Inspiré du roman de F. Scott Fitzgerald, publié en 1925 et l’une des gloires de la littérature américaine, The Great Gatsby, bien que présenté comme une comédie musicale, est en fait un drame musical qui pourrait même faire figure d’opéra de style contemporain. L’action, située à New York en 1922, met en scène un millionnaire au passé douteux, tout comme l’origine de sa richesse, et son comportement au sein d’une société aisée bénéficiant des meilleurs moments d’une époque en pleine évolution où les arts se manifestent au mieux et où les mœurs changent rapidement vers un hédonisme bienveillant – les « années folles », comme elles étaient connues, ou encore le « Jazz Age ».
– L’intrigue
Ce millionnaire, Jay Gatsby, vit dans une large propriété dans le Long Island, un quartier résidentiel en dehors de New York. Il fait appel à un ancien copain de lycée, Nick, récemment venu s’établir non loin de chez lui, pour qu’il retrouve l’ « amour de sa vie », Daisy, une lointaine cousine de Nick, dont il a perdu la trace quand il a dû la quitter pour entrer dans l’armée en 1917.
Au cours d’une visite à Gatsby, Nick apprend, grâce à Jordan dont il fait la connaissance, qu’elle est une amie proche de Daisy, laquelle a épousé un autre millionnaire, Tom. Quand Nick conduit Daisy dans la demeure de Gatsby, il faut peu de temps avant que les deux anciens amants ne manifestent leurs sentiments mutuels ; cependant, après un certain temps, Tom commence à soupçonner la vérité, ce qui ne l’empêche pas de poursuivre ses propres relations avec Myrtle, la femme d’un mécanicien du garage voisin, qui attend maintenant un enfant de lui.
Daisy annonce à Tom qu’elle va le quitter pour vivre avec Gatsby mais, quand elle est confrontée aux deux hommes au cours d’une soirée organisée en son honneur par Gatsby, elle avoue les aimer tous les deux, ce qui complique les choses. Elle hésite encore jusqu’à ce qu’elle découvre que ce dernier gagne son argent en faisant de la contrebande de boissons alcoolisées en dépit de la prohibition imposée par le gouvernement en 1918.
Alors que Gatsby la ramène chez elle le soir, sa voiture renverse Myrtle qui traverse la rue et la tue. Plus tard, il confie à Tom que Daisy était au volant de la voiture mais qu’il avouera être coupable à sa place. Tom va voir George, le mécanicien, pour lui annoncer le décès de sa femme et que le responsable est Gatsby. George, qui pense que Gatsby doit également être le géniteur de l’enfant que Myrtle attendait, se rend chez lui et le tue avant de se suicider. Entre-temps Tom et Daisy ont décidé d’aller vivre ailleurs… Quant à Nick il regarde la petite lumière verte au loin qui marque le dock près duquel Tom et Daisy avaient leur demeure.
– Le spectacle
Plusieurs éléments contribuent au succès de cette production : tout d’abord les décors, créés par Paul Tate dePoo III, splendides et d’une majesté grandiose qui ornent les scènes intérieures et extérieures ; citons également les magnifiques costumes dus à Linda Cho et les éclairages lumineux de Cory Pattak. Ils donnent au spectacle une vision luxueuse qui reflète avec justesse le style de l’époque des « années folles » et du « Jazz Age ».
Le livret suit de près son modèle d’origine avec le récit et les dialogues de Kait Kerrigan, nouvelle venue à Broadway, donnant à l’action sa touche personnelle sans entamer le style de Fitzgerald. On voudrait pouvoir en dire autant des chansons de Jason Howland pour la musique et Nathan Tysen pour les paroles ; bien tournées pour la plupart, elles auraient sans doute gagné avec l’apport d’accents jazz supplémentaires, ne serait-ce que pour souligner l’importance de ce genre musical, alors en plein essor, dont seuls quelques moments se distinguent, « Second-Hand Suit », « Shady », et surtout « La Dee Dah With You » agrémenté d’un ballet de claquettes qui évoque les Nicholas Brothers.
Pour le côté théâtral, quelques moments se distinguent également, permettant aux principaux acteurs de manifester leurs talents vocaux, notamment Jeremy Jordan dans le rôle de Gatsby, superbe dans ses solos comme « For Her » et « Past Is Catching Up To Me » et, dans ses duos avec Eva Noblezada, sous les traits de Daisy, dont le numéro clef est « My Green Light ». Cette dernière, déjà remarquée dans Headstown il y a quatre ans, scintille dans ses moments seule sur scène, dont « For Better or Worse » et surtout « Beautiful Little Fool ».
Place est également faite pour Tom, joué par John Zdrojeski, et pour George, interprété par Paul Whitty, le premier avec un morceau de choix intitulé « Made To Last », qu’il partage avec Gatsby, Daisy, Jordan et Nick ; le second avec deux moments qui frappent, « Valley of Ashes » et surtout « God Sees Everything ». Le reste de la troupe se manifeste avec enthousiasme dans quelques rares moments tels que « Roaring On » et « For Her ». La chorégraphie de Dominique Jelly est fréquemment dans le ton et bien enthousiaste. Quant à la mise en scène de Marc Bruni, elle tient les choses bien en main, ce qui permet à l’ensemble de briller au maximum et de tenir en haleine les spectateurs parfois sidérés. Un excellent spectacle !
Didier C. Deutsch
26 avril 2024
– Fiche technique
Livret : Kait Kerrigan. Musique : Jason Howland. Paroles : Nathan Tysen. Décors : Paul Tate dePoo III. Costumes : Linda Cho. Eclairages : Cory Pattak. Chorégraphie : Dominique Kelley. Mise en scène : Marc Bruni
Distribution : Jeremy Jordan, Eva Noblezada, Noah J. Ricketts, Samantha Pauly, Sara Chase, John Zdrojeski, Paul Whitty, Eric Anderson
Première le 25 avril 2024 au Broadway Theatre, 1681 Broadway, New York.
