Valses de Vienne, Tourcoing
dimanche 6 avril 2025

Valses de Vienne, Tourcoing

Ludovic Crombé  (photo Jacques Dufossé)

Par cette très belle journée de début avril, le public se rendant au Théâtre Raymond Devos de Tourcoing pouvait fredonner « Tout est soleil, tout est printemps… » anticipant ainsi le grand air de l’héroïne de l’opérette Valses de Vienne qu’il venait écouter. Cette opérette « fabriquée » sur des musiques de Johann Strauss – dont on fête cette année le deuxième centenaire de la naissance – a été créée à Vienne 18 mai 1933 mais cet ouvrage ne s’est apparemment maintenu au répertoire que dans sa version française donnée pour la première fois au Théâtre de la Porte Saint-Martin de Paris le 21 décembre suivant. 1

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Xavier Flabat et Corinne Gautier (photo Jacques Dufossé)
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Marie Cordier (photo Jacques Dufossé)

Avec cette opérette, la saison des Mus’Arts s’est achevée avec panache tant ce spectacle était réussi. La mise en scène de Philippe Padovani, en coupant une partie des dialogues et des airs, avait ramené la pièce à un format plus confortable, même si, entractes compris, le spectacle a duré quatre heures. Dès l’ouverture du rideau suivie de la « Marche de Radetzky » servant de prélude, le public était conquis, marche qui sera longuement reprise après le dernier final, accompagnée des claquements des mains du public enthousiaste.

Des nombreux interprètes (14 rôles principaux plus une petite trentaine de choristes et de figurants) arrêtons nous sur les têtes d’affiches. Tout d’abord les deux Strauss : le père, campé avec talent et élégance par Ludovic Crombé, et « Strauss Junior », comme il est ici appelé, interprété par Xavier Flabat qui s’est fait applaudir dans les nombreux airs et duos qui lui sont dévolus : « Demain, c’est peut-être l’amour », « Adieu musique », « La valse improvisée »…

Les trois grands rôles féminins étaient dévolus à trois artistes remarquables. Tout d’abord Marie Cordier (la Gabrielle de La Vie parisienne en 2023) campait une Rési charmante aux aigus éclatants, que ce soit dans la quintette avec Strauss et les trois cousines (« Désir de rire, plaisir d’aimer ») et surtout dans son grand air déjà cité en début d’article, terminé par un vaillant suraigu. Toute différente est la fantaisiste Julie Lemas (présente, avec La Belle de Cadix et Pas sur la bouche dans les trois spectacles de la saison) ; son talent comique, efficace mais sans excès, et son large sourire conviennent parfaitement au personnage de Pépi, successivement pâtissière, serveuse et soubrette, au gré de l’intrigue. Autre habituée de ce théâtre (Mlle Pontaillac de Pas sur la bouche), Corinne Gauthier assume le caractère dominateur de la Comtesse russe, petit accent obligé à l’appui ; sa partie vocale est cependant ici limitée à un seul air (le duo « Une fée a passé ») et à un couplet du « Beau Danube bleu » concluant le deuxième acte.

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Etienne Pladys et Julie Lemas (photo Jacques Dufossé)

Parmi les autres personnages, signalons le Léopold pusillanime et naïf d’Étienne Pladys, accompagnant ses duos avec Pépi de petits pas de polka, mais n’hésitant pas, lorsqu’il est contrarié, à se réfugier dans les bras de son père, le tailleur Wessely, ici tenu par l’imposant Jean-Pierre Williame. Quant à Philippe Padovani, en plus d’assurer la mise en scène, il assurait le rôle du pâtissier Ebesseder, dotant sa grande scène du second acte d’une griserie fort bien jouée et terminée par la chanson à boire « Quoi de plus joyeux », entouré par les ravissantes danseuses. N’oublions pas l’amusant Comte Gogol de Jean-Pierre Duclos, dont les colères aveugles peuvent terrifier les autres personnages et même son épouse, tout en réjouissant les spectateurs.

Les points forts de ce spectacle doivent beaucoup à la présence des remarquables chorégraphies d’Annie Savouret, toujours variées et élégantes, que ce soit pour les entourages des chanteurs ou pour les deux grands ballets. Tout d’abord celui du « Beau Danube bleu » concluant le second acte où, alternant avec les couplets de Strauss Junior, de la Comtesse ou des chœurs, les diverses figures du ballet étaient dansées par 6 couples dont les danseuses portaient de très élégantes robes longues, bleues, comme le grand voile avec lequel elles évoluaient, et dont le final s’ornait d’éventails en plumes roses dont le mouvement rappelait celui de la célèbre chanson-dansée de Zizi Jeanmaire. Le second ballet, donné au troisième acte sur la musique de « La valse de l’empereur », « ballet blanc » dont les longs tutus étaient rebrodés de petits motifs dorés, fut un réel moment de grâce qui fut acclamé avec ferveur par le public.

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Philippe Padovani et les danseuses (photo Jacques Dufossé)

La direction musicale était confiée au chef habituel du théâtre, Pascal Chardon, à la tête d’un orchestre renforcé à 19 musiciens donnant beaucoup de vivacité à la partition. Bref, un spectacle des plus réjouissants.

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Le ” ballet bleu ” (photo Jacques Dufossé)

La prochaine saison illustrera les trois grandes périodes d’opérettes du XXe siècle avec La Veuve joyeuse (9 novembre 2025), Dédé (25 janvier 2026) et Méditerranée (1er mars 2026).

Notes

Le livret original de A. M. Willner, Heinz Reichert et Ernst Marischka a été adapté en français par André Mouézy-Eon et Jean Marietti, couplets de Max Eddy. Les nombreux morceaux musicaux de la pièce, dont une partie est traditionnellement coupée, sont extraits et adaptés d’œuvres orchestrales de Johann Strauss père et fils, mais aussi de Joseph Strauss, le second des fils, par Julius Bittner, Wolfgang Korngold, Eugène Cools, et, pour le ballet, par Paul Bonneau. Il n’est pas possible de les citer tous, mais on peut reconnaître au passage, du moins dans la version intégrale :
– De Strauss père : La Marche de Radetzky, op 228 (ouverture et fin du chœur d’entrée) et la valse La Loreley, op 154 (introduction du second acte).
– De Joseph Strauss : le premier thème de la valse « Transaction », op. 184 (duo : Une fée a passé)
– De Strauss fils : Valse de l’Empereur, op. 437 (ensemble : « Désir de rire, plaisir d’aimer » par Strauss et Rési, et début de « La Valse improvisée » par Strauss) – Légendes de la forêt viennoise (valse « Tout est soleil » Rési) – Nouvelle Pizzicato-polka, op. 449 ( « Quand l’amour nous ensorcelle » par la Comtesse) – Grande Vienne, op. 440 (« Adieu musique », duo Strauss-Rési) – Bonbons viennois, op. 307 (« la Valse improvisée » Strauss) – Le Beau Danube bleu, op. 314 (final du deux – La mazurka Entente parfaite, op. 323 (« J’aime vos petits airs » par la Comtesse)…

Les chefs d’orchestre qui dirigent cet ouvrage sont libres d’ajouter, soit en intermède, soit pour un ballet supplémentaire d’autres pages de Strauss comme la célèbre Tritsch-Tratsch polka, op. 201

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le ” ballet blanc ” (photo Jacques Dufossé)

Bernard Crétel
6 avril 2025

Valses de Vienne (les Strauss)

Mise en scène : Philippe Padovani – Direction musicale : Pascal Chardon – Carolo King Ballet, chorégraphie d’Annie Savouret – Costumes : ATL Productions – Décors et accessoires : Yvon Moreau, Bernard Pladys, Alain Woestyn – Affiches et programmes : Annie Caudrelier.

Distribution :
Marie Cordier (Rési) – Julie Lemas (Pépie) – Corinne Gautier (La Comtesse) – Marie-Chloé Crespel, Marion David, Phèdre Larroque (les cousines)
Xavier Flabat (Strauss fils) – Ludovic Crombé (Strauss père) – Philippe Padovani (Ebesseder) – Étienne Pladys (Léopold) – Jean-Pierre Williame (Wesseley) – Jean-Pierre Duclos (Prince Gogol) – Patrick Montagne (Drechsler) – Sylvain Durand-Soriano (Donmayer).
Chœurs et Figurants des Mus’Arts.

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