La Belle Hélène, Château de Tabor
dimanche 13 août 2023

La Belle Hélène, Château de Tabor

« La Belle Hélène » Ensemble (photo Brorboters OG)

Désormais le Festival de Mörbisch est voué à la comédie musicale (avec West Side Story, Le Roi et moi et Mamma Mia !).1 Aussi, la région du Burgenländ, avec son responsable de la culture, Hans Peter Doskozil et l’intendant général du Festival de Mörbisch, Alfons Haider, a trouvé le lieu idéal pour célébrer l’opérette dans le cadre idyllique de la cour du Château de Tabor, promontoire élevé et boisé faisant partie du village de Neulhausam Klaustenbach. Face à l’aile extérieure du château, une structure en gradins accueille chaque été quelques 700 spectateurs.

Se sont ainsi succédé : en 2021, La Veuve Joyeuse de Franz Lehár, en 2022, Sissy de Fritz Kreilser2 et cette année, La Belle Hélène de Jacques Offenbach.

Pour cet ouvrage, la mise en scène a été confiée à Stephan Grögler et les décors à Manfred Waba. Ceux-ci ont imaginé de transposer l’action du livret de Meilhac et Halévy à l’époque contemporaine, dans un hôtel de luxe abritant un institut de thalassothérapie avec piscine. Des colonnes lumineuses séparent les espaces constituant autant de lieux divers dans cet établissement huppé aux murs ornés de peintures contemporaines. Les costumes aussi originaux que diversifiés sont signés par Ida Perkonigg.

Bien entendu et compte-tenu de la transposition, aussi bien en termes d’époque que de lieux, le livret a été modifié en conséquence par deux auteurs qui forment habituellement un duo de cabaret sous le nom de Flo & Wisch. Musicalement, l’œuvre est assez complète avec entre autres, le « Duo du rêve » intégral ainsi que l’air de Pâris qui le précède : « Je la vois, elle dort. » On admire également dans cette production la chorégraphie moderne, drôle et déjantée de Sabine Arthold (avec des danseurs éblouissants de technicité) bien mise en valeur dans plusieurs numéros musicaux et en particulier ceux d’Oreste (Kevin Elsnig), toujours suivi de ses compagnes Parthœnis (Theresa Grabner) et Leaena (Dagmar Bernhard) : un trio aussi remarquable sur le plan du chant que sur celui de la danse. Une énorme coquille Saint-Jacques (référence à Vénus) abrite le duo entre Pâris et Hélène et se referme lors du retour impromptu du mari trompé (Ménélas). Au dernier acte, lors de la tyrolienne de Pâris, une grande partie des choristes arrivent en tenues colorées de moines bouddhistes pour offrir une scène dansée sur le refrain par le ballet, une fois de plus électrisante faisant pendant au trio patriotique lui-même chorégraphié au millimètre. Enfin, lorsqu’au final Pâris enlève Hélène, ce n’est pas sur une galère mais sur une Vespa. Tout ceci donne à la mise en scène une allure irrépressiblement colorée et burlesque et pour autant élégante.

Svenja Isabella Kallweit, qui fut déjà sur cette même scène une brillante Missia dans La Veuve Joyeuse, incarne une Hélène physiquement sculpturale, à la fois malicieuse tout autant qu’érotique, et dotée d’une voix chaude. On apprécie à juste titre la chanteuse et la comédienne mais ceci vaut pour tous les interprètes qui déploient une exceptionnelle énergie et une joie de jouer coutumières dans ce pays. Son partenaire Benjamin Lee (Pâris), ténor américain partie prenante l’année dernière au Festival de Mörbisch dans Le Roi et moi, s’illustre aussi bien dans l’opéra que dans l’opérette. Il se révèle à nouveau comme un remarquable technicien à la ligne vocale châtiée et au phrasé exemplaire. Parmi tous les autres rôles de qualité applaudissons l’excellente idée d’avoir confié l’emploi d’Oreste (Kevin Elsnig) à un contre-ténor, ce qui confère au personnage le caractère d’adolescent voulu par les librettistes. Une mention toute particulière pour l’excellent Calchas (Wilfried Zelinka) omniprésent en directeur d’hôtel de luxe.

On rit beaucoup dans cette Belle Hélène aux nombreux gags utilisés tout au long de l’ouvrage avec autant de goût que de pertinence. Outre les remarquables danseurs, on s’enthousiasme du talent affirmé par la quarantaine de musiciens extrêmement jeunes, car il s’agit précisément d’éléments précieux de la Junge Philharmonie de Brandeburg.

À noter à l’affiche de la prochaine édition du Festival, qui aura lieu entre le 1er et le 11 août 2024, L’Auberge du Cheval Blanc de Ralph Benatzky.

Christian Jarniat

13 août 2023

 1) Voir notre article sur Mamma Mia ! dans nos colonnes.

2) Voir Opérette n°205.

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