La Vie parisienne, Mérignac (Le Pin Galant)
dimanche 19 novembre 2023

La Vie parisienne, Mérignac (Le Pin Galant)

« La Vie parisienne » Laurent Arcano, Florian Laconi, Eve Coquart, Alfred Bironien, Morgane Bertrand (© TLA )

C’est la version en 4 actes donnée aux Variétés en 1873 qui a été retenue à Mérignac. Offenbach n’était pas satisfait par cette reprise, à laquelle il avait pourtant consenti, mais dont l’intrigue équilibre moins bien que la version d’origine de 1866 les différents rôles, même si elle sacrifie peu de musique par rapport à cette dernière. Elle fait pratiquement « disparaître » la baronne et n’est guère explicite sur le rôle joué par Métella. Ce remodelage a pourtant connu son heure de gloire. C’est celui qui a été monté en 1958 par Jean-Louis Barrault, en 1997 par Daniel Mesguish, en 1998 par Alain Marcel, en 2007 par Laurent Pelly ou encore par Waut Koeken plus récemment, sans compter les innombrables mises en scène données partout 1.

C’est dans cette lignée que s’inscrit la mise en scène enlevée et élégante de Serge Manguette au Pin Galant. Le resserrement des rôles secondaires sur trois interprètes dont les réapparitions réjouissent, l’ajout du rondeau de la baronne « Je suis encore toute éblouie » tirée du 4e acte de la création, les répliques explicatives donnent à cette version en 4 actes sa cohérence et signent son succès qui ne s’est jamais démenti auprès du public. Chaque acte est replacé dans son ambiance : l’effervescence scénique jointe aux tuttis orchestraux du I, le climat plus intimiste du II débouchant sur une table d’hôtes haute en couleurs. L’acte III, très réussi, se maintient de bout en bout dans la folie ; le burlesque des serviteurs très commedia dell’arte, puis la griserie surréaliste en sont les formes très abouties. Enfin l’acte IV, pas évident à crédibiliser, se dénoue avec une place importante donnée aux galops qui déchaînent les applaudissements du public. Ce qui fait fonctionner la très pertinente et jouissive proposition de Serge Manguette, ce sont le rythme du spectacle, les « entourages » chorégraphiques inventifs des numéros clefs, les lazzis bienvenus qui remplacent les traditions. On entendait à la sortie une spectatrice enthousiaste dire :« ce spectacle vide la tête ! ». Par les temps qui courent…

Vie Parisienne Toulouse 3 scaled
Julie Morgane et Laurent Arcano (© TLA)

 C’est aussi la distribution réunie par productions TLA qui a boosté l’adhésion : un plateau idéal fait de solides voix d’opéra et de fantaisistes hors-pair.
On a rarement entendu une Gabrielle plus rayonnante qu’Ève Coquart, qu’elle soit gantière, veuve d’un colonel ou parisienne incarnée ; la voix est superbe, bien projetée, avec un contrôle du volume et des effets, une pureté de la ligne et du souffle qui subliment le personnage. Autre voix typiquement d’opéra, celle de Florian Laconi qui met au service du brésilien et du bottier une élocution mordante, puis accordant à Prosper un jeu débridé. Laeticia Goepfert est une Métella de luxe à la voix ample, aux inflexions soucieuses des mots. Ses deux airs ont été très applaudis.
La baronne de Morgane Bertrand joue une comédie plus délurée que dans bien des productions (« j’ai deux ou trois courses à faire » chante-t-elle, des raisons pour s’extérioriser) ; le timbre est plein et les harmoniques riches, que ce soit dans le trio d’entrée ou dans l’air restitué.
Laurent Arcaro est un baron jeune (mais pourquoi pas ? Les emplois n’ont pas à être éternellement figés) ; riche d’une expression venue de la fréquentation de nombreuses expériences musicales, son baron est vocal, sa présence affirmée et d’une belle efficacité scénique.
Dans Pauline Julie Morgane entre avec le talent qu’on lui connaît dans le jeu des faux semblants de l’acte III ; sa contribution vocale n’est pas moins remarquable.

Gardefeu et Bobinet sont distribués à des interprètes qui semblent faits pour les rôles. La voix articulée et claire et les dons de comédien d’Alfred Bironien sont une réponse à l’exigence théâtrale complète du rôle de Gardefeu. Rémy Mathieu est un Bobinet plein de fougue et d’engagement dont la jolie voix perce avec éclat dans ses interventions chantées.
Aussi drôle en Joseph que clownesque en Urbain, Vincent Alary est le type même de l’interprète qui incarne la fantaisie d’Offenbach et conforte l’esprit de troupe.

Claude Cuguillère lui aussi connaît son Offenbach sur le bout des ongles (combien en a-t-il dirigé au Capitole et ailleurs ?) ; il est par ses tempi ensorcelants le déclencheur des affects chez le public et le dispensateur d’un réel plaisir musical.

Un grand bravo aussi à Annabelle Rougemont pour la préparation des chœurs et à ACM Carole Massoutie pour celle du ballet.

Didier Roumilhac

19 novembre 2023

Note

1. La version en 5 actes de la création sera reprise par Jérôme Savary à Genève en 1990, puis par Alain Françon à Lyon en 1992 ou encore par Nadine Duffaut. On attendra 2013 pour la version de censure donnée à Bruniquel par Jean-Christophe Keck et 2021 pour le début de la tournée avec la version du Palazzetto.

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