Aristide Hignard (1822-1898)

Aristide Hignard (1822-1898)

Aristide Hignard a mis en musique des livrets d’opéra-comique qu’écrivait Jules Verne à l’époque où le romancier croyait encore que son avenir se situerait sur les planches des théâtres, alors qu’il allait écrire, au contraire, quelque 110 romans d’un genre nouveau à son époque, le roman géographique, et devenir un des trois ou quatre écrivains les plus lus et les plus traduits de la littérature mondiale.

Avoir été « le musicien de Jules Verne », a été pour beaucoup dans le fait qu’Hignard a surnagé, participant à la gloire de Jules Verne, avec un curieux préjugé, commun à beaucoup d’exégètes de Verne, à savoir l’idée qu’il devait être un grand musicien, puisqu’un grand écrivain lui écrivait des textes. En fait, ils étaient d’obscurs débutants, l’un soutenant l’autre…

Hignard et Verne étaient tous deux de Nantes. Ils se connaissaient et étaient venus à Paris, pour y étudier, l’un la musique, l’autre le droit. Hignard y était né le 20 mai 1822, Jules Verne six ans après, le 8 février 1828. Hignard vient le premier à Paris pour y terminer son éducation musicale et est reçu au Conservatoire en 1845 dans la classe de composition d’Halévy. Au concours de l’Institut en 1850, il remporte le second grand prix de Rome.

Dès l’année suivante, il réussit à faire représenter un petit opéra-comique en un acte, intitulé Le Visionnaire (18 janvier 1851). Verne, arrivé à Paris en 1847, obtient sa maîtrise de droit en 1849, tout en faisant d’énormes efforts pour s’introduire dans les milieux littéraires et théâtraux de la capitale. En 1853 il devient secrétaire du Théâtre Lyrique, où il se multiplie de toutes les façons, très probablement sans recevoir des émoluments. Il écrit des textes pour d’autres ou sous un faux nom, pour le seul plaisir d’être joué.

Il réussit toutefois à y faire représenter trois opéras-comiques à son nom et il a tout naturellement recours à son ami nantais, pour en écrire la musique. C’est d’abord, le 28 avril 1853, Le Colin-Maillard. La pièce aurait d’ailleurs été montée plus tôt, sans le succès persistant d’un opéra-comique d’Albert Grisar, Les Amours du Diable. Verne en partage la paternité avec Michel Carré, qui déjà à cette époque, collabore normalement avec Jules Barbier, mais ne dédaigne pas le jeune débutant, avec lequel il a travaillé pour Monna Lisa (1851). Il se sera réservé la tâche de guider les « petits nouveaux » lors de l’élaboration du canevas, et de peaufiner.

Les Compagnons de la Marjolaine, le deuxième ouvrage, voient le jour le 6 juin 1855.

Le dernier des trois opéras-comiques s’intitule L’Auberge des Ardennes et est représenté pour la première fois le 1er septembre 1860 à un moment où Verne n’est plus secrétaire du Théâtre lyrique. L’œuvre est qualifiée par F. Clément de « suite de scènes burlesques » et de « farce digne du carnaval » par G. Héquet qui le traite aussi de « contre-épreuve des Rendez-vous bourgeois ».

L’Auberge des Ardennes fut représentée 20 fois : chaque opéra-comique des deux Nantais étant représenté moins souvent que le précédent. Est-il trop aventureux de prétendre que, puisque les livrets s’amélioraient, c’est la musique qui devenait moins bonne, au fur et à mesure ? On est d’autant plus autorisé à le penser, que c’est l’avis de G. Héquet selon lequel Hignard avait « fait beaucoup mieux déjà », ajoutant toutefois qu’il avait « été si peu exécuté, ou si vous préférez, si cruellement exécuté » que le critique devait bien avouer qu’il ne lui était « guère possible d’avoir une opinion sur son ouvrage ».

En dehors des trois opéras-comiques précités, Hignard a signé avec Verne Monsieur de Chimpanzé, sans Carré cette fois, et sans que Verne ait pu faire valoir qu’il est de la maison, puisque c’est aux Bouffes Parisiens (17 février 1858) que les deux amis présentent leur ouvrage.

Hignard, resté l’ami de Verne, poursuit seul sa carrière avec le Nouveau Pourceaugnac (Bouffes Parisiens, 1860) et Les Musiciens de l’orchestre (id. 1861), ce dernier titre avec Delibes et Erlanger (et Offenbach, a t-on prétendu).

Hignard a longtemps rêvé de mettre en musique le Hamlet de Shakespeare. Il l’a réalisé sous une forme nouvelle de musique continue en « intercalant dans le chant une déclamation soutenue par des mouvements d’orchestre ». Le procédé devait être repris par Massenet avec les « dialogues parlés » de sa Manon. Hignard apprit trop tard que le tout puissant Ambroise Thomas travaillait lui aussi, à un Hamlet (1868), qui fut un triomphe. Hignard dut se contenter de publier, à ses frais, sa partition chant et piano, dont les exemplaires subsistants dorment dans les bibliothèques. Pourtant il y figure des pages chorales de toute beauté.

Il est aussi l’auteur d’une foule de mélodies et chansons (souvent sur des paroles de Jules Verne), de recueils de mélodies (« Rimes et mélodies »), de « valses concertantes » pour piano à quatre mains, de « valses romantiques » et de deux opérettes de salon.

Autre note douce-amère dans la vie de ce malchanceux : outre ses liens avec Verne, Hignard reste connu pour avoir été le professeur de Chabrier.

Aristide Hignard est décédé à Vernon (Eure) le 20 mars 1898.

D’après Robert Pourvoyeur

— Références
Vous retrouverez Aristide Hignard dans « Opérette » n° 127. Si cet article vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Anciens numéros »

— Œuvres lyriques
Légende : oc = opéra-comique, ob = opéra bouffe, opé = opérette
Le chiffre indique le nombre d’actes.

Création Titre Auteurs Nature Lieu de la création
1851
18 janv
Visionnaire (Le) Lorin (Jules), Perrot oc 1 Nantes
1853
28 avr
Colin-maillard (Le) Verne (Jules), Carré (Michel) oc 1 Paris, Th. Lyrique (Bd du Temple)
1855
6 juin
Compagnons de la Marjolaine (Les) Verne (Jules), Carré (Michel) oc 1 Paris, Th. Lyrique (Bd du Temple)
1858
17 fév
Monsieur de Chimpanzé Verne (Jules),(+ Carré (Michel)?) opé 1 Paris, Bouffes-Parisiens (Marigny)
2° vers (mus.nouv) Metz 2005
1860
14 janv
Nouveau Pourceaugnac (Le) Scribe (Eugène), Delestre-Poirson (Charles Gaspard) opé 1 Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul)
1860
1° sept
Auberge des Ardennes (L’) Carré (Michel), Verne (Jules) oc 1 Paris, Th. Lyrique (Bd du Temple)
1861
25 janv
Musiciens de l’orchestre (Les) [1] Bourdois (A.), Pittaud de Forges (Philippe) ob 1 Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul)
2005
14 sept
Monsieur de Chimpanzé [2] Verne (Jules),(+ Carré (Michel)?) opé 1 Metz
1° vers : Paris 1858

[1] avec Offenbach (Jacques) (?), Delibes (Léo), Erlanger (Jules)
[2] musique nouvelle de Keck (Jean-Christophe)

Dernière modification: 29/02/2024

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