Yes !

Maurice Yvain (1891-1965)

 

Dans son livre de souvenirs Ma belle opérette (1), Maurice Yvain raconte les conditions de la création de Yes ! :
« René Pujol, sympathique Bordelais déjà très connu en tant que scénariste de films, avait, avec Willemetz, tiré une comédie musicale d’un roman de Pierre Soulaine : Totte et sa chance. On me proposa d’en composer la musique. La commande était pressée ; nous étions en novembre 1927, un tour était prévu dans les premiers jours de janvier 1928. L’ouvrage fut terminé en un mois. L’originalité de cette partition résidait dans son écriture. Elle était conçue pour deux pianos. Wiener et Doucet m’avaient convaincu de la possibilité de remplacer l’orchestre par un tel attelage. Deux virtuoses : Léon Kartun et Raffit furent les artisans du grand succès de Yes !, nouveau titre de la pièce. La Presse fut unanime pour louer livret et musique. Le fait étant rare, il mérite d’être mentionné… »

Didier Roumilhac dans « Opérette » n° 122 évoque la distribution à la création :
« Distribution pas très facile à faire à en croire la presse des jours précédant la première (c’est ainsi que Christiane D’Or est remplacée par Arletty dans un rôle de « gourde »). Deux des interprètes principaux, Renée Devillers (Totte) et Constant-Rémy (Gavard) viennent du plus authentique théâtre parlé, de l’Odéon. Le reste de la distribution vient de l’opérette et du music-hall ; il n’y a là nul grand chanteur, mais des personnalités que le public aime retrouver : Louvigny en Maxime Gavard, Georgé en César, Lily Mounet en Marquita Négri, Suzy Wincker en Lucette de Saint-Aiglefin, Roger Tréville dans le rôle de Roger, Hiéronimus en Loysel, d’autres dans des rôles plus courts comme Charpini en barman ; enfin Arletty, qui est de tant d’opérettes de l’entre-deux-guerres, joue Clémentine, la bonne qui devient journaliste, et sur laquelle la critique s’enthousiasme ».

Plus loin Didier Roumilhac ajoute :
« Très vite l’ouvrage a été doté d’une véritable orchestration.Yes ! est créé le 27 janvier 1928 aux Capucines ; moins d’un mois après, le couple Berthez qui tient le théâtre ferme la salle afin de la reconstruire ; le 23 février l’opérette passe au théâtre des Variétés ; dans ce lieu plus vaste, les deux pianos sont maintenus, mais Yvain leur ajoute un jazz de douze musiciens dirigé par Pierre Chagnon ; Yvain compose donc l’orchestration qu’il ne laisse le soin à personne d’autre de faire et même un air nouveau pour Pauley, le Saint-Aiglefin de la version relookée. »

Mais l’histoire des représentations ne s’arrête pas là ; au mois de mai, c’est l’Apollo, le temple du viennois, qui accueille le théâtre des Capucines produisant Yes ! ; la version est présentée comme conforme à la création ; pourtant à nouvelle salle (plus grande), nouvelle capacité sonore ; Yvain remet l’ouvrage sur le métier et compose cette fois-ci pour trente-cinq musiciens, tout en maintenant les deux pianos qui donnent à la partition la vague allure d’un concerto ; douze danseuses viennent directement de Londres (tiens !) pour étoffer le spectacle. Les histoires de l’opérette n’ont jamais mentionné cette évolution de l’ouvrage qui ne montre pas un Yvain tenant plus que tout à son accompagnement minimum.

L’opérette sera ensuite jouée comme c’est normal à l’époque dans les théâtres de quartiers ; cette offre parisienne de l’Entre-deux-guerres est peu connue ; c’est pourtant là que le public découvre les ouvrages : les distributions sont sensiblement modifiées, mais de très bons artistes ne dédaignent pas de s’y produire (comme Alice Bonheur en l’occurrence) ; en général l’opérette reste à l’affiche une petite semaine ou un week-end ; c’est ainsi que Yes ! passe de 1928 à 1931 au théâtre Moncey, au nouveau théâtre de Vaugirard, au Gymnase (ce n’est pas une salle de quartier) et aux Gobelins….

Oubliée depuis de longues années, Yes ! est réapparu à l’Opéra de Tours le 25 janvier 2002 dans une mise en scène de Jacques Duparc. Cette production soignée est appelée à tourner dans l’Hexagone.

(1) « Ma belle opérette » par Maurice Yvain (La Table Ronde, 1962)

L’argument

Acte I

Le coiffeur Roger et la manucure Totte attendent le lever de Maxime, le fils de Gavard, le Roi du Vermicelle. César, le valet de chambre, expose les théories extrémistes sur lesquelles il compte se faire élire député communiste du XVI° arrondissement de Paris. Maxime congédie Loulou, préoccupé par l’ordre que vient de lui donner son père de partir au Chili épouser une riche héritière, Marquita Negri. Maxime a une maîtresse, Lucette de Saint-Aiglefin, qu’il ne souhaite pas quitter, pas plus qu’il n’entend renoncer à une vie de plaisirs qui lui convient tout à fait. Il écoute la suggestion de Lucette et son mari qui lui conseillent, afin de gagner du temps, de prendre sur le champ n’importe quelle épouse et de faire officialiser le mariage à Londres. Clémentine, la jeune personne bonne de son état qui cherche un emploi, est écartée, au profit de Totte la jeune et jolie manucure ; Totte qui rêve de prendre l’avion plus que de convoler accepte de suivre Maxime à Londres. Gavard, qui arrive bardé de tout son personnel, ne peut que constater la fuite de son fils.

Acte II

Deux mois plus tard, au Touquet, les choses ont bien évolué ; César a été mis en ballottage, le coiffeur est devenu une vedette de café-concert sous le nom de Regor, Totte et Maxime sont unis et pas seulement sur le papier ; ils s’aiment ; Madame de Saint-Aiglefin est furieuse ; Gavard survient avec une Chilienne qu’il a épousée, celle-là même qu’il destinait à son fils. Gavard veut couper les vivres à son fils embarrassé de Totte qui n’a pas les manières du beau monde ; il consent à lâcher son épouse. Pour faciliter le divorce que semble sincèrement vouloir Maxime, Totte endosse tous les torts et passe pour la maîtresse de son ancien fiancé. Un policier maladroit lui a de plus attribué tous les amants de sa belle-mère. Maxime repousse sa femme ; au final, Totte cède à Gavard, Maxime lâchement prend le parti de son père.

Acte III

Dans le décor du 1° acte, Maxime se repent et ne veut plus croire à la culpabilité de Totte dont Gavard lui-même, éprouvé dans son mariage, reconnaît les qualités et le cœur. Tout s’arrange : tandis que les intrigues secondaires se dénouent au mieux, la dactylo de Gavard remplace Marquita Negri mal assortie à l’industriel français. Totte et Maxime peuvent enfin s’aimer.

Texte de Didier Roumilhac dans « Opérette » n°122.

La partition

Acte I : Ouverture ; Air  « Ah ! je vous aime » (Roger) ; « La vie n’est faite que d’illusions » (Totte) ; « La profession de foi » (César) ; « Si vous connaissiez papa » (Maxime Gavard) ; Trio bouffe « Il faut chercher » (Maxime, Lucette et Saint Aiglefin) ; « Moi je cherche un emploi » (Clémentine) ; « Le Roi du vermicelle » (Gavard) ;Duetto « À Londres » ; (Totte et Maxime) ; Final I (tous)

Acte II : Entracte ; « Deux pianos » (Roger et les admiratrices) ; « Le serai-je ? » (César) ; « Yes ! »(Totte) ; « Ou ou » (Maxime) ; Sextuor « Air du thé » (Totte, Maxime, Mme et Mr de Saint-Aiglefin, Lady Wincheston, Clémentine) ; Duetto « Lorsqu’un enfant » (Marquita, Gavard) et Air « Je suis de Valparaiso » (Marquita) ; Trio « Dites à mon fils » (Gavard, Loysel, Maxime) ; « Tout est pour vous » (Roger) ; Final II: « Valse de l’adieu » (tous)

Acte III : Entracte ; « Charmantes choses » (Totte) ; « Duo des numéros » (Totte, Marquita) ; « C’est du chantage » (Clémentine) ; « Quand une femme » (Maxime) ;  Réminiscence (orchestre) ; Couplet final.

— Fiche technique

Yes !
Opérette en 3 actes de Pierre Soulaine, René Pujol et Jacques Bousquet, lyrics d’Albert Willemetz, musique de Maurice Yvain.
Création à Paris, théâtre des Capucines, le 26 janvier 1928 avec :
Renée Devillers (Totte), Lily Mounet (Marquita Négri), Arletty (Clémentine), Suzy Winker (Lucette de Saint Aiglefin), Janine Merry, Marcelle Monthil, Suzy Leroy, D. May, Jacques Louvigny (Maxime Gavard), Constant-Rémy (Gavard), Georgé (César), Roger Tréville (Roger), René Hiéronimus (Loysel), Charpini (le barman), H. Fenonjois
Éditions Salabert

Discographie

Guillaume Durand, Philippe Brocard, Norma Nahoun, Sandrine Buendia, Irina De Baghy, Léonie Raud. Orch. Frivolités Parisiennes
2 CD Alpha Classics 924

Rare. Quelques airs isolés sur des 33T (Mathé Altéry, Felicity Lott) ou repiqués de 78T (Milton, Arletty)

Références

Vous retrouverez Yes ! dans « Opérette » n° 122, 123, 177, 185, 194 & 205. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Anciens numéros »

Dernière modification: 15/03/2024

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