My Fair Lady

Frederick Loewe (1901-1988)

 

GENÈSE DE L’ŒUVRE

Le mythe

Entrons dans le domaine de la mythologie grecque et plus particulièrement dans « Les Métamorphoses » d’Ovide qui nous content l’histoire de Pygmalion, sculpteur de Chypre. Révolté par la conduite des femmes de son île, il se voua au célibat, ce qui déplut à Aphrodite, la déesse de la Beauté et de l’Amour. Pour le punir, elle le fit s’éprendre de la statue de Galathée qu’il venait de sculpter. Son amour était si intense et ses plaintes si vives que le déesse finit par donner vie à son œuvre… ce qui lui permit de l’épouser et d’en avoir deux enfants.
Ce récit merveilleux inspira nombre de poètes, de peintres (Girodet, Gérôme), de sculpteurs (Robert Lorrain), de musiciens (Lully, Rameau, Massé, Suppé), qu’il l’adaptèrent chacun à leur manière. Ainsi dans la Galathée de Victor Massé l’héroïne se comporte de manière si frivole et si scandaleuse que Pygmalion, de guerre lasse, implore Aphrodite pour qu’elle lui reprenne le don de la vie et la rende à sa condition minérale.

Parmi les écrivains qui s’approprièrent cette légende, le plus célèbre est sans compter l’Irlandais Georges Bernard Shaw (1856-1950) qui publia en 1912, une pièce, Pygmalion, qui fut créée au Her Majesty’ Theatre de Londres. La version française fut représentée pour la première fois à Paris en 1933.
L’action est transposée à l’époque moderne et seule la magie des mots remplace les pouvoirs des dieux antiques. Le héros est un spécialiste en phonétique qui use de ses talents pour transformer une fille des rues à l’accent faubourien des plus insupportables en une femme du monde pour qui les règles du beau langage n’ont plus de secret.

La comédie musicale

En 1952, le producteur Gabriel Pascal demande au compositeur Frederick Loewe et au parolier Alan Jay Lerner d’en écrire une adaptation musicale pour la scène. Malheureusement, le tandem s’aperçoit bien vite de la difficulté à adapter une pièce qui ne respecte pas quelques-unes des règles d’or du genre de l’époque, en particulier le fait que l’histoire principale ne soit pas une histoire d’amour, qu’il n’y ait pas d’intrigue secondaire (avec un couple « burlesque ») et, enfin, qu’aucun « ensemble » ne trouve sa place dans l’œuvre d’origine.
De plus, le jugement d’Oscar Hammerstein II, l’un des maîtres incontestés de la comédie musicale en ce début des années cinquante, ne tarde pas à se faire entendre : la pièce de Shaw est inadaptable pour Broadway. Le binôme Lerner et Loewe abandonne le projet pendant deux ans.
De 1954 à 1956, de nombreux bouleversements vont permettre à la pièce Pygmalion, renommée My Fair Lady de devenir une comédie musicale. Tout d’abord, Gabriel Pascal, qui détenait les droits d’adaptation, meurt. Lerner et Loewe ont, parallèlement, retrouvé leur liberté artistique et tandis que le parolier s’essaye à mettre en musique Lil’ Abner, il décide de revenir au projet d’adaptation de Pygmalion. Ce n’est pas simple car la Metro Goldwyn Mayer (la MGM, la prestigieuse firme au lion !) convoite également les droits de la pièce et s’évertue à décourager Lerner de la concurrencer. C’est alors que A.J. Lerner, comme il l’écrira plus tard dans son autobiographie, The Street Where I Live (non traduite en français), aurait déclaré à F. Loewe « nous allons écrire ce show, sans les droits, et quand le temps sera venu de savoir à qui ils doivent appartenir, nous serons déjà si loin de tout cela, qu’il faudra bien qu’on nous les accorde ! ». Lerner et Loewe se mettent immédiatement au travail et, pendant cinq mois, composent et choisissent les interprètes de ce qui va devenir l’une de leurs plus belles collaborations. Au final, la Chase Bank de Manhattan, qui avait en charge la succession de Gabriel Pascal, leur accordera d’ailleurs les droits musicaux !

La création

La création mondiale eut lieu le 15 mars 1956 au Mark Hellinger Theater de Broadway : un chef d’œuvre était né.
Interprétée par Julie Andrews (alors inconnue) et Rex Harrison, la pièce tint l’affiche 2717 représentations consécutives pour la première série.
Affiché à Londres, au théâtre Drury Lane, à compter du 30 avril 1958, avec les mêmes principaux interprètes, le spectacle fut donné pendant 2 281 soirées.

My Fair Lady fut reprise en tournée, traduite dans toutes les langues et jouée dans cinquante pays. Toutes les grandes capitales s’en sont emparées, toutes sauf Paris. Il paraît d’ailleurs, par la suite, qu’en mesure de rétorsion, les producteurs américains se sont toujours refusés à accorder l’autorisation pour la capitale.

Une première version française fut donnée à Genève le 27 décembre 1968. Sur des paroles de Claude-André Puget et Jean Valmy. Et l’on en resta là. L’exclusivité fut ensuite accordée pour un temps à Nick Varlan concernant les pays de langue française, à l’exclusion de Paris. Et, le 8 octobre 1977, était créée au théâtre Sébastopol de Lille. Le livret était de Bruno Tellenne, les lyrics de Pierre Carrel.
La distribution réunissait Claudine Coster (Eliza), Dominique Tirmont (Higgins), Luc Barney (Alfred Doolittle), dans une mise en scène de Paul Glover et sous la direction musicale d’Alexandre Vanderdonckt.
Le spectacle tourna dans l’Hexagone où il rencontra un beau succès (le rôle de Higgins était parfois tenu par Georges Descrières, par Bernard Dhéran, puis en 1984 par Paul-Emile Deiber).

Une nouvelle adaptation fut créée à Liège, le 23 décembre 1993. Textes et lyrics d’Alain Marcel. Avec Alexise Yerna (Eliza), Bernard Alane (Higgins), Bernard Larmande (Pickering), Bernard Valdeneige (Alfred Doolittle), Pierre-Yves Duchesne (Freddy). Mise en scène, Alain Marcel, assisté de Christophe Mirambeau ; direction musicale Claude Cuguillère).

Une autre adaptation de Michel de Carol voit le jour (19 janvier 2008, Sébastopol de Lille). Mise en scène de Jean-Marc Biskup ; direction musicale, Louis-Vincent Bruère. Avec Nelly Vila (Eliza), Jean-Marc Biskup (Higgins), Michel de Carol (Pickering), Franck Vincent (Alfred Doolittle).

Le théâtre du Châtelet a accueilli l’ouvrage en version originale sur-titrée du 9 décembre 2010 au 2 janvier 2011. Avec Christine Arand ou Sarah Gabriel (Eliza), Alex Jennings (Higgings), Nicholas Le Prévost (Pickering), Donald Maxwell (Doolittle), Ed Lyon (Freddy). mise en scène : Robert Carsen, direction musicale : Kevin Farrell.

La version cinématographique

Succès oblige. Le cinéma s’empara de My Fair Lady et le producteur Jack L. Warner tira un énorme bénéfice du film de George Cukor (1964). Audrey Hepburn (doublée pour le chant par Marni Nixon) fut préférée à Julie Andrews sous prétexte que celle-ci était encore trop peu connue, mais Rex Harrison conserva le rôle du professeur Higgins qu’il tenait au théâtre.

Dans « L’Histoire Illustrée du Cinéma » (Editions Atlas, volume 6) on peut lire : « Un chef d’œuvre dont tous les éléments rivalisent d’intelligence, d’élégance et de beauté : une admirable mise en scène de Cukor, un scénario qui doit presque tout à l’esprit de G.B. Shaw, des décors et des costumes de Cecil Beaton (célèbre photographe et dandy !) comme on en a rarement vu, une aimable musique et par dessus tout le talent, la grâce et l’éclat d’Audrey Hepburn à l’apogée de sa carrière. »

Mathé Altéry fut la voix française d’Eliza et Dominique Tirmont celle de Higgins.

L’argument (version théâtrale)

L’action se passe en 1912 à Londres et les environs.
À la sortie de l’Opéra de Covent Garden, le professeur Higgins, distingué linguiste qui s’intéresse particulièrement aux parlers populaires, observe avec intérêt Eliza Doolitle, petite vendeuse de fleurs, qui parle le plus pur cockney des bas quartiers. Au colonel Pickering, autre spécialiste de la linguistique, il affirme être capable de transformer son élocution et même d’en faire une lady.

Eliza reste rêveuse. Soucieuse d’apprendre à « causer » mieux, elle se rend chez Higgins pour lui demander des leçons. Le professeur accepte et décide de la loger chez lui, où habite également Pickering, et de faire son éducation. Il faudra bien des larmes et des moments d’exaspération pour aboutir à des résultats concrets. Enfin la jeune fille parle correctement.

Une première apparition aux courses, au cours de laquelle elle fait la connaissance de la mère d’Higgins… et du jeune Freddy n’est pas concluante. Six semaines plus tard, au bal des Ambassades, Eliza, adorable de grâce et de beauté, enthousiasme tout son monde, même la reine de Transylvanie. Au retour, Higgins et Pickering se congratulent égoïstement sans un mot pour l’héroïne de la soirée, sans égard pour le travail qu’elle a fourni. Eliza leur reproche d’avoir fait d’elle une poupée mondaine. Comme Higgins lui prodigue de cyniques conseils, elle décide de s’en aller. Devant la maison, elle éconduit le jeune Freddy qui lui fait une déclaration d’amour.

Elle se réfugie chez la mère du professeur où celui-ci finit par la retrouver après avoir cherché en vain un peu partout. Au cours d’une longue scène, il lui avoue avoir besoin d’elle mais elle se dérobe, avec coquetterie et dignité. Higgins rentre tristement chez lui… Tout est terminé ? Non, la porte s’ouvre lentement et Eliza paraît…

La partition

Version théâtrale originale en vo

Acte I : Ouverture – « Street Entertiners » (Buskers) – « Why Can’t the English ? » (Higgins) – « Wouldn’t It be loverly ? (Eliza, les Cockneys » – « With a Little Bit of Luck » (Alfred Doolittle, Harry, Jamie » – « I’m an Ordinary Man » (Higgins) – reprise « With a Little Bit of Luck » (Alfred Doolittle, chœurs)- « Just your Wait » (Eliza)- « Poor professor Higgins » (Chœurs, Higgins, Eliza) – « The Rain in Spain » (Higgins, Eliza, Pickering) – « I could Have Danced All Night » (Eliza, Mme Pearce, femmes de chambre) – Gavotte d’Ascott : « Ev’ry duke and carl and peer is here » (Chœur, ensemble » – « On the Street Where You Live » (Freddy) – finale I « La Valse de l’Ambassade » (Ensemble)

Acte II : Entracte – « You Did It » (Higgins, Pickering, Mme Pearce, domestiques » – reprise : « Just your Wait » (Eliza) – reprise : « On the Street Where You Live » – « Show Me » (Eliza Freddy) – « Wouldn’t It be loverly ? » (Eliza, les Cookneys)- « Get me to the Church on Time » (Doolitle, Harry, Jamie, ensemble)- « Himn to Him » (Higgins) – « Without You » (Eliza, Higgins) – « I’ve Grown Accustomed to Her Face » (Higgins) – musique de final

Version filmée (en français)

Ouverture – « Apprenons à bien parler » (Higgings, Eliza, Pickering) – « Ce serait merveilleux » (Eliza, chœurs) – « Encombrez-vous d’une femme » (Higgins) – « Avec un peu de veine » (Doolittle, Harry, Jamie, chœurs) – « Je t’en ferais voir » (Eliza) – Ensemble des domestiques – « Le ciel d’Espagne » (Higgings, Eliza, Pickering) – « J’aurais voulu danser » (Eliza, Mrs Pearce, les femmes de chambre) –
« Ascot gavotte » (chœurs) – « L’amour est dans ta rue » (Freddy) – Le bal (orchestre) – « Quelle réussite » (Higgings, Pickering, Mrs Pearce) – « Des mots vides » (Eliza, Freddy) – Réminiscences – « Je me marie ce matin même » (Doolittle, chœurs) – « Ah ! Pourquoi les femmes » (Higgins, Pickering) -« Même sans vous » (Eliza, Higgings) – « Je m’étais habitué à elle » (Higgings)

Fiche technique

Comédie musicale en deux actes de Frederick Loewe. Livret et lyrics d’Alan Jay Lerner d’après la pièce Pygmalion de George Bernard Shaw. Création au Mark Hellinger Theatre le 15 mars 1956, après quelques représentations au New Haven (4 février 1956) dans une mise en scène de Moss Hart, chorégraphie de Hanya Holm, décors de Oliver Smith, costumes de Cecil Beaton. Avec : Julie Andrews, Rex Harrisson, Robert Coote, Stanley Holloway, Cathleen Nesbitt,…

Versions entièrement françaises (textes et lyrics)

. La première création en langue française, pour laquelle nous manquons d’informations, aurait eu lieu à Genève le 27 décembre 1968.

– Création en France au Théâtre Sébastopol de Lille le 8 octobre 1977 dans une adaptation française de Bruno Tellene et Pierre Carrel. Reprise de la mise en scène originale de Paul Glover, chorégraphie de Claude Bessy, décors et costumes de Michel Fresnay.
Avec : Claudine Coster (Eliza), Dominique Tirmont (Higgins), Luc Barney (Alfred Doolittle), Josette Drouet, Jacques Villa, Marie Laurence, accompagnés par l’orchestre des Galas Lyriques de Paris, direction musicale, André Martial.

– Nouvelle adaptation française, texte et lyrics d’Alain Marcel ; direction musicale de Claude Cuguillère ; mise en scène d’Alain Marcel assisté de Christophe Mirambeau et Grégory Antoine ; décors de Sonia Lesot, assistée de Thierry Good ; costumes de David Belugou ; chorégraphie de James Sparrow ; lumières de Laurent Castaingt. Création à Liège le 23 décembre 1993.
Avec : Alexise Yerna (Eliza), Hélène Duc (Mme Higgins), Edith Perret (Mme Pearce), Anna Gaylor, Agnès Bove, Patricia Setbon, Bernard Alane (Professeur Higgins), Bernard Larmande (Colonel Pickering), Bernard Valdeneige (Alfred Doolittle), Pierre-Yves Duchesne (Freddy), Franck Licari, Gilles Vajou, Jean-Paul Mamonov, Hubert Meens.
Coproduction : Théâtre des Arts de Rouen, Opéra d’Avignon et des Pays de Vaucluse, Maison de la Culture et de la Communication de Saint-Etienne, Théâtre du Capitole de Toulouse, Théâtre Municipal de Metz, TML Opéra de Lausanne, Opéra Royal de Wallonie, Alliance-Opéras.

– Nouvelle adaptation française de Michel de Carol créée au théâtre Sébastopol de Lille le 19 janvier 2008. Mise en scène : Jean-Marc Biskup ; direction musicale: Louis-Vincent Bruère ; chorégraphie : Audrey Sénesse ; costumes : Brigitte Legrand ; décors : Philippe Chanel sur des maquettes de Michel de Carol.
Avec : Nelly Vila (Eliza Doolittle), Patricia Portelli (Mrs Higgins), Danièle Dinant (Mrs Pearce), Christine Bonnard (Lady Eynsford-Hill/ Mrs Hopkins), Françoise Aubry (Lady Boxington), Brigitte Legrand (la Reine de Transylvanie), Jean-Marc Biskup (Henry Higgins), Michel de Carol (Colonel Pickering), Franck Vincent (Alfred Doolittle), Alain Tournay (Freddy Eynsford-Hill)

Discographie

Audio :

Il n’existe pas d’enregistrement en français d’une version théâtrale. Seul extrait : « Ce serait merveilleux » par Claudine Coster (version Nick Varlan)
Bande originale du film avec Mathé Altéry et Dominique Tirmont : 33T 30cms CBS 70001
Extraits version filmée : Mathé Altéry, Paulette Merval, Jacqueline François, Dalida, Gloria Lasso, Georges Guétary (« J’aurais voulu danser ») ; Marcel Merkès, Tino Rossi, Annie Cordy, Georges Guétary (« L’amour est dans ta rue »)

Versions originales :
. Album de la version originale avec Julie Andrews et Rex Harisson (Broadway, 1956)
. Version anglaise avec Julie Andrews et Rex Harisson (Londres, 1959)

Vidéos :

Aucune vidéo n’est disponible dans le commerce dans la version française. Cependant celle adaptée par Alain Marcel a été enregistrée pour la télévision à 2 reprises : en 1994 à Liège (ORW) avec Alexise Yerna et Bernard Alane en 2014 par l’Opéra Grand Avignon avec Chiara Skerath et Jean-Louis Pichon

Bien entendu la vidéo du film avec Audrey Hepburn (voix chantée Marni Nixon) et Rex Harrison est disponible dans le commerce en version originale ou en version française (voix chantée d’Eliza : Mathé Altéry ; Rex Harrison étant doublé par Dominique Tirmont)

Sources : Revue « Opérette-Théâtre Musical » ; « Guide raisonnable et déraisonnable de l’opérette et de la comédie musicale » (Fayard, 2008) ; « L’Histoire Illustrée du Cinéma » (Editions Atlas, volume 6,1983)

Références

Revue « Opérette »  n° 32, 54, 91, 92, 97, 147, 156, 158, 170, 177, 186 & 189. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »

Dernière modification: 28/02/2024

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