Cette opérette de Franz Lehár est quasiment inconnue en France,1 mais en d’Autriche, qui a su conserver ses traditions, elle a été jouée à guichets fermés ! Elle se singularise par un long duo occupant tout le deuxième acte et qui n’est pas sans rappeler, par son climat comme par ses références à la nature, à la nuit et à l’amour, celui de Tristan et Isolde de Richard Wagner. C’est à son propos d’ailleurs que certains chroniqueurs ont qualifié le compositeur de « Wagner de l’opérette » même si Lehár ne renonce pas pour autant aux actes 1 et 3 à ses valses et même à un tango.
L’argument est simple : La princesse Elisabeth de Lichtenberg et le prince Georg sont en villégiature dans un hôtel en Suisse sous de fausses identités. Leurs parents veulent les marier pour des motifs financiers mais, sans se connaître, ils refusent ces épousailles forcées et partent en excursion. Arrivés au sommet d’une montagne, une avalanche leur coupe la route. Ils devront passer la nuit dans un refuge où leur amour naîtra. Revenus à l’hôtel le lendemain les intrigues se dénoueront et leur union pourra être scellée.
L’œuvre est donnée, pour les besoins de l’enregistrement discographique, dans une version semi-scénique avec l’orchestre sur scène, mais néanmoins avec décors et projections vidéos. Angela Schweiger signe une mise en scène précise et efficace avec de forts beaux costumes de Simone Weissenbacher et une chorégra-phie de Evamaria Mayer. Marius Burkert dirige avec fougue et sensualité cette magnifique partition, si proche de celle d’un opéra, et le superbe orchestre du Festival de Bad Ischl lui répond avec ferveur.
Sieglinde Feldhofer (Elisabeth) poursuit une carrière brillante aussi bien en opéra (La Bohème, Les Noces de Figaro, Les Contes d’Hoffmann) qu’en opérette et comédie musicale. Au Festival de Bad Ischl, elle a notamment chanté nombre d’œuvres de Franz Lehár comme Die Juxheirat(Le Mariage pour rire), Wiener Frauen (Les Femmes viennoises), Cloclo, Wo die Lerche singt (Où chante l’alouette) qui ont toutes été enregistrées en version intégrale par la firme discographique cpo et ce Schön ist die Welt a également fait, à cette occasion, l’objet d’un enregistrement discographique pour le DVD qui sera publié sous ce label (parution dans quelques mois).
Comment ne pas admirer la souveraine maîtrise du chant de cette attachante et séduisante soprano ? Dotée d’une voix idéale pour ce type d’ouvrage, la comédienne vaut en outre la chanteuse qui, de surcroît, fait montre de cet ineffable charme viennois.
Thomas Blondelle incarne le prince Georg. Rappelons que le ténor belge possède un large répertoire qui s’étend de Mozart à Wagner en passant par Verdi et qu’il s’illustre sur les plus grandes scènes internationales. Il est également un habitué du festival de Bad Ischl où il a interprété Le Pays du sourire, Princesse Czardas et Sang viennois. On admire la puissance de sa voix et la ligne élégante de son chant, en adéquation parfaite avec le style de cet ouvrage.
La Mercedes de Katarina Linhard et le Sascha de Jonathan Hartzendorf apportent la note trépidante en contrepoint aux accents passionnés et lyriques du couple principal tandis que Gerd Vogel et Klára Vincze croquent avec talent et humour de pittoresques parents.
De longs applaudissements ont salué interprètes, orchestre, chœurs et ballet avec une ovation, à juste titre, pour Thomas Blondelle et Sieglinde Feldhofer à l’issue de leur long duo de l’acte 2.
Christian Jarniat
17 août 2023
1) Voir Opérette n°149 (Schön ist die Welt au Festival de Baden)