Gaîté-Lyrique |
1936 7 mars |
Beaucoup de bruit pour rien | Sarment (Jean), d’après Shakespeare | cm 4 | Paris, Madeleine |
1949 21 juin |
Oui des jeunes filles (Le) [6] | Fauchois (René) | c lyr 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
— | Persée et Andromède | ? | sc lyr | Inédit, janvier 1895 |
— | Agénor ou Le Phoque | ? | cm 2 | Inédit, 1893 |
[1] « idylle polynésienne en 3 actes »
[2] avec Berger (Rodolphe), Cuvillier (Charles), Erlanger (Jules), Hirchmann (Henri), Lecocq (Charles), Lecombe (Louis), Leroux (Xavier), Messager (André), Redstone (Willy), Vidal (Paul)
[3] « conte lyrique japonais en 1 acte »
[4] partition ayant été utilisée pour « Malvina », 1935
[5] partition provenant en grande partie de « Une Revue », 1926
[6] terminé par Büsser (Henri
Dernière modification: 29/02/2024