Raoul Moretti (1893-1954)

Comment imaginer que Raoul Moretti, revenu à Marseille après la seconde Guerre Mondiale, se laisse aller en 1948 à tant d’amertume ? On ne le réclame plus à Paris, lui qui a triomphé sur les plus grandes scènes durant l’entre-deux-guerres, qui a écrit pour les vedettes à la mode, qui a composé quelques-unes des meilleures comédies musicales à la française.

Né à Marseille le 10 août 1893, il avait commencé dans la cité phocéenne dans l’arrière-boutique d’un confiseur des allées de Meilhan, au « Ouistiti » ; il s’accompagne au piano dans « La Petite Dactylo » ou dans d’autres chansons qui « étaient, écrivaient les journaux, exquises de gentillesse, de fantaisie et de rythme. »

Sa solide formation musicale ne lui fait pas mépriser la chanson qui restera un de ses domaines de prédilection ; on ne compte plus, alors qu’il est installé à Paris, ses compositions pour Chevalier, Mistinguett ou Marie Dubas qui passent sur la scène de music-hall, dans les revues ou dans les films ; développées, enchaînées, bien orchestrées, elles deviennent la partie musicale et chantée de plusieurs opérettes qui rempliront les salles de la capitale, les Bouffes-Parisiens ou les Nouveautés le plus souvent.

Après En Chemyse, son premier ouvrage en 1924, Troublez-moi et Trois jeunes filles nues, avec Yves Mirande et Albert Willemetz, sont jouées plus de 500 fois ; c’est dans cette dernière opérette qu’on entend « Est-ce que je te demande… » ou encore « Raymonde » ; son plus grand succès, Comte Obligado, ne tarde pas ; l’opérette, créée le 16 décembre 1927, aligne les tubes (couplets de la combine, « Est-ce que les artichauts… », « La Fille du Bédouin »…) dans un contexte de satire sociale, mais aussi de gentillesse.

Moretti montre définitivement qu’il sait écrire airs et duos ciselés, ensembles polyphoniques et finals enlevés. Ce sera en 1932 Un soir de Réveillon décidé sur le tournage du film Il est charmant auquel le compositeur collabore ; on garde les noms célèbres de Henri Garat, Meg Lemonnier et Dranem ; il y aura aussi Arletty et René Koval ; les steps (« Ninon, ne me dites pas non »), les slows fox (« Si tu m’aimes… ») n’ont jamais été tant à la fête ; Henri Garat se présente sur une irrésistible cucaracha (« Pour mettre un peu d’entrain… ») ; Dranem a des textes d’autodérision sans lesquels une bonne pièce de boulevard ne serait pas une truculente opérette. On retrouvera Moretti comme compositeur de la musique de films : Le Roi des Palaces et Sous les toits de Paris sont les plus célèbres. On ne cessera de le demander jusqu’à cette période d’après-guerre qui voit si différemment les choses et compte avec tellement d’autres préoccupations.

Raoul Moretti est décédé à Vence le 8 mars 1954.

Didier Roumilhac

— Références
Vous retrouverez Raoul Moretti dans « Opérette » n° 94, 119 & 133. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »

— Œuvres lyriques
Légende : opé = opérette, ob = opéra-bouffe
Le chiffre indique le nombre d’actes.

[1] avec Chagnon (Pierre), Chantrier (Albert), Gabaroche (Gaston), Pearly (Fred), Szulc (Joseph)

Dernière modification: 29/02/2024