Après une tournée internationale de plusieurs mois et avant de rejoindre Paris et le théâtre du Châtelet jusqu’à la fin de l’année, West Side Story a fait une petite incursion de trois jours en Principauté de Monaco au Grimaldi Forum. Le public s’est pressé en nombre pour assister à la production sous-titrée « Two gangs, one love » heureux de retrouver ce musical célèbre mais aussi ému de se replonger dans ce conflit aux influences shakespeariennes intemporelles.
West Side Story narre l’histoire d’un amour impossible entre Tony et Maria, issus de deux communautés ethniques différentes et rivales vivant dans le quartier du « West Side » de Manhattan. Les Jets (émigrants blancs déjà installés d’origines irlandaise, polonaise ou italienne) dont les claquements de doigts sont devenus légendaires, et les Sharks (Portoricains fraîchement immigrés), s’affrontent pour contrôler un maigre territoire, chacun voulant prouver sa supériorité, dans une lutte qui s’avérera malheureusement meurtrière.
Depuis sa création en 1957, la partition de Leonard Bernstein, la chorégraphie de Jerome Robbins, les « lyrics » de Stephen Sondheim ont su donner un souffle contemporain à cette romance qui surprend toujours par son actualité. La rivalité de ces deux bandes, les aspirations et les différends entre populations immigrées traversent les générations comme le prouvent les nombreuses reprises de la comédie musicale où les adaptations brillamment portées au cinéma en 1961 par le réalisateur Robert Wise et le danseur-chorégraphe Jerome Robbins et récemment, en 2021, par Steven Spielberg.
Tout est parfaitement agencé par le metteur en scène Lonny Price qui a adapté l’ouvrage pour la tournée mondiale avec la chorégraphie originale et légendaire de Jerome Robbins reprise par Julio Monge et la scénographie inventive de Anna Louizos.
Les deux bandes rivales Jets ou Sharks sont plus qu’actualisées dans les costumes d’Alejo Vietti, replongeant les spectateurs dans cette ambiance des années 60. À noter les robes virevoltantes et colorées des protagonistes féminines, notamment lors du célèbre « Mambo ».
Un décor central pivotant permet astucieusement de s’adapter à tous les théâtres qui ont accueilli ou vont accueillir la production lors de cette tournée mondiale. On retrouve les rues de New-York, lieux d’affrontement des deux bandes rivales, les façades, l’escalier et la chambre de Maria, la boutique de Doc, le drapeau américain et la Statue de la Liberté. New York est là, vivante, grouillante et suggérée à nos yeux. Les décors bougent, se tournent, se font caméléon de rues et maisons à travers lesquelles les artistes évoluent avec fluidité créant un rythme particulier s’intégrant à la musique.
Tous les interprètes, jeunes et en adéquation avec leurs rôles, constituent une troupe solide, cohésive et irréprochable. Melanie Sierra (Maria) et Jadon Webster (Tony) forme un couple assorti, émouvant et charismatique tout aussi à l’aise dans le chant, la danse que l’engagement dramatique. Kyra Sorce brûle les planches, subjugue par sa danse frénétique enveloppant son remarquable partenaire Antony Sanchez (Bernardo) de toute sa sensualité.
Si la facture du spectacle demeure classique, il n’a néanmoins rien perdu de sa modernité, entraînant le spectateur dans un tourbillon d’émotions émaillé de danses et de chants dans un rythme soutenu. On se réjouit pour cela de la présence d’un orchestre composé de nombreux instrumentistes dirigé avec brio par le chef Grant Sturiale qui donne un relief appréciable à la partition de Bernstein.
La scène finale qui étreint les spectateurs d’émotion tout en ouvrant une perspective d’espoir laisse place, dès que les lumières se rallument, aux applaudissements enthousiastes et cette joie débordante des spectateurs. Impossible depuis la création – il y a près de 70 ans ! – d’oublier « I Feel Pretty », « Maria », « Tonight » ou « America ». Tous ces airs sont dans nos mémoires et resteront gravés encore longtemps dans nos cœurs, comme cette production qui, une fois de plus, nous a fait vibrer à l’unisson. C’est le propre même des chefs d’œuvres !
Marie-Catherine Guigues
14 octobre 2023
