Les Cloches de Corneville

Les Cloches de Corneville

Robert Planquette (1848-1903)

 

En 1831, le boulevard du Temple à Paris s’enrichit d’un nouveau théâtre : « Les Folies-Dramatiques ». On y représenta d’abord des vaudevilles et des drames-vaudevilles comme Robert Macaire. En 1862, le théâtre fut transporté rue de Bondy. À partir de 1867, il se spécialisa dans l’opérette. Hervé en fut d’abord le compositeur attitré : L’œil crevé (1867), Chilpéric (1868), Le petit Faust (1869), Les Turcs (1869). En 1873, après avoir hésité, Cantin, le directeur, présenta La Fille de Madame Angot, qui venait d’être créée à Bruxelles. Cantin ne retrouva pas dans les spectacles suivants le succès du chef d’œuvre de Lecocq. Seules des reprises régulières de La Fille Angot permirent au théâtre de maintenir le niveau moyen des recettes à un chiffre convenable.

Enfin, le 19 avril 1877, le directeur des Folies-Dramatiques se décida à présenter une nouvelle œuvre : Les cloches de Corneville. Robert Planquette avait déjà fait représenter quelques pochades au café-concert, comme Méfie-toi de Pharaon ou Paille d’Avoine qui ne lui avaient pas apporté la gloire. Un jour, un certain Charles Gabet, commissaire de police de son état, eut l’idée d’écrire le texte d’une opérette. Ne connaissant pas grand-chose à la versification, il s’adjoignit Clairville, co-signataire du livret de La Fille de Madame Angot. Robert Planquette fut chargé de composer la partition.
Plusieurs directeurs de théâtre furent contactés. Aucun ne s’intéressa au projet, auquel il fut reproché de trop ressembler à La Dame Blanche de Boieldieu ou à Martha de Flotow. Mais la musique ne resta pas pour autant dans les cartons. Fin 1873, un inconnu se présenta à Planquette. Fabricant de dessous de plats à musique, il lui offrit d’éditer des morceaux choisis de la partition. Planquette accepta et la musique fit son petit tour de France, sans avoir jamais été jouée dans un théâtre. Cantin, voyant cela, s’intéressa alors à l’ouvrage. Les Cloches de Corneville commencèrent ainsi leur carrière triomphale le 19 avril 1877.

À l’époque, les critiques ne furent pas tendres. Edmond Stoullig par exemple :
« Les Cloches de Corneville s’intitulent opéra-comique et M. Planquette s’imagine sans doute avoir fait de la musique. Hum !… Appliqués à des refrains de cafés-concerts qui ont traîné partout, les mots de « musiquette » et « d’opérette » nous semblent bien suffisants… Sa partition est un ramassis de polkas, de valses et de rondeaux qui sont autant de réminiscences. Quant à la pièce de MM. Clairville et Gabet, c’est une Dame Blanche transportée au pays du roi d’Yvetot, avec ressouvenirs de La Fille du régiment… On prendrait volontiers sa canne et son chapeau si l’on n’était retenu par les artistes qui font parfois preuve de talent et d’originalité ».

En dépit de la critique, l’opérette reçut un accueil triomphal du public. La troupe de la création rivalisait d’entrain et de talent. Ernest Vois tenait le rôle du marquis. Il compensait son manque de voix par un jeu plein d’aisance. Gaspard eut un interprète idéal dans Milher. Simon Max fut un Grenicheux très applaudi. Mlle Gélabert était Germaine avec beaucoup de charme. Mlle Girard (Serpolette), jeune débutante de 18 ans, fut la triomphatrice de l’opérette.

L’ouvrage fut traduit dans toutes les langues et fit plus de trois fois le tour du monde. À Paris, il atteignit la millième représentation en moins de 10 ans. Les Cloches bénéficièrent de maintes reprises dans la capitale jusqu’à la guerre. Reprise à deux reprises à la Gaîté Lyrique (1953 et 1958) avec Michel Dens, la pièce termina sa carrière parisienne lors d’un festival d’opérette donné à la Porte Saint-Martin en 1968. Elle n’a pas quitté les scènes de l’Hexagone, même si ses apparitions ne sont plus aussi fréquentes.

L’argument

En Normandie, à la fin du XVII° siècle, le marquis de Corneville doit s’expatrier avec son petit-fils Henri. En partant, il confie sa fortune et son domaine à son fermier Gaspard. Au fil des ans, ce dernier finit par considérer comme sien les biens et l’or de ses maîtres. Et pour ne pas éveiller les curiosités, il laisse croire que le château de Corneville est hanté par ses anciens châtelains.
À la même époque, un certain comte de Lucenay, autre noble de la région, fuit également la France en confiant sa fille Germaine à ce même Gaspard qui la fait passer pour sa nièce. Enfin, le fermier qui, décidément, se prépare à devenir le personnage incontournable de la pièce, recueille dans un champ de serpolets un bébé qu’il prénomme… Serpolette et qui deviendra plus tard sa servante. La prudence étant mère de sûreté, Gaspard subtilise la page du registre du bailliage où sont inscrites les naissances de Germaine et Serpolette.

L’action débute quelque vingt ans plus tard, à la fin du règne de Louis XIV.

Acte I :
Un sentier boisé près du château de Corneville
Le nouveau bailli trouve bien suspects les agissements de Gaspard, et a bien envie de faire rouvrir le château. Pour le neutraliser, le rusé fermier le convainc d’épouser Germaine, qui vient de revenir au pays après quelques années passées en pension. Celle-ci, par contre, a promis sa main à Grenicheux, un jeune vaurien de « pêcheur d’écrevisses ». Non par amour mais par reconnaissance. En effet, étant tombée à la mer, elle a trouvé à son chevet, en revenant à elle, Grenicheux qui a prétendu l’avoir sauvée de la noyade.
Le jour du marché de Corneville, survient un inconnu de haute mine qui s’intéresse au château. Il rencontre Germaine. Elle lui raconte la légende des cloches qui, silencieuses depuis de longues années, carillonneront au retour des seigneurs de Corneville. Justement l’inconnu n’est autre que le marquis de Corneville qui, après avoir « fait trois le tour du monde », revient prendre possession de son domaine.

Le marché de Corneville
Le marquis se rend au marché où, deux fois par an, on peut louer domestiques, servantes ou cochers. Henri engage Serpolette et Grenicheux qui fuient la colère de Gaspard et Germaine qui veut à tout prix échapper au mariage avec le bailli.

Acte II :
Une grande salle du château de Corneville
Henri entraîne au château ses nouveaux domestiques et le bailli. Il leur dévoile sa véritable identité et tente de les rassurer car, à part Germaine qui fait assez bonne figure, tout ce petit monde claque des dents à la pensée de rencontrer les fameux fantômes. Des documents trouvés dans le château peuvent laisser supposer que Serpolette serait l’héritière des Lucenay. Le marquis se sent de plus en plus attiré par Germaine dont l’allure et la réserve ne correspondent pas à l’attitude d’une fille de sa condition. Elle lui raconte les raisons qui l’ont conduite à accorder sa main à Grenicheux. Le marquis comprend la duplicité de son serviteur, car c’est en réalité lui, Henri, le véritable sauveur de Germaine.
Mais pour l’heure, il est temps de s’intéresser aux fantômes, car une barque approche du château. Tout le monde se cache. Un homme apparaît. C’est Gaspard. Tel Harpagon, il attrape dans une armoire des sacs remplis d’or et en contemple avec délices le contenu. Les cloches de Corneville se mettent à sonner… Gaspard tremble, s’affole. Henri se découvre et s’approche pour le châtier. Il se rend aux prières de Germaine et fait grâce au fermier.

Acte III :
Le parc du château de Corneville
Le marquis donne une grande fête dans son château. Gaspard, qui a perdu la raison, se promène de groupe en groupe en chantonnant. Serpolette a hérité les biens et titres des Lucenay, au bénéfice du doute, par suite de la disparition de la page du registre de bailliage. Elle a fait de Grenicheux son factotum et son souffre-douleur.
Henri fait confesser à Grenicheux sa supercherie. Cachée, Germaine entend leur conversation. Elle se jette aux pieds de son seigneur. Le marquis la relève et lui demande de devenir sa femme. Germaine refuse, estimant qu’une servante ne peut épouser un marquis. Gaspard recouvre la raison. Pris de remords, il avoue toute la vérité et prouve ainsi que Germaine est la véritable héritière des Lucenay.
Tout est bien qui finit bien pour Germaine et Henri. Les cloches peuvent sonner en l’honneur de la nouvelle châtelaine de Corneville !

La partition

Acte I : Ouverture ; 1er tableau : Chœur ; Chanson des « on-dit » ; Rondeau de Serpolette « Dans ma mystérieuse histoire » ; Chanson du mousse (Grenicheux) ; Duo (Germaine et Grenicheux) ; Chanson des Cloches (Germaine) ; Rondeau-valse « J’ai fait trois fois le tour du monde » (Henri) ; Ensemble « A la perruque d’un bailli »
2e tableau : Couplets de Grenicheux « Je ne sais comment faire » ; Chœur des domestiques, chœur des cochers, chanson des servantes et final I

Acte II : Chœur, trio (Serpolette, Grenicheux, le bailli) ; chanson (Serpolette) ; Couplets de Germaine « Ne parlez pas de mon courage » ; Chanson du bailli  « J’avais perdu ma tête et ma perruque » ; Chanson et chœur « Sous des armures à leurs tailles » (Henri) ; Ensemble et couplets « Vicomtesse et Marquise » (Serpolette, Henri, chœurs) ; Duo Germaine-Henri « C’est elle et son destin » ; Chœur et quintette « Gloire au valeureux Grenicheux » ; C’est là, c’est là qu’est la richesse (Gaspard, Grenicheux) et final II.

Acte III : Chanson des gueux (Gaspard) – Chœur et chanson (Serpolette, Grenicheux) ; Chanson du cidre (Serpolette, chœurs) ; Rondeau-vaIse « Je regardais en l’air » (Grenicheux) ; Duo Germaine-Henri « Une servante, que m’importe » ; Final III.

Fiche technique

Les Cloches de Corneville
Opéra-comique en 3 actes et 4 tableaux de Louis Clairville et Charles Gabet, musique de Robert Planquette. Création à Paris, théâtre des Folies-Dramatiques, le 19 avril 1877. Avec :
Conchita Gélabert (Germaine), Juliette Girard (Serpolette), Ernest Vois (le marquis), Milher (Gaspard), Simon-Max (Grenicheux), Luco (le bailli)
Editions Chappell

— Discographie

cloches de corneville 1
Mady Mesplé et Bernard Sinclair (© disque EMI)

Intégrales

Mady Mesplé, Christiane Stutzmann, Bernard Sinclair, Charles Burles. Orch. Jean Doussard.
EMI C 163 72775/6 (2 disques)

Huguette Boulangeot, Colette Riedinger, Ernest Blanc, Jean Giraudeau. Orch. Pierre Dervaux
Carrère 67771 (2 disques). Repris en album 2CD Accord 465861.2 (2000).

Sélections

Hélène Regelly, Claire Brière, Robert Jysor, Georges Foix. Orch. Paul Minsart
Odéon XOC 158

Lina Dachary, Suzanne Deilhes, Robert Massard, Aimé Doniat. Orch. Jean-Claude Hartemann
Vega 16196

Lyne Cumia, Janine Ribot, Julien Haas, René Coulon. Orch. Jésus Etcheverry
Philips 837 481 GY (repris en CD)

Janine Micheau, Nicole Broissin, Michel Dens, Michel Sénéchal. Orch. Franck Pourcel
EMI C 057 10848

Martha Angelici, Nadine Renaux, Michel Dens, Joseph Peyron. Orch. Jules Gressier
Pathé DTX 30130. Repris en coffret 2CD (avec « La fille de Madame Angot » et « La Mascotte »)

Paulette Merval, Marcel Merkès, Michel Cadiou. Orch. Jacques Météhen
CBS 62748

Liliane Berton, Rémy Corazza. Orch. André Gallois
GID SMS 2200

Claudine Granger, Lionel Lhote. Orch. Christian Lalune
Sélection du Reader’s Digest CD 3159.2 (3 CD) (+ La Fille de Mme Angot [Lecocq] + La Mascotte [Audran])

Références

Vous retrouverez Les Cloches de Corneville dans « Opérette » n° 25, 61, 95, 96, 167, 173 & 194. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »

Dernière modification: 27/02/2024

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