Charles Lecocq (1832-1918)
En 1878, date de la création du Petit Duc, la renommée de Lecocq était établie et bien établie. Quelques années plus tôt, malgré le succès des Cent Vierges et le triomphe de La Fille de Madame Angot (1873), les directeurs parisiens avaient encore hésité à faire appel à lui, et c’est Bruxelles qui devait accueillir Giroflé-Girofla. (1874). Enfin, après la création de ce dernier ouvrage à la Renaissance, Lecocq réussit s’imposer dans la capitale française. Ses opérettes se succédèrent avec des fortunes diverses : succès moyen pour Les Prés Saint-Gervais, succès d’estime pour Le Pompon, mais belle revanche avec la délicieuse Petite Mariée.
En 1878, Lecocq retrouve un triomphe équivalent à celui de La Fille de Madame Angot grâce au Petit Duc, magistralement interprété par Jeanne Granier. Un succès qui se prolonge au cours des 301 représentations de la série. Inspiré d’un vaudeville de Bayard et Dumanoir, Les Premières armes de Richelieu, l’ouvrage est le premier des quatre opéras-comiques pour lesquels Lecocq s’assure la collaboration de Meilhac et Halévy, les librettistes attitrés d’Offenbach au cours des années soixante.
Louis Schneider (« Les Maîtres de l’opérette française : Hervé-Charles Lecocq ») explique ainsi ce succès :
« La raison de cette extraordinaire réussite réside en ce fait que le livret est une charmante historiette traitée par les deux maîtres du genre, Meilhac et Halévy, dans le style de l’opéra-comique ; il n’y a à excepter de ce classement qu’un seul rôle celui de Frimousse, le précepteur, qui relève plutôt de l’opéra bouffe. De plus, la partition de Lecocq est le vêtement parfaitement ajusté à ce livret alternativement tendre et joyeux …. ».
De son côté, Lecocq devait porter plus tard le jugement suivant : « Le triomphe de Jeanne Granier. Pièce charmante ; distribution hors-ligne. Exécution complète. Succès complet » (avril 1890)
À côté de Jeanne Granier, qui dominait donc la distribution, le baryton Vauthier était un bon Montlandry, Berthelier était irrésistible dans le rôle de Frimousse, la jeune Mily-Meyer chantait gentiment la petite duchesse.
De la création jusqu’en 1944, Le Petit Duc a été repris une quinzaine de fois à Paris. Parmi les interprètes du rôle-titre, on citera, outre Jeanne Granier, Jeanne Saulier, Edmée Favart et Fanély Revoil. L’ouvrage s’est ensuite maintenu quelques décennies sur les scènes de province, lesquelles, à leur tour l’ont rayé de leur répertoire. On citera toutefois la belle production de l’Opéra de Metz (direction Danielle Ory) en 2000.
— L’argument
L’action se passe au début du XVIIIe siècle.
Acte I :
La salle de l’Oeil de Bœuf au château de Versailles
Le duc de Parthenay vient d’épouser la jolie Blanche de Cambry. Mariage entre deux adolescents, arrangé par la famille pour préserver une grosse fortune. Ce qui n’empêche pas les deux jeunes gens de s’adorer. Au moment où les tourtereaux espèrent rester seuls pour un doux tête-à-tête, on les sépare. En effet, la famille les trouve encore trop jeunes pour vivre ensemble ; ils envoient pour deux ans la petite duchesse au pensionnat des demoiselles nobles de Lunéville. Le petit duc est furieux du départ de son épouse. Accompagné de Montlandry, son instructeur militaire, il décide de délivrer sa bien aimée, à la tête du régiment dont il est le colonel.
Acte II :
Une salle d’études au pensionnat des demoiselles nobles de Lunéville
La directrice, Diane de Château-Lansac, est une excellente personne, ce qui ne l’empêche pas de diriger son établissement d’une main ferme. La jeune duchesse a à peine le temps de faire la connaissance de ses compagnes, qu’une nouvelle incroyable est annoncée : le pensionnat est cerné par le régiment de Parthenay. Blanche bat des mains, mais la directrice décide de ne s’en point laisser conter.
Montlandry est introduit en parlementaire. Il déclare venir chercher la femme de son colonel. Diane de Château-Lansac lui adresse une fin de non recevoir. Ce sera donc la guerre ! Montlandry se retire et la petite duchesse est mise au cachot.
Quelques instants plus tard, une paysanne poursuivie par les dragons, qui en veulent, paraît-il, à sa vertu, se réfugie au couvent. Il s’agit en réalité du petit duc qui s’est travesti pour tenter de faire évader son épouse. Il la rejoint, mais les deux amoureux sont surpris par la directrice. Le duc réussit à ouvrir la porte aux dragons qui envahissent le pensionnat. La situation devient critique. Heureuse diversion : on se bat sur la frontière. Le petit duc doit faire son devoir. Il laisse sa femme à Lunéville, et, à la tête de son régiment, galope rejoindre l’armée française.
Acte III :
Le camp
Le régiment de Parthenay arrive au front juste au moment où les Français sont en difficulté. Grâce à lui, la bataille est gagnée. Mais les troupes ont manqué d’être surprises par l’ennemi à cause de la légèreté des officiers qui, le matin même, buvaient et chantaient avec de fort jolies personnes au lieu de surveiller les faits et gestes de l’ennemi. Aussi, la consigne du général est formelle : pas de femme.
Après avoir été félicité pour sa bravoure, le petit duc entre sous sa tente. Quelle n’est pas sa surprise d’être rejoint par Blanche, qui, après s’être enfuie du pensionnat, est venue le retrouver. Duo d’amour. La présence de la duchesse est découverte. Le petit duc est arrêté pour avoir enfreint la consigne. Mais, après le châtiment, la récompense. Puisque la bataille a été gagnée grâce à lui, on lui rend la liberté et… sa femme. Les deux petits mariés iront à Versailles annoncer la victoire des Français.
— La partition
Acte I : Ouverture ; Chœur « Il est l’heure » ; Duo Frimousse-Montlandry « Le savant part, tenant un livre » ; Chœur « Voici venir les deux époux » et le duc « Enfin, nous voici, ma petite » ; Duetto le duc et la duchesse « C’est pourtant bien doux » ; « La petite femme part d’un pas discret » (le duc) ; Chœur des pages « Il a l’oreille basse » ; Final 1 « Mon colonel, nous vous jurons obéissance ».
Acte II : Chœur des pensionnaires ; La leçon de solfège (les demoiselles et la directrice) ; Chœur et couplets de Montlandry « Par ordre de mon colonel » ; Ensemble « La guerre » ; Rondeau « Mes bell’madam’, écoutez ça » (le duc) ; Morceau d’ensemble « Ils ont c’qui nomment des sabretaches » ; Duetto de l’idylle (le duc et Frimousse) ; Final II « À sac ! à sac ! la ville est prise »
Acte III : Chœur « Tambour et trompette » ; Chanson du petit bossu (Montlandry) ; Chœur « Ah! mon Dieu! que deviendrions-nous ? » ; Chœur et le duc « La guerre, c’est donc ça, la guerre! » ; Morceau d’ensemble « Pas de femmes » ; Duo la duchesse et le duc « Décidément, mon cher mari » ; Couplets du duc « Mon épée ! ah ! l’ordre est sévère » ; Final III.
— Fiche technique
Le Petit Duc
Opéra-comique en 3 actes de Henri Meilhac et Ludovic Halévy ; musique de Charles Lecocq
Création à Paris, théâtre de la Renaissance, le 25 janvier 1878. Avec :
Jeanne Granier (le petit duc), Mlle Mily Meyer (la duchesse de Parthenay), Marie Desclauzas (Diane de Château-Lansac), Mrs Vauthier (Montlandry), Berthelier (Frimousse), Mlles Piccolo et Léa d’Asco (les pages).
Editions Chappell
— Discographie
Intégrale
André Jobin, Eliane Thibault, Claude Calès, Jean Giraudeau, Denise Benoît. Direction musicale, André Grassi.
Album 2 disques 30cms Decca 115067/68. Réédité en 2 CD Universal-Musidisc (mars 2003)
Sélections
Sélection de l’intégrale
1 disque 30cm Decca 100099
Nadine Renaux, Liliane Berton, Willy Clément, René Hérent, Freda Betti. Direction musicale, Jules Gressier
Emi C 051.12 107, repris sur CD EPM/ Emi 568 295 2 (2CD comprenant également une sélection de La Basoche et Fortunio de Messager)
Nadine Renaux, Liliane Berton, Willy Clément. Orch. Jules Gressier
Sélection du Reader’s Digest CD 3159.14 (réédition 33 t EMI) (3 CD) (+ La Fille du Tambour Major [Offenbach] + Croquefer [Offenbach] + La Cocarde de Mimi Pinson [Goublier] + divers)
Jean Raymond, Daniel Marty, Claude Bergeret, Albert Voli, Georges Montigny, Denise Aignerelle, Claude Daltys, Jean-Pierre Calvini, André Moquet, Florence Raynal
RTF 1960
— Références
Vous retrouverez Le Petit Duc dans « Opérette » n° 62, 115, 141, 156, 163, 171 & 183. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification: 01/03/2024