Hello Dolly !

Jerry Herman (1933-2019)

 

Il était une fois… une farce en un acte de l’Anglais John Oxenford intitulée A Day Well Spent et jouée au Royal Theatre de Londres en 1835. En 1842, Johann Nestroy en donne une adaptation à Vienne, sous le titre Einen Jux Will Er Sich Machen.
Quelque cent ans plus tard, le célèbre metteur en scène Max Reinhart suggère au dramaturge anglais Thornton Wilder de faire une nouvelle adaptation de cette version allemande qui, devenue The Merchant of Yonkers, est jouée à Londres en 1938 et ensuite, mais durant peu de temps, à New York.
Une autre adaptation, toujours de Thornton Wilder voit le jour à Londres au cours de la saison 1954/1955 ; intitulée The Matchmaker (« La Marieuse »), la pièce est interprétée par Ruth Gordon et connaît un succès immédiat. Le 5 décembre 1955, le producteur David Merrick présente ce spectacle aux new-yorkais et le succès londonien se renouvelle ; toujours menée par Ruth Gordon, la pièce se joue 486 fois et se classe parmi les dix meilleures de la saison ; elle est aussi à l’origine d’un film, La Meneuse de Jeu, avec, dans les rôles principaux, Shirley Booth, Shirley MacLaine, Anthony Perkins et Robert Morse. Une dernière adaptation de la pièce de Wilder, due à Tom Stoppart, est créée en 1981 sous le titre On the Razzle.

Dès le début des années soixante, David Merrick envisage de présenter The Matchmaker sous forme de comédie musicale : ce sera l’une des plus brillantes réussites du genre à Broadway, aux Etats-Unis et dans le monde. Le choix du compositeur-parolier se porte sur Jerry Herman. Le librettiste, Michael Stewart parvient à garder l’esprit et le ton de la pièce originale en n’y apportant que des modifications mineures. La mise en scène et la chorégraphie sont confiées à Gower Champion. Et c’est Carol Channing (qui vient de remporter un très grand succès dans le rôle de Lorelei Lee, la croqueuse d’hommes de la comédie musicale Gentlemen prefer Blondes) qui est choisie pour interpréter Dolly : le rôle, initialement prévu pour Ethel Merman (la créatrice du rôle de Annie dans Annie Get Your Gun), a aussi été refusé par Mary Martin (la créatrice des rôles de Nellie dans South Pacific et de Maria dans The Sound of Music); il est à noter que ces deux interprètes reprendront cependant le rôle de Dolly par la suite.

La pièce connaît toutefois des débuts difficiles au cours de sa période d’essai à Détroit (1963) et à Washington. Pour la première à Broadway (St Jame Theatre, 16 janvier 1964), le spectacle est donc retravaillé et c’est le triomphe. Mais plus que la mise en scène brillante et la chorégraphie trépidante de Gower Champion, c’est Carol Channing qui, brûlant les planches, assure le succès du spectacle ; son regard fascinant, son sourire éblouisssant, sa voix rauque charment d’emblée le public et les critiques. La pièce se joue à bureaux fermés et, fait sans précédent, le théâtre vend même à l’avance des places debout !
Hello Dolly ! est reconnue meilleure comédie musicale de l’année et se voit attribuer pas moins de neuf récompenses.

Gingers Rogers, Dorothy Lamour, Martha Raye, Betty Grable, Eve Arden, Phillis Diller, Ethel Merman seront Dolly à Broadway et en tournée aux Etats-Unis et assureront à la comédie musicale un nombre de représentations impressionnant… Le 17 novembre 1967, David Merrick crée à nouveau l’événement en présentant cette fois une distribution composée uniquement d’artistes noirs, les têtes d’affiche étant Pearl Bailey et Cab Calloway ; l’accueil du public de Washington sera tel que le spectacle restera à l’affiche pendant 26 mois.
C’est Mary Martin qui se trouve en tête d’affiche pour la création du spectacle à Londres au Theatre Royal Drury Lane, le 2 décembre 1965 ; là aussi les critiques se montrent plus marqués par sa prestation que par la pièce elle-même.

Signalons également que Hello Dolly ! a connu de nombreux succès dans ses adaptations en allemand, tchèque, roumain, portugais, suédois, finlandais… et que c’est à Liège, à l’Opéra Royal de Wallonie, qu’elle a été créée en français le 26 mars 1971, avec Line May dans le rôle de Dolly et Guy Fontagnère dans celui d’Horace. Une seconde version, menée par Annie Cordy (Dolly) et Jacques Mareuil (Horace), a été créée au Grand Théâtre de Nancy le 3 mars 1972 avant Paris (Mogador) où elle se joue du 28 septembre 1972 au 20 avril 1973. Une troisième version, enfin, a vu le jour à l’Opéra Royal de Wallonie le 22 décembre 1995 avec Liliane Montevecchi et René Camoin.

Hello Dolly ! a connu les honneurs du grand écran avec dans les principaux rôles Barbra Streisand, Walter Matthau et Michael Crawford (1969).

— L’argument

Acte I

Par un beau matin de l’été 1898, Dolly Gallagher, veuve Lévi, « marieuse » de son état, quitte New York pour se rendre à Yonkers afin d’y rencontrer le richissime marchand de grains Horace Vandergelder qu’elle s’est mise en tête d’épouser. De son côté Horace Vandergelder explique à ses commis Cornelius Hackl et Barnaby Tucker pourquoi il a pris la décision, un peu folle peut-être, de convoler avec une jeune veuve, Irène Molloy, modiste de son état.
Dolly se présente au magasin d’Horace alors que celui-ci s’apprête à quitter Yonkers pour aller rejoindre sa future et participer à la Parade de la 14ème rue. Sans renoncer à son projet, Dolly lui fait cependant entrevoir un autre parti qu’elle prétend plus intéressant, la riche héritière Ernestina Money.
Les deux commis, qui en ont assez d’être brimés par leur patron, décident de profiter de son absence pour aller eux aussi goûter aux plaisirs de la grande ville. Dolly, quant à elle, parvient à convaincre Ermengarde, la nièce pleurnicharde de Horace, de ne plus rester sous la coupe de son oncle et de suivre l’élu se son cœur, Ambrose Kemper.

Dans sa boutique, Irène Molloy fait part à son assistante Minnie Fay de son intention de rompre la monotonie de sa vie de modiste par un nouveau mariage. Afin d’éviter une rencontre inopportune avec leur patron, Cornelius et Barnaby se réfugient dans le magasin d’Irène, là précisément où se rend Horace, bientôt rejoint par Dolly.
Les deux jeunes gens se cachent précipitamment, l’un dans un placard, l’autre sous une table, et malgré les efforts conjugués de Dolly, Irène et Minnie pour distraire un Horace de plus en plus soupçonneux, celui-ci finit par être convaincu qu’il est berné ; il décide de rompre toute relation avec Irène et d’aller se présenter à Miss Money.

Se rendant compte que Cornelius n’est pas insensible aux charmes d’Irène, Dolly suggère aux commis d’inviter les deux modistes pour un souper à l’Harmonia Gardens, un des restaurants les plus chics de New York. N’osant pas avouer son manque d’argent, Cornelius veut renoncer à ce projet sous prétexte qu’il ne sait pas danser, ce qui donne à Dolly l’occasion de s’improviser professeur de danse.
Tandis que Cornelius, maintenant plein d’enthousiasme, entraîne Irène voir le défilé dans la 14ème rue, Dolly, restée seule, interpelle son défunt mari pour lui expliquer sa résolution de prendre un nouvel époux, avant d’aller, elle aussi, rejoindre la Parade.

Acte II

Sur le chemin de l’Harmonia Gardens, Cornelius et Barnaby essayent de convaincre Irène et Minnie qu’il est devenu du dernier chic, à New York, d’effectuer ses déplacements à pied. Au restaurant, tout le personnel est surexcité à l’annonce du retour de Dolly ; celle-ci, resplendissante, fait une entrée triomphale.
C’est avec Horace Vandergelger, bien vite revenu de sa riche héritière, que Dolly passe la soirée au cours de laquelle les événements vont se précipiter, surtout quand Horace se retrouve nez à nez avec ses commis et sa nièce.
Suite à une invraisemblable bousculade, tout le monde se retrouve au poste de police où Cornelius déclare son amour à Irène tandis que Horace se voit laissé à son triste sort par une Dolly plus triomphante que jamais.
Le lendemain matin à Yonkers, abandonné par des commis et sa nièce, Horace se demande s’il n’a pas fait une nouvelle folie en laissant s’échapper cette femme tout compte fait merveilleuse qu’est Dolly. Mais celle-ci réapparaît fort opportunément pour reprendre une dernière fois son célèbre refrain « Hello Dolly! » qui, cette fois, se termine en duo.

La partition

Entre parenthèse, le titre des airs de la version française créée par Annie Cordy et Jacques Mareui

Acte I :  Ouverture ; « I Put My Hand In » (« En un tour de main », par Dolly) ; « It Takes a Woman » (« Il faut une femme », par Horace et chœurs) ; « Put On Your Sunday Clothes » (« Mets ton plus beau costume », par Cornélius, Barnaby, Dolly et chœurs) ; « Ribbons Down My Back » (« Un chapeau avec des rubans », par Irène) ; « Motherhood » (« Vive l’Amérique », par Dolly, Irène et Minnie) ; « Dancing » (« La leçon de danse », par Dolly, Cornelius et Irène) ; « Before The Parade Passes By » (« La Parade », par Dolly et chœurs)

Acte II :« The Waiter’s Gallop » (« Dans le vent », par Cornelius, Barnaby, Irène, Minnie) ; « Hello, Dolly ! » (Dolly et chœurs) ; « It Only Takes A Moment » (« Il ne faut qu’un instant », par Cornelius, Irène et chœurs) ; « So Long, Deary » (« Sors ton p’tit mouchoir », par Dolly) : « Hello Dolly ! » (reprise) ; Final (Horace, Dolly, chœurs)

Fiche technique

Hello Dolly !
Comédie musicale en 2 actes, musique et lyrics de Jerry Herman, livret de Michaël Stewart, d’après La Marieuse de Thorton Wilder.
Création à Détroit en 1963 et à Broadway le 16 janvier 1964. Mise en scène et chorégraphie de Gower Champion; décors d’Olivier Smith; costumes de Freddy Wittop avec :
Carol Channing (Dolly), David Burne (Horace), Eileen Brennan (Irène), Charles Nelson Reilly (Cornelius), Sondra Lee (Minnie), Jerry Dodge (Barnaby), Jerry Dodge (Barnaby), Alice Playten (Ermengarde)

Première version française :
Créée à Liège, Opéra Royal de Wallonie le 26 mars 1971 dans une adaptation de Marc Cab, couplets d’André Hornez; mise en scène de Paul Francy et Raymond Rossius; chorégraphie de Nicolas d’Alvia; décors et costumes de Marie-Claire Van Vuchelen; direction musicale, Robert Bléser, avec :
Line May (Dolly), Guy Fontagnère (Horace), Jeanne Chanoine (Irène), Jean Bonato (Cornélius), Aude Rozet (Minnie), Luc David (Barnaby), Michèle Bersuder (Ermengarde), Ginette Houssa (Ernestina).

Deuxième version française :
Créée au Grand Théâtre de Nancy (3 mars 1972) avant Paris, Mogador (28 septembre 1972) dans une adaptation de Marc Cab et Jacques Collard ; couplets d’André Hornez; mise en scène de Raymond Vogel ; chorégraphie de Paul Glover assisté de James Sparrow; décors et costumes de Jacques Rapp. Avec :
Annie Cordy (Dolly), Pierrette Delange (Irène), Arlette Patrick (Minnie), Elisabeth Rambert (Ernestine), Jacques Mareuil (Horace), Jean Pomarez (Cornélius), Willy Fratellini (Barnaby). A Mogador, Eliane Varon remplaçait Pierrette Delange et Christian Parisy, Willy Fratellini. Direction musicale, François Rauber.

Troisième version française :
Créée à Liège, le 22 décembre 1995 dans une adaptation française de Jacques Collard; mise en scène de Bernard Broca assisté de Claire Servais; décors et costumes de Michel Fresnay; chorégraphie de Jean-Pierre Reggiori; lumières de Jacques Chatelet avec :
Liliane Montevecchi (Dolly), Alyssa Landry (Irène), Nelly Anne Rabas (Minnie), Christiane Remacle (Ernestina), Angélique Rivoux (Ermengarde), René Camoin (Horace), Pierre-Yves Duchesne (Cornélius), Olivier Rey (Barnaby), Franck Licari (Ambrose), Christian Borel (Rodolphe). Direction musicale, Patrick Baton. Chef des chœurs, Edouard Rasquin. Coproduction Opéra de Marseille/Opéra de Nancy et de Lorraine/Grand Théâtre de Reims/Opéra Royal de Wallonie.

Discographie

Sélection (vf)

Annie Cordy, Pierrette Delange, Jean Pomarez, Jacques Mareuil. Direction musicale, Caravelli.
CBS 65 115 (1 vinyl 33T 30cm)

Bernard Sinclair, Claudine Granger. Orch. Daniel Furnemont
TLP C 35201(1 CD)

Références

Vous retrouverez Hello Dolly ! dans « Opérette » n° 66, 85, 90, 98, 99, 138, 159, 162, 179, 183, 184, 192, 197, 198 & 206. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »

Dernière modification: 27/02/2024

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