Jacques Offenbach (1819-1880)
Le Château à Toto date de 1868. Créé sur la scène du Palais-Royal, il se place, dans la carrière d’Offenbach à une période où le compositeur fait feu de tous bois : La Grande Duchesse de Gérolstein (12 avril 1867), La Permission de 10 heures (9 juillet 1867), La Leçon de chant électromagnétique (20 juillet 1867), Robinson Crusoé (23 novembre 1867), 2ème version de Geneviève de Brabant (26 décembre 1867), Le Château à Toto (6 mai 1868), 2ème version du Pont des Soupirs (8 mai 1868), Le Fifre enchanté (30 septembre 1868), L’Ile de Tulipatan (30 septembre 1868), La Périchole (6 octobre 1868), Vert-Vert (10 mars 1869), La Diva (22 mars 1869), La Princesse de Trébizonde (1ère version le 31 juillet, 2ème version le 7 décembre 1869), Les Brigands (10 décembre 1869) et La romance de la Rose (11 décembre 1869). Pas moins de 15 créations ou grandes reprises en deux ans et demi. Est-t-il, dans l’histoire de la musique, un autre compositeur qui ait réussi à écrire autant de partitions (toutes de qualité, certaines exceptionnelles) en si peu de temps ?
Pour cette série, Offenbach s’est appuyé sur une dizaine de paroliers avec en tête les tandems Meilhac-Halévy et Nuitter-Tréfeu.
Le Château à Toto n’a été qu’une demi-réussite à la création. « L’Illustration », sous la plume de M. Savigny, s’en fait l’écho et affirme que la plupart des critiques n’ont pas été tendres avec l’ouvrage. Par contre, le journaliste, lui, n’est pas de cet avis et écrit :
« … Voilà bien du bruit, bien de l’esthétique inutilement dépensée à propos d’une bouffonnerie qui n’a pas eu le succès des aînées. Pour ma part, je ne vois pas bien en quoi Le Château à Toto est inférieur à La Vie Parisienne, de glorieuse mémoire. Je ne lui reconnais qu’une infériorité, c’est d’être venue à la suite (…) … cette partition du Château à Toto, si malmenée et à laquelle on reproche de reproduire, comme un écho, les précédents ouvrages d’Offenbach, est remplie de choses charmantes… »
Zulma Bouffar et Gil Pérès ont été les interprètes les plus applaudis.
Les librettistes, Meilhac et Halévy, qui remettent parfois en scène d’une pièce à l’autre leurs personnages, les transportent cette fois loin des villes, dans ces champs qu’aime le musicien, parce qu’ils lui permettent à la fois des envolées aussi pastorales que lyriques et l’insertion de vigoureux et irrésistibles rythmes paysans. C’est ainsi que l’on retrouve ici la vicomtesse de la Farandole, alias Blanche Taupier, citée au cours du dialogue entre Bobinet et Gardefeu après la trahison de la cocotte Métella, ainsi que Toto, sans doute un parent de la comtesse Diane de La Roche-Trompette, chez qui Bobinet se précipite lorsqu’il déclare vouloir « repeupler les salons du faubourg Saint-Germain ».
Il semble bien que l’ouvrage n’a jamais été repris à Paris depuis sa création (source « Le Bruyas »).
Signalons toutefois que la compagnie « Le Studio » a monté avec succès Le Château à Toto à Asnières près de Paris au cours de la saison 2000/ 2001 et a prouvé qu’il ne méritait pas le purgatoire auquel il avait été condamné. En 2008 il est à l’affiche du festival des Châteaux de Bruniquel.
— L’argument
Acte I
En Normandie, les familles de Crécy-Crécy et de la Roche-Trompette s’entretuent depuis des siècles. Hector de la Roche-Trompette, dit Toto, dernier du nom, a dilapidé toute sa fortune à Paris, avec son ami Raoul de la Pépinière et la cocotte Blanche dite vicomtesse de la Farandole, deux faux nobles. Il revient donc au pays pour la vente aux enchères de son château, accompagné de ses deux « pique-assiette »
Crécy-Crécy veut l’acheter pour en faire une écurie et un chenil !
Catherine, la fermière de la propriété, est fascinée par Raoul et, en conséquence, rudoie encore plus qu’à l’accoutumée son amoureux Pitou. C’est d’ailleurs dans sa ferme que les « parisiens » s’installent.
l reste deux autres personnages importants à citer : Jeanne, la fille de Crécy-Crécy, qui est depuis toujours amoureuse de Toto et le notaire Massepain, chargé de la vente.
Acte II
La vente a lieu. Trois candidats se déclarent : Crécy-Crécy, bien sûr, La cocotte Blanche de la Farandole qui fut jadis paysanne dans le pays et le vieux général Bourgachard, qui n’est autre que Pitou déguisé à qui Jeanne a confié l’argent de sa dot.
Les enchères montent, montent… et au final c’est Pitou qui ramasse la donne. Malheureusement le maladroit perd son déguisement et la supercherie est découverte. Il s’enfuit, et se cache dans une meule de foin pour fuir le garde-champêtre… qui n’est autre que Me Massepain lequel s’est à son tour travesti pour se rapprocher de Blanche dont il est amoureux.
Acte III
Nous ne sommes plus à un déguisement près et c’est au tour du baron de Crécy-Crécy de se transformer en facteur rural pour lui aussi approcher la vicomtesse, dont il aimerait bien faire sa maîtresse.
Catherine se rend compte que Raoul n’est qu’un vulgaire roturier. Elle se détache de lui et se rapproche de Pitou qui, pour lui plaire, s’est transformé en gandin outrageusement parfumé.
Reconnu, Crécy-Crécy est forcé d’accorder la main de Jeanne à Toto qui peut ainsi garder son château. D’ailleurs ce dernier, devenu sincèrement amoureux de la belle, promet de tirer un trait sur son passé parisien et de goûter désormais aux joies de la campagne.
Dans le « duel » Crécy-Crécy – Massepain avec pour enjeu les faveurs de la vicomtesse, c’est bien entendu le noble baron que l’ex-demi-mondaine choisira et épousera.
— La partition
Acte I :
Ouverture – « Ah papa, cher petit papa » (Jeanne et Crécy-Crécy) – « Qu’il est crispant, qu’elle est aimable » (Catherine et Pitou) – Chœurs et le notaire « Ah, quelle tête il faut avoir » – Chœurs et Toto « C’est le superbe Château à Toto » – « Rondelineau, Rondelinette » (Pitou, Catherine, chœurs) – « Mes aïeux, c’était bien la peine » (Toto) – « O ma fille, O mon père », « Si j’avais encore mon Château », « Le roi des bobichonneurs » (Crécy-Crécy, Jeanne, Toto) et final I.
Acte II :
« Vas-t-en la Falotte » (la vicomtesse et Massepain) – Duo du paysan et du notaire (Massepain, Pitou) – « J’suis ainsi, v’la mon caractère » (Catherine) – « Je me suis hâté » (Pitou) – Ensemble, Toto « Buvons, buvons, mes chers amis » et final II « Allons danser la bourrée ».
Acte III :
« C’est un tricorne » (Pitou et Catherine) – « Si mes amis savaient cela » (Toto) – « Je suis Pépin, il est Pépin » (Raoul, Toto, Catherine) – « Ah, quel jour de fête » (Toto et Jeanne) – « Quand nous étions enfants tous les deux » (Toto, Jeanne) – « Je suis le facteur rural » (Crécy-Crécy) – « Ah qu’il sent bon » (Pitou) – Final III.
— Fiche technique
Le Château à Toto
Opéra bouffe en 3 actes de Ludovic Halévy et Henri Meilhac. Musique de Jacques Offenbach. Création à Paris, théâtre du Palais Royal, le 6 mai 1868. Avec :
Mlles Zulma Bouffar (Toto, rôle travesti), Alphonsine (Catherine), Worms (Jeanne), Paurelle (vicomtesse de la Farandole), Gil Pérès (Crécy-Crécy), Pitou (Brasseur), Hyacinthe (Me Massepain), Lassouche (Raoul de la Pépinière).
— Discographie
L’ORTF a enregistré et diffusé au moins deux versions du Château à Toto
1) Robert Andreozzi (Pitou), Christiane Harbell (Toto), Monique Stiot (Catherine), Aimé Doniat (Crécy-Crécy), Jacques Tharande (Massepain), Lina Dachary (Jeanne), Philippe Gaudin (Raoul), René Lenoty (le vieux serviteur), Linda Felder (la vicomtesse), Janie Delaune (Niquette). Texte de présentation de Denyse Vautrin. Orchestre et choeurs, direction Marcel Cariven. Chef des choeurs, Jean-Paul Kréder.
2) Monique Stiot, Lina Dachary, Raymond Amade, Dominique Tirmont. Orch. Marcel Couraud EJS 494 (1 V) (1 face 1/2) ; complément : L’Ile de Tulipatan
Laetitia Iturbide, Jean Pierre Gesbert, Joséphine Varret, Jean Marc Coudert, Stéphanie Leprince, Olivier Montmory. Orch. Alfred Herzog 1CD Editions musicales Ariane Segal EMASL/01
DVD
Aude Sardier, Isabelle Fleur, Maryline Fallot, Jeanne-Marie Lévy, Anaïs Constans, Frédéric Mazzotta, Jean-Louis Meunier, Till Fechner, Philippe Ermelier, Frank T’Hézan. Orch. Jean-Christophe Keck
Mise en scène : Frank T’Hézan. Festival de Châteaux de Bruniquel 2008 (2 DVD)
— Références
Vous retrouverez Le Château à Toto dans « Opérette » n° 120 & 149. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification: 27/02/2024