Le Chevalier des mers

Le Chevalier des mers

Bernard Sinclair (1935- 2015)

 

Jean Bart, né à Dunkerque en 1650 et mort en 1702, issu d’une famille de capitaines marchands, fut attiré très jeune par la mer. Comme beaucoup de Dunkerquois, il servit d’abord pour le compte des Provinces-Unies (1666-1667), puis devint corsaire de la marine royale française. Il se distingua alors à plusieurs reprises contre les flottes anglaises et hollandaises et favorisa l’entrée à Dunkerque de navires chargés de blé, dont la France avait bien besoin.
En 1679, il fut nommé lieutenant de vaisseau. Louis XIV l’anoblit en 1694. En 1697, il fut promu chef d’escadre. Ses descendants furent élevés à rude école. On raconte que son fils aîné, ayant pâli au cours d’une bataille (il était âgé de 12 ans), Jean Bart le fit attacher au mât d’artimon jusqu’à la fin de l’action…

L’opérette

C’est le 1er janvier 1973 que Bernard Sinclair persuade Ferdinand Aymé, alors directeur de cinq théâtres du Midi de la France, d’abord très réticent tant il doutait qu’un chanteur puisse se muer en compositeur, de l’accompagner dans un studio de répétitions pour lui présenter l’œuvre qu’il venait d’écrire. Il se met au piano et joue quelques extraits de son Chevalier et notamment la « Marche de Jean Bart ». Ferdinand Aymé ponctue machinalement de battements de mains le rythme de la musique. Sinclair s’interrompt alors et lui dit : « Ce que vous faites là, tout votre public le fera le jour de la première ! ». L’argument amuse et convainc le directeur, habituellement peu porté à prendre des risques financiers, de produire l’ouvrage. On s’accorde sur la distribution choisie parmi les meilleures voix d’opéra de l’époque, l’auteur-compositeur tiendra le rôle-titre et assurera la mise en scène.

C’est ainsi que naquit le 22 décembre 1973, sur la scène de L’Opéra de Nice, Le Chevalier des mers, pour six représentations suivies de six autres à l’Opéra de Toulon. Le succès fut immédiat et ne se démentira pas par la suite. On pouvait lire dans le numéro de janvier 1974 de la revue « Lyrica », sous la plume de Vinteuil :
« C’est là une des meilleures musiques d’opérette qui ait été écrite depuis longtemps. Les couleurs sonores sont riches, leslignes mélodiques tantôt cursives tantôt caressantes ; le tout offre un grand mérite, rare dans les œuvres écrites depuis vingt ans : il se démarque totalement de Lopez et on n’y trouverait pas ne serait-ce que l’ombre d’un pastiche ; la partition de Sinclair fleure bon la musique française du terroir, sauf lors de réminiscences bien venues des nombreuses opérettes viennoises dont l’auteur du Chevalier est par ailleurs l’interprète notoire. Le compositeur-chanteur-laryngologiste a su utiliser les grands types vocaux traditionnels et même leur demander de véritables performances que les créateurs accomplissent sans faiblir… Mais il va sans dire que l’auteur s’est réservé la part du lion avec des « grands airs » allant de « La marche de Jean Bart », ponctuée par les battements de mains du public, à la romance douceâtre, mais qui, bien en situation, fait battre les cœurs (« Marie, tu es toute ma vie ») enpassant par deux pages d’une veine très remarquable (« La mer est mon amante » et « L’air de la prison ») dont le poème est beau, dont la musique ne doit décidément rien à personne et dont l’inspiration, par sa nature et sa qualité, touche à l’opéra-comique. Sinclair, qui sait chanter et connaît de plus l’art du clin d’œil au public, y remporte un triomphe que son omniprésence, avant, pendant et après les spectacles, a largement mérité ».

Le Chevalier des mers est repris à Bordeaux (1974) (1), en Avignon, à Reims et à Dunkerque (1975), à Dijon et à Charleroi (1976), à Nancy et à Toulon (1977), à Nîmes (1978), à Lille et Lausanne (1979), la radio suisse en retransmettant une représentation en direct, et à Boulogne-sur-mer (1987).

Annik Caubert

(1) Pour cette reprise, Bernard Sinclair supprime le personnage de Forbin et ajoute aux personnages de l’opérette Petitjean qui sera créé par Jacky Wills.

— L’argument

Acte I

L’action débute à Dunkerque en 1689. L’Europe entière est dressée contre Louis XIV. En mer, l’ancien corsaire Jean Bart, devenu lieutenant de vaisseau, a déjà remporté d’importants succès sur les navires espagnols, anglais, hollandais… Il ne faut donc pas s’étonner que les dirigeants de ces pays s’acharnent à sa perte. Guillaume d’Orange a envoyé à Dunkerque, pour le perdre, la belle comtesse Kathleen, qui se dit partisane de Jacques II, exilée en France. Mais l’espionne est tombée amoureuse du lieutenant et a oublié sa mission dans ses bras.
Un autre danger guette Jean Bart en la personne de Lenfant, son propre quartier-maître, qui est à la solde des Anglais. Pour l’heure, Jean Bart est heureux. Il a rompu avec la comtesse car il est tombé amoureux, réellement amoureux, de la jolie Marie Tugghe, qui partage ses sentiments mais, malgré son amour pour la jeune fille, Jean ne peut renoncer à la mer. Il partira, mais il lui promet de l’épouser dès son retour.

À la taverne de l’Etoile d’Or, Jean Bart complète l’équipage qui doit partir avec lui le lendemain, à bord de « La Railleuse », une jolie frégate de 150 tonneaux. Sur le navire, Jean Bart fait mettre aux fers Lenfant, qui a fait monter à bord deux passagers clandestins. Un vaisseau hollandais se présente. Jean Bart s’en rend facilement maître. Il rentre victorieux à Dunkerque et, fidèle à sa promesse, épouse Marie.
Bientôt, Jean Bart reçoit l’ordre d’appareiller. Il ignore qu’il s’agit d’une machination fomentée par Lenfant, à laquelle la comtesse n’a pas le courage de s’opposer. La Railleuse se heurtera à une importante flotte anglaise et Jean Bart sera fait prisonnier.

Acte II

Dix mois plus tard… Les Anglais font courir le bruit que Jean Bart est mort, ce qui interdit à Louis XIV de proposer une rançon pour sa libération. En réalité, Jean et deux de ses compagnons, Grosminars et Petitjean, sont enfermés dans une prison à Plymouth. Les prisonniers reçoivent la visite de Lenfant et apprennent ainsi sa trahison et la complicité de Kathleen. Torturée par le remords, celle-ci fait évader Jean et ses amis. Elle les abrite chez elle. Ne voulant rien devoir à celle qui l’a trahi, Jean quitte sa demeure avec ses compagnons. Les trois Français réussissent à rejoindre leur patrie. Jean retrouve Marie, qui désespérait de le revoir un jour vivant. Il retrouve également Lenfant qui est livré à la Justice du Roi.
Quelque temps plus tard, Jean Bart remporte sa plus prestigieuse victoire, celle du Texel. Dunkerque lui réserve un accueil triomphal et Louis XIV lui-même le reçoit à Versailles. En présence de Marie, le Roi nomme Jean Bart Chevalier de l’ordre de Saint-Louis et rend hommage devant sa cour au Chevalier des Mers.

— La partition

Ouverture, « C’est la fête de la ville » (chœurs) – « Couplets du recruteur » (Lenfant et les chœurs) – « Je suis à lui » (Marie et les chœurs) – « Le roi des corsaires » (Grosminars et les chœurs) – « La mer est mon amante » (Jean Bart et les chœurs) – « Mon gros minou » (Jacqueline et Grosminars) – « Marie, tu es toute ma vie » (Jean Bart) – « Marche de Jean Bart » (Jean Bart et les chœurs) – « Prière à la Vierge » (Marie et les chœurs) – « Ho hisse et ho ! » ( Le premier matelot, Lenfant et les chœurs d’hommes) – « Le marin dunkerquois » (chœur d’hommes, premier matelot, deuxième matelot, Petitjean, Jacqueline) – « Matelote » et « Ecossaise » (orchestre) – « L’abordage » (orchestre) – « La bénédiction nuptiale » (orchestre) – « Valse du mariage » (Jean Bart, Marie, tous les personnages et les chœurs) – « Ballet Louis XIV » et « Ballet des statues de Versailles » (orchestre) – « Air de la prison » (Jean Bart et les chœurs d’hommes) – « Je vais le voir » (la comtesse) – « C’est lui » (la comtesse) – « Chanson à boire » (Dick et les chœurs) – « Danse gitane » (orchestre) – « La légende anglaise de Jean Bart » (Dick et les chœurs) – « Château de verre » (Marie) – « Duo du retour » (Jean Bart et Marie) – « Grand drill » (orchestre) – « Sous les grands cocotiers » (Jacqueline et Grosminars) – « Chevalier des mers » (Jean Bart) – Final.

Fiche technique

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Bernard Sinclair et Michèle Claverie, au Théâtre Sébastopol de Lille en 1979

Le Chevalier des mers
Opérette à grand spectacle en 2 actes et 20 tableaux. Musique de Bernard Sinclair. Orchestration de Marc Berthomieu. Livret et lyrics de Bernard Sinclair. Orchestre Philharmonique de Nice. Chef d’orchestre : Jean Lapierre. Chœurs et ballet de l’Opéra de Nice. Décors de Jean Blancon.
Costumes d’Henry Delannoy. Mise en scène de Bernard Sinclair. Chorégraphie de Tony Pardina
Création à l’Opéra de Nice le 22 décembre 1973. Avec :
Michèle Claverie (Marie), Hélia T’Hézan (Comtesse Kathleen), Guy Piervil (Grosminars), Arlette Patrick (Jacqueline), Gisèle Luck (Nanette), Sonia Delmasso (La gitane), Anne Di Bello (L’aubergiste), Bernard Sinclair (Jean Bart), Jean Lainé (Lenfant), Georges Blanc (Patoulet), Adrien Legros (Dick, le patron du bouge), Gérard Spagnol (Forbin), Jacky Wills (Omaer), Vincent Darconnat (Louis XIV), Alain Perraton (Seignelay, le capitaine hollandais), Henri Manoel (Ponchartrain), Claude Zakine (Vauban), Philippe Roseren (François), Denis Léandri (le premier corsaire), Guy Coll (le vieux corsaire, le geôlier), Roger Vandevalle (l’enseigne, le majordome), Gérard Gateau (le maître canonnier), Guy Roosen (le 1° matelot), Fernand Pianelli (le 2° matelot), Fernand Laurenti (le 3° matelot), Jacques Sanz (le laquais), Gérard Sauvageot (un marin anglais), Paul Lefebvre (le chirurgien).
Editions Chappell

Discographie

Bernard Sinclair chante Le Chevalier des mers
Orchestre et Chœurs du Théâtre National de l’Opéra-Comique. Chef des Chœurs : Jean Laforge. Direction : Jean Doussard.
Disque 45T EMI C 015-12777.

Bernard Sinclair, Elisabeth Auber, Patrick Foucher, Nathalie Marcillac, Agnès Bastian, dir. Alain Housset
Sélection du Reader’s Digest 3269.8/1 à 3 (1 CD) 

Références

Vous retrouverez Le Chevalier des mers dans « Opérette » n° 66. Si cet article vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »

 Dernière modification: 27/02/2024

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