La Périchole

Jacques Offenbach (1819-1880)

 

En 1825, Prosper Mérimée publie un recueil de petites pièces, intitulé Théâtre de Clara Gazul. L’une d’elles, Le Carrosse du Saint-Sacrement, met en scène une comédienne fameuse de Lima, la Périchole. Cette actrice se fait donner par son amant, le vice-roi du Pérou, un carrosse avec lequel elle se rend à l’église. Ce qui provoque un scandale. Peu après, la jeune femme fait don du carrosse à la cathédrale pour le transport du Saint-Sacrement.
La Périchole aurait réellement existé. Elle se nommait Micaela Villegas et vivait au XVIIIe siècle. Elle avait sans doute un caractère impossible. Un jour qu’elle avait été impertinente avec le vice-roi du Pérou, ce dernier l’aurait traité de « Perra chola » (chienne d’indigène), expression qui serait à l’origine de son surnom. Le cinéaste Jean Renoir a tiré un film de la saynète de Mérimée.

Avant lui, Offenbach et ses librettistes avaient mis en scène la Périchole : elle devenait l’héroïne d’un opéra bouffe dont le sujet n’avait que peu de rapport avec Le Carrosse du Saint-Sacrement. À sa création, La Périchole ne comportait que 2 actes, et se terminait pratiquement avec l’arrestation de Piquillo. Après une dernière tentative de séduction de la part du souverain, restée infructueuse, ce dernier pardonnait et remettait en liberté les deux amoureux.

Tel quel, l’ouvrage était assez mal équilibré, les scènes tragiques du premier acte prenant trop d’importance par rapport au reste de la pièce. On pense qu’Offenbach était surmené à l’époque. Harcelé par le directeur des Variétés, ne recevant pas suffisamment de texte de ses collaborateurs, il se contenta d’utiliser ce dont il disposait. Ce qui peut expliquer les insuffisances de la première mouture.

En 1874, les auteurs remanièrent leur œuvre. Ils ajoutèrent 1 acte en deux tableaux, donnant à l’opéra bouffe l’équilibre qui lui manquait. Comme en 1868, Hortense Schneider tenait le rôle-titre. Si l’on consulte le « Bruyas » (1), on ne note que deux reprises de cet ouvrage entre 1874 et 1965 : aux Variétés en 1877 avec Anna Judic et en 1895 avec Jeanne Granier

Par contre, en 1969, Maurice Lehmann présente au théâtre de Paris une nouvelle version de La Périchole (version de Jean Marsan). Bien accueillie par la critique et par le public (mais boudée par les inconditionnels d’Offenbach) elle tint l’affiche plusieurs mois, la distribution réunissant Jane Rhodes puis Suzy Delair, Michel Caron, Jean Le Poulain, Roger Carel et Dominique Tirmont.

Jérôme Savary a monté deux Périchole, dans la capitale : la première, fastueuse et raisonnablement conventionnelle en 1984. La seconde plus librement adaptée d’Offenbach, Meilhac et Halévy a été donnée sous le titre La Périchole « la chanteuse et le dictateur » en 1999 au Théâtre National de Chaillot et l’année suivante à l’Opéra-Comique. Elle connut un beau succès populaire, mais provoqua le courroux des inconditionnels du « Roi du Second Empire ».

(1) Le « Bruyas » est le plus important et le plus fiable des ouvrages sur l’histoire de l’opérette en France entre 1855 et 1965. Malgré tout, il faut l’utiliser avec prudence. Une telle somme d’informations ne peut se concevoir sans un certain nombre d’erreurs et de lacunes.

— L’argument

Version 1874 en 3 actes

Acte I 

Une place de la ville de Lima
C’est la fête de Don Andrès de Ribeira, le vice-roi du Pérou. Devant le cabaret des « Trois cousines », tenu par 3 accortes jeunes femmes, des tables sont dressées, autour desquelles Péruviens et Péruviennes boivent du riquiqui. Le Gouverneur de Lima, don Pedro de Hinoyosa, sait que le souverain a l’intention de parcourir incognito les rues de la ville pour se rendre compte par lui-même de sa popularité. Il a donc pris quelques précautions qu’il expose au comte de Panatellas, le premier gentilhomme de la Chambre du vice-roi. Lorsque Don Andrès se présente déguisé, il a tout lieu d’être satisfait : les visages qu’il rencontre sont hilares et respirent le bonheur de vivre.

Peu après, deux chanteurs ambulants, la Périchole et Piquillo font leur apparition. Ils sont jeunes, beaux mais pauvres, pauvres à tel point qu’ils ne possèdent même pas les quatre piastres qui leur permettraient de se marier. La Périchole et Piquillo chantent en s’accompagnant de leur guitare. Hélas, les auditeurs ne sont guère généreux et se retirent sans leur jeter les quelques maravédis qui les aideraient à survivre. La Périchole est exténuée, découragée. Elle meurt de faim. Pendant que Piquillo va chanter un peu plus loin, elle s’allonge sur place et s’endort.

Le vice-roi réapparaît et aperçoit la belle endormie. C’est le coup de foudre. Il la réveille, ne peut s’empêcher de se faire connaître et lui offre fortune, honneurs… et un repas en tête-à-tête. Un repas ! La Périchole ne résiste plus. Elle adore Piquillo, mais elle a faim, très faim. Elle remet aux trois cousines une lettre d’adieu destinée à son compagnon. De plus en plus amoureux, le vice-roi envisage d’installer la Périchole près de lui, au Palais. Don Pedro lui rappelle l’étiquette. Impossible, si l’heureuse élue n’est pas mariée. Qu’importe ! Don Andrès donne deux heures à ses courtisans pour qu’ils trouvent un époux à la Périchole et un notaire pour la marier.

Piquillo revient. Il lit la lettre de sa compagne. Désespéré, il décide de se pendre. Panatellas arrive juste à point pour l’en empêcher et le convaincre d’épouser la future favorite. La Périchole, maintenant rassasiée, fait des difficultés pour se marier. Mais tout s’arrange lorsqu’elle reconnaît le futur marié. Le xérès, le madère et le porto, généreusement dispensés, viendront à bout des résistances, et le mariage sera célébré dans la plus joyeuse fantaisie, sans d’ailleurs que Piquillo se rende compte avec qui il a convolé.

Acte II

Une salle du Palais du vice-roi
Le lendemain, dégrisé, Piquillo ne se souvient de rien. Les bonnes langues du Palais lui rappellent son mariage avec la favorite du vice-roi. Avant de s’en aller ou bon lui semble, il lui reste à présenter officiellement son épouse au souverain.
Au cours de la cérémonie, Piquillo reconnaît son amante. Furieux, il l’accable de reproches, il manque de respect à Don Andrès de telle sorte qu’il se retrouve bientôt enfermé dans le cachot réservé aux « maris récalcitrants ».

Acte III

1° tableau : Le cachot des maris récalcitrants
Piquillo est donc jeté dans le cachot. La Périchole arrive bientôt accompagnée d’un geôlier. Elle vient pour lui dire qu’elle l’aime et qu’elle ne l’a jamais trompé. Piquillo est enfin convaincu. Les deux amoureux décident de corrompre le geôlier. Or le geôlier n’est autre que le vice-roi en personne, qui, une fois encore s’est déguisé. Don Andrès appelle la garde et fait enchaîner les deux jeunes gens. Il se retire, non sans chuchoter à la Périchole, que si elle revient à de meilleurs sentiments, elle peut l’appeler.
Grâce à un vieux prisonnier, les deux époux peuvent se libérer. La Périchole appelle le vice-roi, qui arrive plein d’espoir : il est bientôt ligoté à son tour ; les prisonniers s’enfuient…

2° tableau : Une place de la ville de Lima
Des patrouilles fouillent en vain Lima à la recherche des fugitifs. Le vice-roi ne décolère pas. Mais voici Piquillo et la Périchole. Ils chantent une complainte : « La clémence d’Auguste » qui n’est autre que le récit de leurs malheurs. Attendri, Don Andrès pardonne aux deux amoureux. Piquillo et la Périchole peuvent quitter Lima, enrichis des cadeaux que le vice-roi avait fait à la jeune femme.

La partition

Acte I : Ouverture ; Chœur de fête ; Chanson des trois cousines ; Chœur « C’est lui, c’est notre vice-roi » ; Couplets de l’incognito (le vice-roi) ; complainte « L’Espagnol et la jeune indienne » (La Périchole et Piquillo) ; Duo-séguedille « Le muletier et la jeune personne » (La Périchole et Piquillo) ; Chœur des Saltimbanques ; « La lettre » (la Périchole) ; Chœur et duetto des notaires ; Griserie, ariette, duetto du mariage (Piquillo, la Périchole), marche des palanquins et final I

Acte II : Entracte et chanson des dames de la cour ; Cancan-couplets ; Chœur des Seigneurs ; Couplets « Les femmes, il n’y a qu’ ça » ; Chœur de la présentation, couplets « Ah que les hommes sont bêtes » (la Périchole), rondo de bravoure (Piquillo), galop de l’arrestation , rondo des maris et final II

Acte III : 1er tableau : Entracte ; Trio « Les maris courbaient la tête » (Piquillo, Panatellas, Pedro) ; Air « On me reprochait d’être infâme » (Piquillo) ; Duo et couplets de l’aveu (Piquillo, La Périchole) ; Trio du joli geôlier (Piquillo, la Périchole, le vice-roi) ; Trio de la prison « La jalousie et la souffrance » (Piquillo, La Périchole, le vice-roi) ; Chœur des patrouilles ; Ariette-valse des trois cousines ; Complainte des amoureux (Piquillo, la Périchole) ; Final III « Il grandira »

Fiche technique

La Périchole
Opéra bouffe en 2 actes de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, musique de Jacques Offenbach. Création à Paris, théâtre des Variétés, le 6 octobre 1868 (1° version). Avec :
Hortense Schneider (La Périchole), Berthe Legrand (Guadalena), José Dupuis (Piquillo), Grenier (Don Andrès), Lecomte (Don Pedro), Christian (Panatellas), Blondelet (Tarapote)

Création de la 2° version : opéra bouffe en 3 actes et 4 tableaux de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, musique de Jacques Offenbach, théâtre des Variétés le 25 avril 1874. Avec :
Hortense Schneider (La Périchole), Mmes Grandville (Guadalena), Lina Bell (Berginella), Schweska (Mastrilla), Mrs Dupuis (Piquillo), Grenier (Don Andrès), Baron (Panatellas), Léonce (Don Pedro), Blondelet (le marquis de Tarapote), Daniel Bac (le vieux prisonnier)
Editions Chappell

— Discographie

Intégrales

Régine Crespin, Alain Vanzo, Jules Bastin, Gérard Friedmann. Direction musicale, Alain Lombard
Erato STU 70994/95 (2 disques)

Teresa Berganza, José Carreras, Gabriel Bacquier, Michel Sénéchal. Direction musicale, Michel Plasson
EMI C 167 73093/4 (2 disques) repris en 2 CD

Suzanne Lafaye, Raymond Amade, Louis Noguera, Jean-Christophe Benoît. Direction musicale, Igor Markevitch
EMI C 053 10669/70 (2 disques) réédité en double CD 574088 2

Jany Sylvaire, Yvette Darras, Eve Govy, Freda Betti, Gilbert Moryn, Joseph Peyron, Charles Daguerressar, Jacques Pruvost, Marcel Genio, Jean Mollien. Orch. Radio Lille : Marcel Cariven
RTF 1956 

Sélections

Suzanne Lafaye, Raymond Amade, Louis Noguera, Jean-Christophe Benoît. Orch. Igor Markevitch
EMI C 057 10 352 (1 V)(sélection de l’intégrale Emi C 053 10669/70)

Régine Crespin, Alain Vanzo, Jules Bastin, Gérard Friedmann. Orch. Alain Lombard
Sélection du Reader’s Digest CD 3159.10 (extraits intégrale Erato) (3 CD) (+ La Grande Duchesse de Gérolstein + Les Brigands)

DVD

Aude Fabre-Sardier, Isabelle Fleur, Maryline Fallot, Jeanne-Marie Lévy, Anaïs Constant, Frédéric Mazzotta, Michel Vaissière, Till Fechner, Philippe Ermelier, Dominique Desmons, Frank T’Hézan, Thibaut T’Hézan. Orch. Jean-Christophe Keck
Mise en scène : Frank T’Hézan. Festival de Châteaux de Bruniquel 2012 (2 DVD)

Références

Vous retrouverez La Périchole dans « Opérette » n° 53, 113, 122, 126, 138, 163, 165, 177, 179, 181, 186, 190, 193, 194, 194, 195, 203, 204, 206, 207 & 208. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »

Dernière modification: 29/02/2024

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