Franz Lehár (1870-1948)
Quelques années après la disparition de Franz Lehár (1948), Miklos Rekaï, chef d’orchestre à l’Opéra de Budapest, découvre, au Conservatoire de cette ville, 17 airs inédits du compositeur, que celui-ci destinait à la partition d’un nouvel ouvrage dont le scénario devait être écrit par le journaliste Karl Kristof. Cette opérette devait s’appeler Premier battement de cœur.
Maurice Lehmann, directeur du Châtelet, apprend l’existence de cette partition. Il se rend à Zurich pour rencontrer Madame Paphazaï, sœur et seule héritière de Lehár. Après avoir obtenu son accord, il entreprend les démarches pour permettre la venue en France du professeur Rekaï qui devait notamment se charger de l’adaptation musicale. Mais en ces temps de guerre froide, il n’était guère aisé d’obtenir une autorisation pour franchir le « Rideau de Fer ». Lorsqu’enfin le professeur Rekaï arrive à Paris, le travail a été pratiquement réalisé par Paul Bonneau.
Raymond Vincy ayant rédigé le livret, les répétitions peuvent commencer. Maurice Lehmann écrit dans « Trompe l’œil » (1) :
« Les répétitions sont assez passionnantes ; les décors, qui ont été conçus selon une formule assez nouvelle, n’ont pas tout de suite fonctionné comme je l’aurais souhaité ; il m’a fallu user d’une certaine sévérité vis-à-vis de mes techniciens pour que nous nous en sortions.
Enfin, nous sommes arrivés à la répétition générale, le 23 décembre, après une première extrêmement brillante et une salle très chaude. Cette fois-ci (2), on sent le succès. Dassary, bien en voix, a été très applaudi. Mme Paphazaï, la sœur de Franz Lehar, qui était venue de Zürich, pour assister à cette répétition générale, sembla fort satisfaite de l’exécution de la partition de son frère. »
Belle réussite, Rose de Noël se donna 415 fois consécutives au Châtelet :
« … C’est avec un réel plaisir que le public retrouva l’un de ses compositeurs préféré ; après tant d’opérettes dont les musiques banales ou bruyantes accusaient une décadence du genre, il était agréable d’applaudir des mélodies franches et bien écrites dont l’orchestration, digne de Franz Lehár, respectait la lettre et l’esprit… Les interprètes furent tous choisis pour célébrer dignement le souvenir du compositeur de La Veuve joyeuse. Le ténor André Dassary fit montre, non seulement de sa vaillance vocale habituelle, mais aussi d’un art de la demi-teinte qui conféra un charme et une distinction assez rare aux mélodies qu’il avait à chanter. Ses partenaires furent dignes de lui : Nicole Broissin qui détailla de sa très jolie voix les airs de Vilma, Rosine Brédy toujours mutine, Claude DaItys amusante Ludovica, Dominique Tirmont dont la voix s’affirmait de plus en plus comme celle d’un baryton et qui, dans le rôle du colonel Tibor, mit en valeur son duo avec Totsi, Henri Chanaron, qui fit preuve de jeunesse dans le personnage effacé du lieutenant Sandor… » (3).
L’ouvrage fit carrière en province et est encore parfois repris de nos jours.
(1) Éditions de la Pensée Moderne (1971)
(2) Quelques mois auparavant, Maria-Flora avait été un demi-échec
(3) « Histoire de l’opérette en France » par Florian Bruyas (Emmanuel Vitte, 1974).
— L’argument
En Hongrie en 1895.
Prologue
Jeune, riche, sympathique, insouciant, le comte Michel Andrassy prend la vie du bon côté. Les frasques du jeune homme indisposent l’Empereur qui, pour l’éloigner des tentations de la ville, le nomme gouverneur de la petite ville provinciale de Losoncz. Lorsque l’ordre du souverain arrive, Michel est absent : il file le parfait amour avec une danseuse, dans un lieu inconnu de tous. Dans ces conditions, Sandor Varga, son secrétaire et ami décide de se rendre à Losoncz, en prenant l’identité du comte. Il part donc, non sans laisser un message à Michel, le pressant de le rejoindre sans délai.
Acte I
À Losoncz, la garnison est sous les ordres du colonel Tibor Tabakowitz, père de la délicieuse Vilma, et frère de Ludovica, une vieille fille autoritaire. Michel rentre plus tôt que prévu. Il trouve le message et se rend immédiatement à Losoncz. Il rencontre par hasard Vilma. Coup de foudre réciproque. Il apprend de la bouche de la jeune fille que toute la ville se rend à la gare accueillir le nouveau gouverneur, le comte Michel Andrassy, dont la réputation de coureur de jupons n’est plus à faire. Intrigué, Michel se rend à la gare. Quelle n’est pas sa surprise de reconnaître Sandor, dans l’homme qui a usurpé son identité ! Plus tard, les deux amis se retrouvent. Encore sous le charme de Vilma, Michel décide de garder son incognito. Il se fera passer pour le secrétaire du gouverneur.
Bientôt, Michel et Vilma se déclarent leur amour. Tibor est tout à fait favorable à un mariage entre les deux jeunes gens. À la fête des vendanges, Sandor boit plus que de raison. Il ne trouve rien de mieux que révéler à Vilma l’identité du véritable gouverneur. La jeune fille se persuade que Michel s’est moqué d’elle. Sans lui donner d’explication, elle le repousse et s’enfuit.
Acte II
Michel cherche Vilma désespérément. Il apprend enfin qu’elle s’est réfugiée dans la montagne, chez les tziganes. Il court la rejoindre. Vilma est triste, bien qu’une bohémienne lui affirme que son bonheur s’épanouira lorsque fleurira la « Rose de Noël ». Michel arrive. Elle le repousse encore. Mais l’Empereur, excédé par la dernière excentricité du comte, le fait arrêter. Vilma comprend que Michel est sincère et se jette dans ses bras. Le jeune homme ne reste pas longtemps incarcéré. L’Impératrice Sissi (la fée des librettistes d’opérettes viennoises), touchée par cet amour sincère, intercède auprès de son époux. Et c’est à Noël, le jour des fiançailles de Michel et de Vilma, que se terminera cette belle histoire.
— La partition
Prologue : « Rendez-vous d’amour » (Michel)
Acte I ; Chœur « Promenade dominicale » ; « Amour et Giberne » (Popelka) ; « Vous êtes si belle » (Totsi et chœurs) ; Chœur « Honneur au Gouverneur » ; Duo Michel-Vilma « Tant que je vivrai » ; « Papotages et commérages » (Ludovica et chœurs) ; « Mon ciel et ma chanson » (Michel) ; « Premier aveu » (Vilma) ; Duetto Vilma-Tibor « Mon petit papa » ; Ensemble « Quand les soldats » ; « Rose de Noël » (Michel et Vilma) ; Duetto Totsi-Tibor « Pour aller ensemble » ; « Au temps des vendanges » (Michel et chœurs) ; Ballet « La fête du raisin » ; Final I
Acte II : Totsi et chœurs « À la mode militaire » ; Totsi et Sandor « Modiste et modeste » ; Quatuor « Dans ce vieux château » (Sandor, Popelka, Mathias, le garde) ; Chœur tzigane ; « Déjà » (Michel) ; Final. II
— Fiche technique
Rose de Noël
Opérette en 1 prologue, 2 actes et 18 tableaux de Raymond Vincy, d’après une idée de Karl Kristof ; musique de Franz Lehár, adaptation musicale du professeur Rekaï. Arrangements musicaux de Paul Bonneau ; mise en scène de Maurice Lehmann ; chorégraphie de Louis Orlandi ; maquette des décors et costumes de Raymond Fost.
Création à Paris, théâtre du Châtelet, le 20 décembre 1958. Avec :
Nicole Broissin (Vilma), Rosine Brédy (Totsi), Claude Daltys (Ludovica), André Dassary (Michel), Henri Chanaron (Sandor), Dominique Tirmont (Tibor), Henri Bedex (Popelka), Serge Clin (Schwab, le gardien) ; Alain Baugé (Franz). Direction musicale, Félix Nuvolone.
Éditions Chappell
— Discographie
Intégrale
André Dassary, Nicole Broissin, Rosine Brédy, Henri Bédex, Serge Clin, Dominique Tirmont. Direction musicale, Félix Nuvolone
1 album 2 disques 33T 30cm Decca 115069/70 repris sur 2CD Universal-Musidisc en mars 2003.
Sélections
Sélection de l’intégrale (Decca 100100)
Marcel Merkès (Don Juan) et Paulette Merval (Antonia). Orchestre, direction Serge Bessière.
1 disque 25cm 33T Odéon FOC 1016 (ou deux 45T)
Janet Clair, Sophie Baquet, André Jobin, Michel Dunand, Robert Destain, Guy Pierauld. Orch. Paul Bonneau
Ibach 60529 (1 V) & Pickwick PKF 521 318 (1 CD)
— Références
Vous retrouverez Rose de Noël dans « Opérette » n° 29, 76 & 190. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification: 08/03/2024