Un de La Canebière, Odéon de Marseille
dimanche 19 novembre 2023

Un de La Canebière, Odéon de Marseille

« Un de La Canebière » Caroline Géa, Grégory Benchenafi, les danseurs (© Christian Dresse)

Comment ne pas goûter le plaisir de l’opérette marseillaise lorsqu’on l’éprouve dans l’emblématique Théâtre de l’Odéon situé tout en haut de la Canebière ? Et c’est bien ici que prend tout son sens le célèbre refrain : « Elle fait le tour de la Terre, notre Cane, Cane, Cane… Canebière » repris en chœur d’une seule voix par tout le public, moment évidement jubilatoire de partage et de bonne humeur.

La chose est d’autant plus amusante, mais aussi soumise à une interrogation légitime, à savoir que la plupart de ces opérettes marseillaises n’ont pas été créées dans la cité phocéenne mais soit à Paris, soit à Lyon (au Théâtre des Célestins), à la seule exception du Roi des Galéjeurs, créé en 1938. Force est de constater que certains titres comme Arènes joyeuses et Les Gangsters du Château d’If ont complètement disparu de l’affiche mais qu’en revanche Un de La Canebière a continué à être joué régulièrement au cours de ces dernières décennies.

L’Odéon, attaché comme il se doit au répertoire emblématique marseillais, a proposé au cours de la saison 2022/2023, Trois de La Marine, mis en scène par Simone Burles à laquelle a été confiée en ce mois de novembre la nouvelle production d’Un de La Canebière. On y retrouve les airs fameux gravés dans la mémoire collective et considérés comme des tubes à l’instar de « Un petit cabanon », « J’aime la mer » et bien entendu l’incontournable « Plus beau tango du monde ». La thématique est évidemment la mer qu’on doit considérer comme une des protagonistes de l’œuvre au même titre que celle de Pagnol dans sa célèbre trilogie. Le livret signé Henri Alibert (en réalité écrit par René Sarvil et Raymond Vincy), n’est pas sans rappeler par son humour provençal, ses bonnes intentions, son ambiance chaleureuse et ses grandes tirades comiques, divers aspects non négligeables des chefs-d’œuvre du célèbre académicien.

Simone Burles, qui connaît comme personne le folklore marseillais, met en scène avec vivacité cette opérette en tirant tous les partis du texte et en lui donnant parfois des allures de comédie musicale notamment dans le fameux tableau de la Réserve avec le concours de danseurs qui savent aussi bien interpréter un lancinant tango tout en réservant au public un trépidant numéro de claquettes. On apprécie particulièrement Grégory Benchenafi qui fait du rôle de Toinet un héros irrésistible. Cet artiste aux dons multiples nous a depuis le début de sa carrière constamment enchanté, qu’il s’agisse d’opérette classique, viennoise ou moderne ou encore de comédie musicale, mais aussi au théâtre où il a joué plusieurs centaines de fois La machine de Turing.

Une occasion de rendre également deux hommages, le premier à Claude Deschamps, l’un des piliers de l’opérette en France ; il a tout interprété, dans tous les répertoires et sur toutes les scènes et qui, après des décennies de carrière et des centaines de rôles, déploie toujours une extraordinaire énergie en Girelle pour lequel il propose un incroyable numéro mené avec un abattage et un rythme époustouflants. Pareil hommage peut être rendu et de la même manière à un vétéran de l’opérette : Jean-Claude Calon qui a eu la chance d’être le partenaire de Luis Mariano dans Le Prince de Madrid et qui apporte toute la truculence et la faconde qu’on lui connaît dans le rôle de Pénible. À côté de ce trio, Simone Burles fait preuve de toute son expérience en Margot, et Caroline Géa se glisse avec bonheur dans une séduisante Francine tandis que Priscilla Beyrand dessine une amusante Malou avec le charme acidulé qui sied au personnage. On retrouve en Antoine Bonelli un impayable Bienaimé des Accoules, tandis qu’Estelle Danière incarne une Marie sculpturale. Inattendu dans le rôle de Charlot (sorte d’Escartefigue pagnolesque) Yves Coudray mettra en scène, en février à l’Opéra de Marseille, La Traviata de Verdi, comme quoi on peut passer avec aisance d’un emploi à un autre ! Quant à Fabrice Todaro c’est peu de dire qu’il sait tout faire comme en témoigne son extravagant Garopouloff. Mais il faut également souligner tout ce que l’on doit à l’excellente direction musicale de Didier Benetti qui impulse à cette musique un coup de jeune et de swing bienvenus avant de s’emparer de la baguette de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille pour une toute autre musique : celle de Franz Lehár et de son chef-d’œuvre incontournable La Veuve Joyeuse.

Christian Jarniat

19 novembre 2023

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