Monsieur Carnaval

Monsieur Carnaval

Charles Aznavour (1924-2018)

 

Ayant appris que Jean-Jacques Vital envisageait de monter une comédie musicale de Frédéric Dard (le père de San Antonio) et Charles Aznavour, tous deux alors à l’apogée de leur popularité, Maurice Lehmann propose son théâtre. L’accord se fait rapidement…
Le directeur est favorablement impressionné par la qualité du travail que lui présente Charles Aznavour :
« Il y a là-dedans de bonnes choses. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, il a écrit une véritable opérette – je veux dire que les duos, les quatuors, les quintettes, sont charmants, très soignés. Plante a fait de très jolis couplets. Il manque peut-être, ce qui est surprenant, une vraie chanson aznavourienne, un « tube » comme il est d’usage maintenant de désigner des chansons que l’on charge de faire le tour du monde. Le petit Charles y pourvoira… et ce sera « La Bohème ».
Nous sommes tous d’accord pour baptiser la pièce Monsieur Carnaval… »
(1).

Septembre 1965. Tandis que chaque soir les Valses de Vienne tournent inlassablement, les répétitions de Monsieur Carnaval vont bon train ; pourtant le directeur se sent un peu seul car Charles Aznavour est parti pour une tournée de trois mois en Amérique et l’auteur, perturbé par des soucis d’ordre sentimental, est invisible.
C’est le tandem gagnant de La Polka des Lampions, Georges Guétary et Jean Richard, qui est chargé de mener le spectacle au succès. Auprès d’eux, la jeune Eliane Varon, qui a fait ses débuts au Châtelet l’année précédente dans une reprise de Méditerranée, donne toute satisfaction au pourtant exigeant directeur ; sur Jean Richard, Maurice Lehmann émet le jugement suivant :
« Jean Richard nous fait beaucoup rire aux répétitions. La finesse de son jeu me laisse pantois. C’est un clown, mais un clown moderne. Ses grimaces sont humaines, ses gestes mêmes répondent à une nécessité psychologique. C’est un grand artiste, je ne crains pas de le dire » (1).
La répétition générale est triomphale. Pour une fois la presse est unanime et Jean Richard obtient un succès qui dépasse toutes les espérances. Georges Guétary est lui aussi bien accueilli.

La pièce se joue du 17 décembre 1965 à février 1967, puis part en tournée… Monsieur Carnaval est resté très longtemps au répertoire des scènes de province. D’autres interprètes ont succédé à Jean Richard, le rôle de Manuel étant encore assez souvent dévolu à Georges Guétary. Puis, d’autres artistes, dont Alain Merkès et Michel Dunand ont été par la suite les héros de la comédie musicale de Charles Aznavour. Après un purgatoire de plusieurs années Monsieur Carnaval est réapparu au théâtre Fémina de Bordeaux dans une production entièrement renouvelée (1996). Depuis, on le retrouve encore parfois à l’affiche des théâtres de l’Hexagone.

D’une partition très agréable, aux airs bien rythmés ou mélancoliques, on retiendra la célèbre « Bohème », l’air-titre « Monsieur Carnaval », « Ça vient sans qu’on y pense », « Aime-moi », « Deux cents millions de cailloux », « Quelque chose ou quelqu’un », « Blanc comme la blanche hermine » et le duo de la rivière.

(1) « Trompe L’œil » par Maurice Lehmann (Editions de la Pensée Moderne, Paris 1971).

Jean-Claude Fournier

L’argument

Manuel Maury est un gentleman-cambrioleur, que ses talents à se travestir pour échapper à la police ont fait surnommer Monsieur Carnaval. Il s’est promis de profiter d’un bal costumé donné par la richissime Lady Cynthia Gloster pour lui dérober la rivière de diamants d’une valeur de deux millions de francs qu’elle portera à cette occasion ; et cela malgré la surveillance du commissaire Reboudin…
Le soir venu, Gustave, l’ami et complice de Manuel, survient déguisé en pâtissier ; il apporte une pièce montée garnie de fausses bougies qui, une fois allumées, dégagent une fumée soporifique.
L’assistance s’endort, sauf nos deux cambrioleurs qui se protègent avec des masques. Monsieur Carnaval s’empare de la rivière et la cache dans le lustre ; les deux amis se débarrassent alors de leurs masques et s’allongent auprès des invités.

Au réveil, le larcin est découvert mais Reboudin, faute de preuves ne peut arrêter son suspect n°1… Manuel propose aux assureurs de retrouver le collier moyennant une commission d’un million de francs ; ceux-ci acceptent malgré les protestations de Reboudin…
Le collier est évidemment retrouvé, mais… il s’agit d’un faux. Reboudin accuse le jeune homme qui, pourtant, n’y comprend goutte ; le policier lui donne 24 heures pour retrouver la rivière. Il n’était pas besoin de cet ultimatum car Manuel, pour gagner l’amour de Valérie, la jeune sœur de Lady Gloster, est bien décidé à récupérer et à restituer l’objet du délit. 
Valérie soupçonne Ted, une ancienne fréquentation de sa sœur qui, actuellement, se trouve à Londres.

Valérie, Gustave et Manuel réussissent à rejoindre Ted dans un bouge de Soho ; au cours d’une bagarre, ils le neutralisent. Ted restitue une partie du collier et avoue avoir cédé le reste aux frères Mac Gordon, deux gangsters en retraite qui vivent dans un manoir écossais.
Suivis de près par Reboudin, Manuel et Gustave arrivent dans la tanière des bandits ; ils sont rejoints un peu plus tard par Valérie. Après bien des péripéties, les frères Mac Gordon sont mis hors d’état de nuire. Quelques diamants supplémentaires sont récupérés mais il manque encore ceux que Steve Mac Gordon a offert à une danseuse qui se produit à Rio de Janeiro… En route pour le Brésil !

Manuel réussit enfin à mettre la main sur l’ensemble du collier qui est ainsi reconstitué. Que va-t-il faire ? Au nez et à la barbe d’un Reboudin médusé, il le remet à sa propriétaire légitime et abandonne la récompense aux bonnes œuvres de la police ! Et comme toute bonne action mérite récompense, Manuel épousera Valérie…

La partition

Acte I : « Cà vient sans qu’on y pense » (Manuel, Gustave) ; « Heureuse » (Valérie) ; Duo de la rivière (Manuel, Reboudin) ; « Quelque chose ou quelqu’un » (Valérie) ; « 200 millions de cailloux » (Gustave, comparses) ; Valse (Cynthia) ; « Monsieur Carnaval » (Manuel) ; « Blanc comme la blanche hermine » (Manuel) ; « Pas de fleur pour le patron (Reboudin, Gustave, un assureur) ; Ensemble « Les beaux draps » ; « Aime-moi » (Manuel, Valérie) ; « Et la flotte » (Gustave) ; Final 1

Acte II : « Moi, je prends mon temps » (Gustave) ; « La Bohème » (Manuel) ; « Quelle est ce cœur qui bat » (ensemble) ; Final II

Fiche technique

Monsieur Carnaval
Opérette en 2 actes et 22 tableaux. Livret de Frédéric Dard ; lyrics de Jacques Plante ; musique de Charles Aznavour ; orchestrations de Mario Bua.
Création, théâtre du Châtelet, le 17 décembre 1965, avec :
Eliane Varon (Valérie), Patricia Karim (Barbara), Jenny Astruc (Cynthia), Jean Richard (Gustave), Georges Guétary (Manuel), Paul Mercey (Commissaire Reboudin), André Vylar (Adrien-Luc), Luc Barney (Steve Mac Gordon, un assureur), Pierre Tissot (Ted), Jean Clarieux (Jim Mac Gordon), Patrick Préjean (Landoffé, Fred). Direction musicale, Jean-Claude Casadesus ; mise en scène de Maurice Lehmann; chorégraphie de Dirk Sanders; maquettes des décors et costumes de Jean-Denis Malclès.
Editions Raoul Breton

Discographie

Sélections

Eliane Varon, Georges Guétary, Jean Richard. Orchestre Jean-Claude Casadesus
1 disque 33T 30cm EMI STX 205

Références

Vous retrouverez  Monsieur Carnaval dans « Opérette » n° 63, 100, 160 & 194. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »

Dernière modification: 28/02/2024

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