Il est des compositeurs qui deviennent célèbres et le restent, d’autres n’ont pas cette chance, comme d’Oskar Nedbal, né le 26 mars 1874 à Tábor (au sud de Prague), dont on continue à dire qu’il fut le meilleur compositeur d’opérettes de la période 1910-1930, du moins en Europe Centrale, de la frontière franco-allemande à la frontière russo-polonaise.
Ce Tchèque, élève de Dvorák, dirigeait à 22 ans le Philharmonique de Prague. Il avait déjà composé une série de jolis et joyeux ballets féeriques, lorsqu’il se tourna, avec succès, vers l’opérette, avec Die keusche Barbara (Barbara la pudique, 1911) suivie en 1913, de Polenblut (Sang polonais, au sens d’ardente vitalité et joie de vivre), de loin sa meilleure opérette, qui lui valut le surnom de « prince de l’opérette » et il en composa encore d’autres, bien accueillies, mais qui ne se sont pas maintenues au répertoire. Son Polenblut est sans prétentions, mais très bien écrit et plein d’optimisme, de rythmes entraînants. Il dirigeait sans cesse son Polenblut qui ne vieillissait pas et dont il assaisonnait les scènes gaies, très dansantes, de son rire tonitruant et communicatif.
Massif et trapu, doté d’un appétit pantagruélique, ce Falstaff tchèque connut cependant une fin tragique. Il avait en effet décidé de prendre la tête d’un mouvement qui s’opposerait à l’invasion par l’opéra, des « précieuses couleurs » de l’opérette viennoise ; celle-ci devait rester gaie, ludique, enthousiaste et supérieurement optimiste. Le public en décida autrement et ne le soutint pas, préférant Lehár, Kálmán, et Oscar Straus, plus sentimentaux et plus mélodramatiques. Le 24 décembre 1930, il se suicida en se précipitant depuis une haute fenêtre sur le plancher de la salle de danse du Théâtre national d’Agram (actuellement Zagreb, capitale de la Croatie).
On serait presque tenté d’écrire : il était temps pour lui de se suicider, car avec l’avènement du nazisme (1933), les théâtres allemands, puis autrichiens, puis tchèques, ne produisirent plus guère d’opérettes qui montaient en épingle le dynamisme et l’ardeur au travail des Polonais ! Au début de septembre 1939, au moment de l’invasion de la Pologne, Goebbels instruisit les directeurs de théâtre de « ne plus trop penser à des reprises » de cette opérette. Le sang polonais allait d’ailleurs couler abondamment !
Après la guerre, Nedbal fut repris un peu partout, mais on continua à le présenter dans des versions « expurgées ». On joue encore régulièrement Polenblut dans les pays de langue allemande et en Tchéquie, quoique surtout dans des théâtres plus petits. On peut trouver des enregistrements, en LP et en CD, généralement sous forme de « morceaux choisis ». Nous n’avons aucune trace d’œuvres d’Oskar Nedbal qui auraient été montées en France. Des disques parfois importés donnent une idée de son talent.
D’après Robert Pourvoyeur
— Références
Vous retrouverez Oskar Nedbal dans « Opérette » n° 107 & 135. Si cet article vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
— Œuvres lyriques
Légende : opé = opérette, oc = opéra-comique
Le chiffre indique le nombre d’actes.
Création | Titre | Auteurs | Nature | Lieu de la création |
1910 14 sept |
Die keusche Barbara [Cudná Barbora] |
Bernauer (Rudolf), Jacobson (Leopold), Štech (Vaclav ) | opé 3 | Prague [actuel. Rép. Tchèque] [Vienne, Raimund-theater, 7 oct 1911] |
1913 25 oct |
Polenblut | Stein (Leo) d’après Puškin | opé 3 | Autriche, Vienne, Carltheater |
1914 10 oct |
Kriegsberichterstatter (Der)[1] | Oesterreicher (Rudolf), Sterk (Wilhelm) | opé | Autriche, Vienne, Apollotheater |
1916 11 fév |
Winzerbraut (Die) 2° vers. Podzimni piseň, 1930 |
Stein (Leo), Wilhelm (Julius) | opé 3 | Autriche, Vienne, Theater an der Wien |
1917 16 nov |
Schöne Saskia (Die) | Willner (Alfred-Maria), Reichert (Heinz) | opé 3 | Autriche, Vienne, Carltheater |
1918 29 nov |
Eriwan | Dörmann (Felix) | opé 3 | Autriche, Vienne, Wiener Komödienhaus |
1919 31 janv |
Mam’zell Napoleon | Golz (Emil & Arnold) | opé 1 | Autriche, Vienne, Kabarett « Hölle » |
1922 13 oct |
Sedlák Jakub [Der Bauer Jakob] |
Novák (Ladislav) d’après Lope de Vega | oc 3 | Tchécoslovaquie, Brno |
1925 30 déc |
Donna Gloria | Léon (Victor), Reichert (Heinz) | opé 3 | Autriche, Vienne, Theater an der Wien |
1930 | Podzimni piseň 1° vers. Die Winzerbraut,1916 |
Stein (Leo), Wilhelm (Julius) | opé 3 | Tchécoslovaquie, Prague |
[1] avec Ziehrer (Carl Michael), Eysler (Edmund), Granichstaedten (Bruno), Weinberger (Karl). 3 couplets de Nedbal
Dernière modification: 29/02/2024