Le Fantôme de l’Opéra, Monte-Carlo
mardi 26 décembre 2023

Le Fantôme de l’Opéra, Monte-Carlo

Le Fantôme de l’Opéra : Masquerade (© Marco Borelli)

Lors des fêtes de fin d’année, en Principauté de Monaco, le dernier chic était de parler du Fantôme de l’Opéra. Avez-vous vu le Fantôme ? Quand allez-vous voir le Fantôme ? Que pensez-vous du Fantôme ? Le Fantôme vous a-t-il plu ? Voulez-vous aller au Fantôme avec moi ?

En programmant la comédie musicale d’Andrew Lloyd Webber, Cecilia Bartoli, directrice de l’Opéra de Monte-Carlo, a réussi un superbe coup : proposer un spectacle qui n’avait encore jamais été donné en France, bien qu’il fût (et demeure) à l’affiche depuis trente-sept ans à Londres, qu’il ait tenu trente cinq ans à Broadway et qu’il ait été vu dans nombre de pays dans le monde. Le Fantôme de l’Opéra, imaginé par l’écrivain Gaston Leroux1, se trouvait à Monaco dans sa résidence secondaire. On sait, en effet, que l’histoire de cet inquiétant personnage qui envoûte et enlève une jeune cantatrice se déroule entre les murs de l’Opéra de Paris. Or, l’Opéra de Monte-Carlo a été construit par le même architecte que celui de Paris, Charles Garnier, et cela pour remercier le prince Charles III de Monaco d’avoir financé une partie de la construction de l’Opéra parisien dans une France qui avait été ruinée par la guerre de 1870.

Le spectacle que nous avons vu à Monaco n’était pas celui de Londres ou de Broadway. C’était une nouvelle production venue d’Italie, mise en scène par Federico Bellone, due à la société « Broadway Italia ». Ainsi, jadis, y avait-il des westerns venus d’Italie, qu’on disait « spaghetti ». Ce ne fut pas pour autant du Broadway à la sauce napolitaine. Tous les ingrédients du Fantôme made in London étaient là.

Les effets spéciaux (Paolo Carta) s’enchaînaient en cascade. Dès le début, on eut droit à l’explosion d’un écran de miroirs qui servait de rideau de scène. Ensuite, ça ne s’arrêta pas : explosions de feux d’artifice, déflagrations lumineuses, coups de pistolet, ascension, depuis la fosse, de l’orgue du Fantôme, rotation du décor sur un plateau tournant !…

Fantome photo orgue 2
« Le Fantôme de l’Opéra » Amélia Milo, l’orgue, Ramin Karimloo (photo Marco Borrelli)

La troupe des acteurs-chanteurs2 était composée de « pros » de la comédie musicale, c’est à dire d’artistes rompus à l’exercice simultané du chant, de la danse et de la comédie. On eut droit à un fantôme de luxe en la personne de Ramin Karimloo, habitué du rôle sur les scènes internationales. À ses côtés, Amelia Milo fit saillir sa voix fraîche, et Vinny Coyle s’imposa en séducteur. Anna Corvino nous fit une diva caricaturale, tandis qu’autour d’elle s’activaient deux directeurs d’opérette : Ian Mowat en Monsieur Firmin et Earl Carpenter en Monsieur André (rien à voir avec le signataire de ces lignes !). ll y eut vingt représentations. Et le public, debout, à la fin de chacune d’elles. La première se déroula en présence du prince Albert II et de sa sœur la princesse Caroline, laquelle veille sur la politique culturelle de la Principauté.
Public chic, bien sûr. Certains étaient venus dans ce modèle de Rolls Royce qu’on appelle Phantom. Telle fut, à Monaco, la fin de l’année 2023.

Depuis, le fantôme a disparu de l’Opéra de Monaco. Du moins on le dit…

André Peyrègne
26 décembre 2023

1) Mort et enterré à Nice en 1927, Gaston Leroux a beaucoup fréquenté la Côte d’Azur et s’est ruiné sur les tapis verts monégasques.
2) Avec : Ramin Karimloo (Le Fantôme), Amelia Milo (Christine Daaé), Vinny Coyle (Raoul Vicomte de Chagny), Earl Carpenter (Gille André), Ian Mowat (Richard Firmin), Anna Corvino (Carlotta Giudicelli), Gian Luca Pasolini (Ubaldo Piangi), Alice Mistroni (Madame Giry), Zoe Nochi (Meg Giry), Matt Bond (Buquet), Jeremy Rose (Monsieur Lefevre /Don Attilio), Mark Biocca (Dance Captain).
Direction musicale : Julio Awad, mise en scène et décors : Federico Bellone, chorégraphie : Gillian Bruce, co-conception des décors : Clara Abbruzzese, costumes perruques et maquillages : Chiara Donat, lumières : Valerio Tiberi, conception audio : Roc Mateu, conception illusions et effets spéciaux : Paolo Carta.

Le Fantôme de l’Opéra : genèse et repères chronologiques

The Phantom of the Opera (Le Fantôme de l’Opéra) comédie musicale d’Andrew Lloyd Webber sur un livret du compositeur et de Richard Stilgoe et des lyrics de Charles Hart créé au Her Majesty’s Theatre le 27 septembre 1986 (producteur Cameron Mackintosh) s’inspire du roman Le Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux. La trame se fonde sur le propos d’un fantôme menaçant de faire exploser la salle de spectacle, allusion à des incendies très fréquents (en raison de l’emploi des bougies et de l’inflammabilité des décors peints en toile) comme celui de 1862 où les vêtements d’une danseuse prirent feu. Elle mourut des suites de ses blessures tandis que, selon la légende, son fiancé aurait survécu, défiguré par les flammes.

The Phantom of the Opera, considéré comme l’une des plus célèbres œuvres de Lloyd Webber, aux côtés de Jesus Christ Superstar, Evita, Cats et Sunset Boulevard peut revendiquer l’une des plus longues carrières d’une comédie musicale. Quels sont les ingrédients de cette extraordinaire réussite ? Tout d’abord le sujet lui-même tiré du roman fantastique de Gaston Leroux qui n’a jamais cessé de fasciner aussi bien le monde artistique que le public. Ensuite la musique d’Andrew Lloyd Webber remarquable mélodiste que le « génie » (osons ce mot pour le succès inouï de l’œuvre) a su conduire à amalgamer à sa manière les grandes phrases de l’opéra romantique, avec – comme l’écrit Louis Oster (dans son ouvrage Guide raisonné et déraisonnable de l’Opérette et de la Comédie musicale) – « une sorte de jazz grave qui connaîtrait Alban Berg », des séduisantes romances qui se retiennent aussitôt, la parodie d’opéras de Mozart, Rossini et Berlioz, la musique des années 80 avec la puissance d’une partition pour un grand film épique nimbé d’une couleur mystérieuse et envoûtante. Autre raison de ce succès : un spectacle visuellement cinématographique. On a, en effet, rarement fait mieux en un quart de siècle en matière de scénographie que celle de Maria Björnson avec ses changements à vue d’une extraordinaire efficacité que l’on ne peut dissocier de la mise en scène « historique » d’Harold Prince.The Phantom of the Opera a donné lieu à une suite officielle, Love Never Dies (L’amour ne meurt jamais) composée également par Andrew Lloyd Webber sur un livret signé du compositeur ainsi que de Ben Elton et Frederick Forsyth et des lyrics de Glenn Slater (création à l’Adelphi Theatre de Londres en mars 2010 avec Ramin Karimloo et Sierra Boggess). L’œuvre s’inspire cette fois du roman The Phantom of Manhattan de Frederick Forsyth. La trame reprend les personnages principaux du Fantôme de l’Opéra mais se déroule à Coney Island.

Ce musical de tous les records traduit en 17 langues différentes a, depuis sa création en 1986, parcouru quasiment le monde entier (États-Unis, Canada, Argentine, Australie, Afrique du Sud, Brésil, Argentine, Mexique Japon, Chine, Corée, Nouvelle Zélande etc.) réunissant près de 150 millions de spectateurs et couronné par plus de 70 récompenses majeures (dont sept Tonys et quatre Olivier Awards) Les airs du Fantôme de l’ Opéra ont été enregistrés aussi bien par des artistes de variétés que par des stars de l’opéra (Placido Domingo, José Carreras, Thomas Hampson…) L’œuvre demeure encore à ce jour à l’affiche du Her Majesty’s Theatre à Londres plus de 37 ans après sa création !….Il a été affiché dans la plupart des pays d’Europe à l’exception de …la France !

30 ans après la création de l’œuvre à Londres, courant 2016, le théâtre Mogador annonce enfin la première production française de l’œuvre de Lloyd Webber. Nicolas Engel écrit le livret français. Comme dans la version originale la mise en scène revient à Harold Prince, les chorégraphies à Gillian Lynne et les lumières à Andrew Bridge. Garðar Thór Cortes qui avait campé le personnage de Raoul dans des productions antérieures, va tenir le rôle-titre tandis que Sierra Boggess doit à nouveau à nouveau incarner Christine Daaé, comme en 2011 au Royal Albert Hall. Bastien Jacquemart, en Raoul, complète le trio amoureux. Malheureusement le dimanche 25 septembre 2016, un incendie ravagea le plancher du théâtre et une partie des décors. Après divers reports, le spectacle fut finalement annulé fin décembre 2016. À ce jour aucune production de nature professionnelle du Fantôme de l’Opéra n’a vu le jour en France ! Incompréhensible carence !…

Fort heureusement, en cette fin d’année 2023, l’Opéra de Monte-Carlo a accueilli le chef-d’œuvre d’Andrew Lloyd Webber

Christian Jarniat

affiche Nice

Imprimer
Cookies
Nous utilisons des cookies. Vous pouvez configurer ou refuser les cookies dans votre navigateur. Vous pouvez aussi accepter tous les cookies en cliquant sur le bouton « Accepter tous les cookies ». Pour plus d’informations, vous pouvez consulter notre Politique de confidentialité et des cookies.