Jacques Offenbach (1819-1880)
En 1855, lorsque Offenbach est autorisé à ouvrir le théâtre des Bouffes-Parisiens (salle Lacaze), situé Carré Marigny, le « privilège » qu’il obtient ne l’autorise qu’à faire jouer des « scènes comiques et musicales dialoguées à deux ou trois personnages ». Ouvert le 5 juillet 1855, le théâtre, situé en face du Palais de l’Industrie où se tient l’Exposition Universelle, attire une foule considérable. Mais l’Exposition devant fermer ses portes à la mi-novembre et les lieux étant impraticables l’hiver, il lui fallait trouver une nouvelle salle et obtenir un nouveau privilège.
Après moult démarches et péripéties, Offenbach obtient l’autorisation de s’installer dans une salle située passage Choiseul. Le privilège est même élargi : le compositeur peut désormais monter des « pièces comiques et musicales à quatre personnages ». L’inauguration a lieu le 29 décembre 1855 avec notamment Ba-Ta-Clan
Il faudra attendre Mesdames de la Halle (3 mars 1858) pour que la limitation du nombre de personnages soit définitivement abolie.
Depuis quelque temps, Offenbach songeait à mettre sur scène les divinités de l’Antiquité. Ludovic Halévy avait d’ailleurs préparé un scénario qu’Hector Crémieux s’était chargé de mettre en dialogues. Mais Halévy, fonctionnaire de son état, fut nommé en Algérie. Il abandonna Orphée. Hector Crémieux l’imita peu après, estimant qu’il était impossible de traiter un tel sujet avec une distribution limitée à quatre personnages.
En 1858, Crémieux peut donc se remettre au travail : il apporte régulièrement au compositeur des scènes que ce dernier met aussitôt en musique. Offenbach est partout à la fois : il demande à Crémieux des modifications, dirige les répétitions, renforce l’orchestre et les chœurs, s’intéresse aux décors et costumes, engage des artistes, reçoit les journalistes….
La première version en 2 actes et 4 tableaux d’Orphée aux Enfers est créée le 21 octobre 1858. Une certaine presse crie au scandale ! Pensez donc ! Ridiculiser la Grèce antique, considérée comme le berceau de la culture… Attaqué notamment par Jules Janin, le critique du « Journal des Débats », Offenbach sait mettre les rieurs de son côté. Certes, le spectacle comportait des faiblesses et Offenbach apporta rapidement les modifications qui s’imposaient.
Le public, d’abord sensible à l’avis de la critique, prit peu à peu le chemin des Bouffes, et au bout de deux semaines, le théâtre jouait chaque soir à guichets fermés. L’ouvrage obtint 228 représentations consécutives pour la première série.
Après la guerre de 1870, Offenbach, avec la collaboration de Crémieux met au point une nouvelle version élargie d’Orphée aux Enfers. L’ouvrage, devenu un opéra féerie en 4 actes et 12 tableaux, permet au théâtre de la Gaîté d’encaisser des recettes jamais atteintes dans cet établissement. La première de cette nouvelle version eut lieu le 7 février 1874.
Orphée aux Enfers est considérée comme la première grande opérette française. Elle annonce les autres grands succès d’Offenbach : La Belle Hélène, La Vie Parisienne, La Grande Duchesse de Gérolstein, La Périchole…
— L’argument
Acte I
Premier tableau
Orphée, professeur de violon à Thèbes, court la prétentaine auprès de diverses nymphes. Il déteste son épouse Eurydice qui le lui rend bien. La jeune femme ne peut souffrir la musique et surtout celle de son mari. Elle envisage de le tromper avec le berger Aristée, qui n’est autre que Pluton déguisé. Une scène violente éclate entre les deux époux. Orphée, esclave de l’Opinion Publique, tient cependant à sauver les apparences.
Pour posséder Eurydice, Pluton-Aristée ne trouve rien de mieux que de la faire passer de vie à trépas, ce qui lui permet de l’emmener dans son royaume des Enfers. Orphée se réjouit de la disparition de sa femme. Mais l’Opinion Publique veille : elle exige que le nouveau veuf aille réclamer sa femme à Jupiter. Orphée obéit. À contre-cœur, mais il obéit.
Deuxième tableau
Dans l’Olympe, la tyrannie de Jupiter soulève des murmures parmi les dieux et les déesses. Mercure apprend à tous la nouvelle de l’enlèvement d’Eurydice par Pluton. Interrogé dès son arrivée, ce dernier nie avec véhémence. Jupiter le sermonne sur le chapitre des mœurs. Le dieu des Enfers affirme que Jupiter n’est pas lui non plus sans reproche. Et la révolte éclate, conduite par Pluton. Mais voici Orphée. Il vient réclamer son épouse. Jupiter tient sa vengeance. Il promet au musicien de lui donner satisfaction, puis, Pluton persistant à nier, il emmène tout l’Olympe aux Enfers pour vérifier ses dires.
Acte II
Premier tableau
Dans le boudoir de Pluton, Eurydice est gardée par John Styx, roi de Béotie de son vivant, et désormais valet de chambre de Pluton. Délaissée par son amoureux, la jeune femme est mécontente. À l’arrivée des dieux, John Styx enferme sa prisonnière. Pluton fait constater l’absence d’Eurydice. Mais Jupiter est un fin renard. Il fait semblant de rien, se retire avec son hôte, et revient seul, quelques instants plus tard, sous l’apparence d’une énorme mouche. Il découvre Eurydice. La mouche flirte avec la jeune femme. Elle tombe aux genoux de la belle qui, peu farouche, accepte de suivre ce nouvel amoureux. Pluton survient et ne trouve plus que John Styx.
Deuxième tableau
Aux Enfers, Pluton donne un grand « raout » en l’honneur de ses visiteurs. Eurydice est aux côtés de Jupiter. Le roi des dieux s’apprête à emmener sa conquête, mais Pluton s’interpose. Il rappelle la promesse de rendre la jeune femme à son époux. Jupiter feint de céder. À Orphée, qui paraît peu après, soutenu par l’Opinion Publique, il rend Eurydice à condition qu’il l’emmène sans tourner la tête, faute de quoi elle sera perdue pour lui. Orphée s’exécute, et tient bon jusqu’au moment où Jupiter lui administre un coup de pied… olympien. Il se retourne par réflexe et Eurydice est transformée en bacchante. Puis les dieux et déesses se livrent à une bacchanale échevelée.
— La partition (version en 4 actes)
Acte I : Ouverture ; Chœur des bergers et scène du conseil municipal ; Couplets du berger joli « La femme dont le cœur rêve » (Eurydice) ; Duo du concerto « Ah ! c’est ainsi » (Eurydice et Orphée) ; Ballet pastoral ; Chanson d’Aristée « Moi, je suis Aristée » (Aristée) ; Sortie des bergers ; Invocation à la mort et mélodrame ; Final I
Acte II : Entracte, Chœur du sommeil ; Couplets (Vénus, Cupidon, Mars) ; Divertissement des songes et des heures ; Réveil des Dieux et couplets de Diane ; Rondo saltarelle de Mercure « Eh hop ! Eh hop ! » ; Air en prose de Pluton ; Chœur de la révolte ; Rondo des métamorphoses ; Final II
Acte III : Entracte ; Introduction et couplets des regrets (Eurydice) ; Couplets du roi de Béotie (John Styx) ; Septuor du tribunal ; Ronde des policemen ; Récits et couplets des baisers ; Petite ronde du bourdon ; Duo de la mouche (Eurydice, Jupiter) ; Scène et ballet des mouches ; Galop
Acte IV : Entracte et chœur infernal ; Hymne à Bacchus ; Menuet et galop infernal ; Final IV
— Fiche technique
Orphée aux Enfers
1° version : Opéra bouffe en 2 actes et 4 tableaux d’Hector Crémieux et Ludovic Halévy ; musique de Jacques 0ffenbach. Création à Paris, théâtre des Bouffes-Parisiens, le 21 octobre 1858 avec :
Mmes Tautin (Eurydice), Chabert (Diane), Macé (L’Opinion Publique), Enjalbert (Junon), Garnier (Vénus), Geoffroy (Cupidon), Cico (Minerve) et Mrs Léonce (Pluton/ Aristée), Désiré (Jupiter), Tayau (Orphée), Bache (John Styx), J.Paul (Mercure), Antognini (Bacchus), Floquet (Mars).
2° version : Opéra féerie en 4 actes et 12 tableaux d’Hector Crémieux et Ludovic Halévy, musique de Jacques Offenbach. Création à Paris, théâtre de la Gaîté, le 7 février 1874 avec :
Mmes Cico (Eurydice), Matz-Ferrare (Cupidon), Gilbert (l’Opinion publique), Angèle (Vénus), Perret (Diane) et Mrs Montaubry (Pluton/ Aristée), Christian (Jupiter), Grivot (Mercure), Alexandre (John Styx), Meyronnet (Orphée).
Editions Heugel-Leduc
— Discographie
Intégrales
Natalie Dessay, Laurent Naouri, Jean-Paul Fouchecourt, Yann Beuron, Patricia Petitbon. Dir. Marc Minkovski
Emi Classic 2 CD55672/2
Mady Mesplé, Jane Rhodes, Michel Sénéchal, Charles Burles, Michel Trempont. Direction musicale, Michel Plasson
EMI C 167 16341/3 (3 disques 30cm)- réédité en 2 CD
Claudine Collart, Janine Lindenfelder (= Linda Felder), Jean Mollien, Bernard Demigny. Direction musicale, René Leibowitz
Festival 261 (2 disques 30cm)
Sélections
Claudine Collart, Liliane Berton, Claude Devos, Michel Roux. Direction musicale, Jules Gressier
EMI C 057 12108 (1 disque 30cm) (repris en coffret 2CD EPM 767 515 2 avec « La Vie Parisienne » et « La Belle Hélène »)
Mady Mesplé, Jane Rhodes, Michel Sénéchal, Charles Burles, Michel Trempont. Orch. Michel Plasson
Sélection du Reader’s Digest CD 3159.4 (extraits intégrale EMI) (3 CD) (+ La Belle Hélène + La Vie Parisienne)
DVD
Natalie Dessay, Jean-Paul Fouchécourt, Laurent Naouri, Yann Beuron, Steven Cole. Orch. Marc Minkowski
Opéra National de Lyon – Mise en scène : Laurent Pelly
TDK DV-OPOAE (2 DVD)
Alexandru Badea, Elizabeth Vidal, Dale Duesing, Reinaldo Macias, André Jung, Désirée Meiser. Orch. Patrick Davin
Théâtre de la Monnaie Bruxelles – Mise en scène : Herbert Wernicke
Arthaus 100402 ( 1 DVD)
Aude Sardier, Isabelle Fleur, Maryline Fallot, Jeanne-Marie Lévy, Anaïs Constant, Frédéric Mazzotta, Jean-Louis Meunier, Till Fechner, Philippe Gortari, Philippe Ermelier, Frank T’Hézan. Orch. Jean-Christophe Keck
Mise en scène : Frank T’Hézan. Festival de Châteaux de Bruniquel 2007 (2 DVD)
— Références
Vous retrouverez Orphée aux Enfers dans « Opérette » n° 54, 55, 67, 123, 137, 142, 168, 170, 171, 182, 185, 186, 190, 194, 201 & 206. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification: 29/02/2024