Oscar Straus (1870-1954)
L’opérette Trois Valses, populaire en France grâce à l’adaptation qui en a été faite pour le couple Yvonne Printemps-Pierre Fresnay n’a pas eu grand succès lors de sa création à Zürich (1935) puis à Vienne quelques mois plus tard. À Londres, en tournée avec Pierre Fresnay, Yvonne Printemps rencontre Oscar Straus qui lui suggère d’aller à Bruxelles où l’on donne la version française de l’ouvrage (1936). Pierre Fresnay et Yvonne Printemps suivent son conseil et, accompagnés d’Albert Willemetz et de son épouse, se rendent au théâtre de la Monnaie de Bruxelles écouter l’opérette :
« À la sortie du théâtre, les deux couples sont consternés. Cet opéra-comique, plus qu’une opérette, est long, sans grand charme et chanté de bout en bout par un ténor » (1)
Albert Willemetz, malgré tout, pense que le thème général et la musique ne sont pas sans intérêt. « Je reconstruisis entièrement les 3 actes, raconte-t-il, en axant l’action sur le couple d’amoureux et en arrangeant, naturellement, la partition de telle sorte que les airs les plus importants soient confiés à la voix exquise de la merveilleuse et unique Yvonne Printemps » (1).
Le triple rôle de Chalencey devient entièrement parlé. Les auteurs transportent le cadre de leur ouvrage à Paris. Les dates choisies pour les trois actes correspondent à trois grandes expositions internationales.
Le 21 avril 1937, le théâtre des Bouffes-Parisiens présente ainsi une opérette tout à fait originale dans sa conception : trois valses, trois générations, trois époques. Un imprésario passe et sert de lien commun entre les trois actes.
L’opérette et ses créateurs eurent un immense succès. Robert de Beauplan écrivait dans « L’Illustration » :
« Sur un thème viennois, MM Albert Willemetz et Léopold Marchand ont écrit un ouvrage qui fait honneur à l’esprit français ».
En province, avant la deuxième guerre mondiale, l’ouvrage fut brillamment repris par Gabrielle Ristori et Robert Vidalin. Qui se souvient aujourd’hui de ces deux artistes ?
Un film fut tiré de l’opérette en 1938. Aux côtés de Pierre Fresnay et Yvonne Printemps, on remarquait Henri Guisol (Brunner fils), Boucot (Brunner père). Ce film, l’un des rares films musicaux de qualité sorti au cours des années trente, contribua sans nul doute à populariser l’ouvrage.
Après la guerre, on notera deux reprises parisiennes à la Gaîté-Lyrique avec Germaine Roger dans le triple rôle de Fanny, Yvette, Irène. Pierre Jourdan était son partenaire en 1952 et Jean Weber en 1959. En province, l’ouvrage se maintint longtemps au répertoire. On fit appel parfois à des comédiens connus comme Michel Le Royer. Aujourd’hui il n’est plus guère joué. À quand sa réhabilitation ?
(1) « Albert Willemetz, le prince des années folles » par Jacqueline Willemetz (Editions Michalon, 1995)
—L’argument
Acte I : 1867, « La valse de l’adieu »
Fanny Grandpré, la grande étoile de la danse, est aimée d’un officier, le marquis Octave de Chalencey, par ailleurs très attaché à son métier de soldat. Les amoureux ont décidé de s’épouser, malgré l’opposition de la famille du jeune homme. C’est ainsi que le Conseil de famille convoque Octave pour lui faire comprendre l’inconvenance d’une telle mésalliance. Octave s’entête et son oncle, le maréchal, jure de lui faire quitter l’uniforme. Fanny sait combien le régiment tient à cœur à Octave. Aussi, à la suite d’un entretien avec la douairière de Chalencey, elle comprend que son devoir est de renoncer à cet amour. Elle signe un brillant contrat pour Londres offert par ses imprésarii, Brunner père et fils, et la douloureuse séparation a lieu dans l’appartement de Fanny, ponctuée par « la valse de l’adieu ».
Acte II : 1900, « La valse interrompue »
La divette Yvette Grandpré, fille de Fanny, est très remarquée pour son talent et sa beauté. Une idylle s’ébauche entre elle et un élégant noceur, le marquis Philippe de Chalencey, fils d’Octave. D’abord réticente, Yvette finit par s’abandonner à cet amour. Pour épouser le jeune homme, elle accepte de renoncer à la scène. Mais un fâcheux événement sépare les amoureux. Le jour où Yvette décide de quitter le théâtre, on annonce dans la salle la présence du Prince de Galles. Comment refuser de chanter en pareille circonstance, d’autant que sa doublure est aphone ? Philippe se croit délaissé et s’enfuit après avoir fait remettre à Yvette une lettre de rupture. Et l’idylle s’achève avec « la valse interrompue ».
Acte III : 1937, « La valse du destin »
Star de cinéma, Irène Grandpré, fille d’Yvette, tourne un film relatant de façon très approximative les amours malheureuses de sa grand-mère Fanny et du beau militaire Octave. Gérard de Chalencey, jeune aristocrate ruiné, devenu agent d’assurances, vient au studio demander que le nom de son grand-père Octave ne soit pas mêlé à cette histoire. Le partenaire d’Irène faisant faux-bond, les producteurs ont l’idée d’engager Gérard pour le remplacer. Refus du jeune homme… qui change d’avis lorsqu’on lui présente Irène. Le charme d’un Chalencey agit une nouvelle fois sur une Grandpré (et réciproquement). À l’issue du tournage, il ne fait pas de doute que les deux jeunes gens sont amoureux l’un de l’autre. Mais aujourd’hui, plus question de mésalliance ou de rupture. Irène et Gérard tombent dans les bras l’un de l’autre, bercés par « la valse du destin ».
— La partition
Acte I :
Premier tableau : le foyer de la danse à l’Opéra
Ouverture ; Introduction « Reprenons une fois, ce petit pas » (Beltramini, les danseuses) ; Entrée de Fanny « Oui, je suis, je m’en rend compte… C’est la saison d’amour » ; Duo des deux Brunner « Le programme. Messieurs, dames »
Deuxième tableau : Le conseil de famille
Sextuor « Nous arrivons! » ; Finaletto « Assez, Monsieur » (ensemble)
Troisième tableau : Chez Fanny Grandpré
Duo-valse de l’adieu « Te souvient-il ? » (Fanny, Octave)
Acte II :
Quatrième tableau : Au Théâtre de l’Apollo
Ensemble « C’est l’amour » ; Valse « Tu es très volage… Je t’aime Quand même » (Yvette)
Cinquième tableau : La rue devant le théâtre
Ensemble « Quand sur la pièce »
Sixième tableau : Maxim’s
Entrée d’Yvette « Chers amis, pardonnez mon émoi… Oui, je t’aime, ô Paris ! » ( Yvette)
Septième tableau : la loge de la vedette
Couplets de l’habilleuse « Quel bonheur sans égal » (Mme Jules) ; Sextuor « C’est effarant » ; Reprise « Elle a ça dans le sang » (Mme Jules)
Huitième tableau : Le Moulin de La Galette
Chœur : « Le long du chemin » ; La valse interrompue « Je t’aime, quand même » (Yvette, chœur)
Acte III :
Neuvième tableau : le studio
Ensemble « Reprenons une fois ce petit pas » ; Quatuor polyglotte « On ne fait rien » (le producteur, l’Assistant, Founicoula, Mlle Raphaelson) ; La valse du destin « L’amour ne connaît pas de loi » (Irène) ;
Dixième tableau : le bar-cantine
Duo de la synchronisation « Je revois la forêt » ; Couplets de Brunner « Les jeunes gens d’aujourd’hui… Comme autrefois » ; Couplets d’lrène » Que voulez-vous, c’est obligé… Je ne suis pas ce que l’on pense » ;
Onzième tableau : la chambre
La valse du destin (orchestre) ; Finale « Oui ! c’est bien notre tour » (Irène, Gérard)
—Fiche technique
Trois Valses (Drei Walzer)
Opérette en 3 actes et 11 tableaux de Paul Knepler et Robinson. Musique d’Oscar Straus (1° acte d’après Johann Strauss I, 2° acte d’après Johann Strauss II, 3° acte d’Oscar Straus). Création à Zürich, Suisse, le 5 octobre 1935.
1° version française, dans une traduction de Paul Spaak, créée à la Monnaie de Bruxelles le 20 novembre 1936, avec Livine Mertens et Francis Andrien. L’ouverture fut dirigée par Oscar Straus lui-même.
2° version française en 3 actes et 11 tableaux de Léopold Marchand et Albert Willemetz, créée à Paris, théâtre des Bouffes-Parisiens le 21 avril 1937.
Distribution à la création en France :
Yvonne Printemps (Fanny, Yvette, Irène), Pierre Fresnay (Octave, Philippe, Gérard), René Dary (Brunner fils au 1er acte), Henry Jullien (Brunner aux trois époques), Yahne Lambray (la douairière), Régine Paris (la Castelli, Mlle Raphaelson), Missia (Céleste, Mme Jules), Louis Blanche (Beltramini, le président, le compositeur, le producteur). Direction musicale, Marcel Cariven ; mise en scène, Pierre Fresnay.
Editions Chappell
—Discographie
Intégrale
Suzy Delair, Jean Desailly, Mary Marquet, Robert Pisani, Pauline Carton, Eliane Thibault, Dominique Tirmont, Pierjac. Direction musicale, Richard Blareau.
1 album 3 disques 30cm Decca SKL 30511/12/13 repris en 2CD Universal-Musidisc 461958-2
Sélections
Sélection de l’intégrale
1 disque 30cm Decca 100106
Mathé Altéry, Mario Altéry, Colette Hérent, Jacques Pruvost, Pierre Germain. Direction musicale, Franck Pourcel
1 disque 30cm Emi C 051.10847
Yvonne Printemps, Pierre Fresnay, René Dary, Henry Jullien. Direction musicale, Marcel Cariven
1 disque 25 cm La Voix de son Maître FBLP 25069
Mathé Altéry, Mario Altéry. Orch. Franck Pourcel
Sélection du Reader’s Digest CD 3159.1 (Origine EMI) (3 CD) (+ [J.Strauss] Valses de Vienne + Sang Viennois + Une Nuit à Venise + [O.Straus ] Rêve de Valse)
— Références
Vous retrouverez Trois Valses dans « Opérette » n° 64, 108, 133, 134, 135 & 180. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification: 10/03/2024