Chilpéric

Hervé (1825-1892)

 

L’année 1858 marque un tournant dans l’histoire de l’opérette française puisque désormais la réglementation, qui limitait le nombre des personnages sur scène pour un même ouvrage, est assouplie. Hervé, comme Offenbach, allait pouvoir donner toute la mesure de son talent. Alors qu’Offenbach, libéré des contraintes, fait jouer dès 1858, Orphée aux Enfers, opéra-bouffon en 2 actes, Hervé se donne du temps : sa première «grande» opérette date de 1866 (Les Chevaliers de la Table Ronde). Pendant ce temps, Offenbach a déjà créé à Paris, outre Orphée, Geneviève de Brabant (1859), Barkouf (1860), Le Pont des soupirs (1861), Les Georgiennes et La Belle Hélène (1864), enfin Barbe-Bleue (1866).

chilperic 1Hervé pensait que la réussite de ses Chevaliers allait lui ouvrir les portes des théâtres parisiens. Mais, les Bouffes-Parisiens, le Palais Royal et les Variétés restaient des «chasses gardées». Il se tourne alors vers le théâtre des Folies Dramatiques qui vivote. Le directeur Moreau-Santini hésite et accepte enfin V’lan dans l’œil (qui sera joué sous le titre de L’œil crevé), paroles et musique d’Hervé. C’est un succès immédiat, qui se prolongera dix mois. Moreau-Santini s’empresse alors d’accepter Chilpéric, le second ouvrage que lui propose le compositeur.
Les répétitions se déroulent fort calmement, si ce n’est que la plantureuse Blanche d’Antigny remplace au dernier moment Julia Baron, tombée malade (rôle de Frédégonde). Hervé tient le rôle-titre. Le livret est précédé, écrit Louis Schneider (1), « d’une préface burlesque et plaisante… où il explique très clairement son esthétique de l’opérette » : « Tout d’abord exposons notre plan… Notre plan ?… Ma foi, je n’en ai pas… Ah ! si fait cependant : celui de faire sourire le public dans l’intervalle de nos morceaux de musique. ».

Le succès de Chilpéric fut considérable. Le Prince de Galles, présent à Paris, assista à l’une des représentations : « Quel dommage qu’Hervé ne sache pas l’anglais ! S’il venait à Londres, il aurait un succès fou. », déclara-t-il. On rapporte le propos à Hervé ; il s’engage à apprendre l’anglais en quelques mois pour tenir le rôle lui-même à Londres. Sitôt dit… Au Lycéum de Londres, le succès est énorme. A l’entracte, le Prince de Galles manifeste le désir d’entendre à nouveau la « Chanson du jambon » qu’Hervé interprétait à cheval. Ainsi, au second acte, dans le décor représentant la chambre de Frédégonde, Hervé caracolant sur sa monture, chante à nouveau l’air demandé… Triomphe assuré.
Chilpéric ne connut guère de reprises par la suite. On connaît celle des Variétés en 1895, au livret remanié par Paul Ferrier, et celle plus récente de 2012 au Grand Théâtre d’Angers.

Pendant fort longtemps, Hervé n’était plus connu que par sa Mam’zelle Nitouche (1883), ouvrage qui resta au répertoire jusqu’à ces dernières décennies. Hervé connaît cependant, ces dernières années, un regain d’intérêt avec les reprises des Chevaliers de la Table Ronde (2015), Mam’zelle Nitouche, ayant tourné dans plusieurs villes à partir de 2017, ou celle de V’lan dans l’œil, par les coproduction du Palazzetto Bru Zane.

(1) Louis Schneider « Les maîtres de l’opérette française Hervé-Lecocq » (Librairie académique Perrin, 1923)

Mais qui était donc Chilpéric ?
Chilpéric Ier (539-584), roi Franc mérovingien, était le 4ème fils de Clotaire. Il reçut en partage le royaume de Soissons (561), tenta de dépouiller son frère Sigebert et lui enleva Reims, mais fut repoussé et faillit perdre ses états. Epoux de Galswinthe, il la fit étrangler pour complaire à sa maîtresse, Frédégonde, qu’il épousa ensuite.
A la suite de plusieurs guerres désastreuses contre l’Austrasie, la nouvelle épouse poussa Chilpéric au meurtre de Sigebert, inspira tous les crimes qui furent commis sous son règne, et finit par le faire assassiner lui-même, parce qu’il aurait découvert qu’elle le trompait avec Landry, officier du Palais.
Chilpéric tenta diverses réformes dans la foi, l’administration et même dans la grammaire. Il était poète et bel esprit.

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L’argument

La scène se passe en Gaule en 567. Le roi Chilpéric, venu consulter les druides de la forêt pour savoir s’il sera vainqueur dans la bataille prochaine, remarque la bergère Frédégonde, l’emmène à la cour et en fait sa maîtresse. Landry, le fiancé de la belle, promu majordome, fait grande impression sur Brunehaut, l’épouse de Sigebert, frère de Chilpéric. Sigebert et Brunehaut conspirent contre Chilpéric qui rompt avec Frédégonde pour épouser Galswinthe, la fille du roi d’Espagne. La délégation espagnole est reçue en grande pompe, mais les festivités sont quelque peu bousculées par le départ de Frédégonde et de sa voiture de déménagement, celle-ci se brisant au milieu de la salle de réception.
Dans la chambre nuptiale, en attendant les mariés, tout le monde conspire. Landry s’apprête à tuer Frédégonde pour plaire à Brunehaut ; le Grand Légendaire à tuer Galswinthe pour plaire à Frédégonde ; le docteur Ricin à tuer Brunehaut pour satisfaire Chilpéric. C’est dire que la nuit de noces est plutôt mouvementée, d’autant que Chilpéric doit repousser une attaque des soldats de son frère Gontran.
Au moment où toute la bande s’apprête à passer aux actes, le lit s’enfonce et tous sont plongés dans des oubliettes. Au dernier tableau, Chilpéric, vainqueur, fait grâce à ses adversaires.

La partition

Acte I
Introduction (Divitiacus et choeurs) ; La légende de Chilpéric (Frédégonde et Landry) ; Choeur et entrée de Chilpéric « La chanson du jambon » ; Chilpéric et ensemble « Divine Frédégonde » ; Brunehaut et ensemble « Ceci ne fait pas notre affaire » ; Choeur des druides et ensemble ; Chilpéric, Divitiacus et ensemble « Cher Divitiacus » ; Final I « Vite à cheval, il faut partir »

Acte II
« Il est dix heures, c’est l’instant » (choeur des domestiques et Landry) ; La chanson du petit papillon bleu (Chilpéric) ; « Sur les coteaux » (Landry et Brunehaut) ; « O Ciel, que vient-on de m’apprendre » (Frédégonde et Chilpéric) ; Ensemble « Je viens vous annoncer » ; Boléro « A la Sierra Morena » (Galswinthe et Nervoso) ; Loin de ces lieux (Frédégonde) ; Final II

Acte III
Choeur des pages et des chambrière ; « Te souviens-t-il? » (Landry) ; « De Pampelune à Saragosse » (Galswinthe) ; Final III « Cors et cymbales »

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Blanche d’Antigny, Hervé et Milher

Fiche technique

Opéra bouffe en 3 actes et 4 tableaux, paroles et musique d’Hervé.
Création à Paris, théâtre des Folies-Dramatiques, le 24 octobre 1868. Avec ;
Blanche d’Antigny (Frédégonde), Mlle Berthal (Galswinthe), Caroline Jullien (Brunehaut), Léontine Gouvion (Alfred, page), Atala Massue (Fana). Hervé (Chilpéric), Milher (Ricin, médecin), Berret (Sigebert), Chaudesaigues (le Grand Légendaire), Mendasti (Landri), Monroy (Don Neroso), Varlet (Divitiacus)

Discographie

L’ORTF en a diffusé au moins 2 versions :
– Gaston Rey, Fanély Revoil, Joseph Peyron, Lina Dachary, Christiane Harbell. Dir. Jean-Paul Kréder
– Rémy Corazza, Christiane Jacquin, Philipe Gaudin, Monique Stiot, Dominique Tirmont. Dir. Marcel Cariven

DVD

Charles Mesrine, Valéria Altraver, Louis Zaitoun, Anne Lebras-Bastide, Nicolas Bercet, Caroline Montier, dir. Rémi Corbier
1 DVD Atelier Lyrique Angevin 

Références

Vous retrouverez Chilpéric dans « Opérette » n°84 & 166. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »

Dernière modification: 27/02/2024

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