Franz Lehár (1870-1948)
En octobre 1861, le théâtre du Vaudeville (place de la Bourse à Paris) affiche L’Attaché d’Ambassade d’Henri Meilhac. L’ouvrage ne devait pas tenir plus de 15 représentations…. Vers 1903, deux auteurs viennois, Leo Stein et Victor Léon font de ce vieux vaudeville un livret d’opérette. Avec l’accord de Wilhelm Karczag, le directeur du théâtre An der Wien, ils demandent à Richard Heuberger d’en composer la musique. Richard Heuberger était célèbre à Vienne. Professeur au Conservatoire, critique musical, musicologue, il avait connu le succès au 1898 avec son opérette Der Opernball, dont le livret était dû à Victor Léon et Hugo von Waldberg. Heuberger se met au travail. Il faut se rendre à l’évidence : sa partition manque d’inspiration. Steininger, secrétaire de direction au théâtre An der Wien, propose alors son ami Franz Lehár. Victor Léon, qui était en mauvais termes avec le compositeur, et Karczag qui trouvait son style trop « révolutionnaire » refusent tout d’abord. Enfin Lehár est accepté…
Persuadée d’aller vers un échec, la direction monte l’ouvrage à peu de frais et accorde un nombre restreint de répétitions. Lehár, qui travaille d’arrache-pied, orchestre les dernières pages la veille de la première représentation qui a lieu le 28 décembre 1905 avec Mizzi Günther et Louis Treumann en tête de la distribution.
Si l’on en croit Gaston Knosp, auteur d’un fascicule « Franz Lehár, une vie d’artiste » (1935), le succès fut immédiat et se prolongea 300 fois pour la première série. Pour d’autres, l’accueil fut mitigé ; heureusement un impresario berlinois qui se trouvait dans la salle comprit qu’il tenait là un chef d’œuvre : il décida de monter l’ouvrage à Berlin. La première (1° novembre 1906) fut triomphale et marque le point de départ du succès mondial du chef d’œuvre de Lehár.
La Veuve Joyeuse parut à Londres le 8 juin 1907, à New York le 20 octobre 1907. En 2 ans, nous dit-on, elle fut représentée dans 30 pays, totalisa plus de 18000 représentations.
La première parisienne a lieu le 28 avril 1909 au théâtre de l’Apollo. Le livret avait été « parisianisé » par Gaston Arman de Caillavet et Robert de Flers. C’est Jean Bastia (le père de Pascal), alors secrétaire de Caillavet qui, pour une somme forfaitaire de 500 F or, se chargea de la transcription de ce que nous appelons aujourd’hui les lyrics. Et son nom n’apparut pas sur l’affiche !
La Veuve Joyeuse fait courir tout Paris pendant les 200 représentations de la première série. Le rôle de Missia avait été confié à Miss Constance Drever qui avait joué l’ouvrage une centaine de fois à Londres. Elle remporta un triomphe et créa la tradition de chanter le rôle avec un accent britannique. À ses côtés, le jeune Henri Defreyn était un Danilo élégant, gai et bien chantant. Le charme de Soudreux (Camille), la distinction de Thérèse Cernay (Nadia), la drôlerie de Galipaux, (Popoff) et de Victor Henry (Figg) contribuèrent à la réussite du spectacle.
Rarement un ouvrage a été aussi parodié que La Veuve Joyeuse : La Veuve pas joyeuse, La Veuve Soyeuse, La Veuve tragique sont quelques titres que nous avons relevés.
L’opérette viennoise arrivait à son heure et envahit les scènes françaises. L’opérette française mettra longtemps à s’en relever. La Veuve Joyeuse se joua partout en province. Le 17 janvier 1914, le théâtre de l’Apollo fêtait la 1000° représentation en langue française. Avec la Première Guerre Mondiale l’ouvrage devint indésirable en France. Il ne réapparut à Paris qu’en 1925… En 1942, le théâtre Mogador s’en empara et en assura plusieurs reprises dans une mise en scène d’Henri Varna : en 1942 avec Jeanne Aubert et Jacques Jansen, en 1951 avec Marina Hotine et Marcel Merkès, en 1957 avec Jenny Marlaine et Jacques Jansen, en 1962 enfin avec Geori Boué et Jacques Luccioni. Vingt ans plus tard, elle est montée au Châtelet nouvelle formule.
— L’argument
Acte I
L’Ambassade de Marsovie à Paris
L’Ambassadeur Popoff offre une fête pour l’anniversaire de son souverain. Sa femme, la jolie Nadia, tente de résister à la cour pressante que lui fait Camille de Coutançon. Popoff a des soucis : l’essentiel de la fortune de la Marsovie appartient à une jolie veuve, Missia Palmieri, courtisée par d’innombrables prétendants. Pour que la fortune reste marsovienne, Missia devra épouser un Marsovien. Popoff songe au Prince Danilo Danilovitch, un séduisant diplomate qui s’intéresse plus aux danseuses de chez Maxim’s qu’aux affaires de son pays. Ce que Popoff ne sait pas encore, c’est que Danilo a été autrefois amoureux de Missia, qu’un malentendu les a séparés et qu’elle a fini par se marier avec le riche et vieux Palmieri qui a eu la bonne idée de quitter rapidement ce bas monde. Danilo refuse d’épouser Missia; mais accepte d’éloigner tous les soupirants qui pourraient se présenter. Danilo et Missia se retrouvent, se rendent compte qu’ils sont toujours épris l’un de l’autre, mais refusent de l’admettre.
Acte II
Le lendemain, réception chez Missia
Coutançon, réclamant un souvenir, Nadia lui offre son éventail, après y avoir écrit : « Je suis une honnête femme ». Ce qui ne l’empêche pas de suivre son soupirant dans un petit pavillon du jardin. L’indiscret Popoff regarde par le trou de la serrure et croit reconnaître sa femme et Camille. Pendant qu’on va lui chercher la clé, Missia se substitue à Nadia : c’est elle qui est découverte ; elle annonce aussitôt son mariage avec Camille. Danilo, désespéré, s’en va rejoindre les petites femmes de chez Maxim’s.
Acte III
Chez Maxim’s
Tout le monde se retrouve dans ce lieu de perdition. Missia raconte à Danilo la vérité sur l’affaire du pavillon. Lorsqu’elle lui avoue qu’elle perd sa fortune si elle se remarie, Danilo n’hésite plus : il la demande en mariage… pour aussitôt apprendre que la dite fortune revient alors au second mari ! Eh bien tant pis ! Ils seront riches et malgré tout heureux ! Popoff, de son côté, est rassuré par l’inscription que Nadia a porté sur l’éventail « Je suis une honnête femme ». Pour combien de temps ?
— La partition
Acte I : Introduction « Messieurs, puisque tout Paris danse » (ensemble et chœur) ; Duo « Nous sommes seuls » (Nadia et Camille) ; Musique de bal (en coulisse) ; Entrée de Missia et ensemble « De grâce, Messieurs » ; Entrée de Danilo « Pardonne-moi chère patrie » ; Mélodrame et musique de bal ; Duo « Rêvons, oui, rêvons d’un sentier » (Camille, Nadia) ; Finale I « Cotillon, c’est l’heure du cotillon »
Acte II : Introduction, Danse et chanson de Vilya « Mes chers amis nous voici réunis » et « Jadis habitait dans le grand bois frileux » (Missia) ; Duo du Cavalier « Hélas, ma belle regarde » (Missia, Danilo) ; Septuor-marche « Je proclame que les femmes » (Danilo, Popoff, Lérida, d’Estillac, Kromptsky, Bogdanowitch, Pristich) ; Duo « Viens dans ce joli pavillon » (Camille et Nadia) ; Finale II « Ah ! mon Dieu, qu’est-ce que l’on nous veut », « Hors de la tige un bourgeon » (Camille), ensemble, « La mode de Paris », « Jean-Pierre adorait Jeannette » (Danilo) et reprise (ensemble)
Acte III : Entracte ; Intermède (orchestre) ; Cake Walk ; Chanson « Nous sommes les p’tites femmes frivoles » (Manon et tous) ; Danse et chœur « Vieux papillon regarde moi » ; Duo « Heure exquise qui nous grise » (Missia-Danilo) ; Final III « Le jour qu’Êve écouta le malin… Oh! les femmes »
— Fiche technique
La Veuve Joyeuse (Die lustige Witwe)
Opérette en 3 actes, d’après Henri Meilhac, de Victor Léon et Leo Stein, musique de Franz Lehár.
Création mondiale à Vienne, théâtre An der Wien, le 30 décembre 1905.
Adaptation française de Robert de Flers et Gaston Arman de Caillavet créée à Paris, théâtre de l’Apollo le 28 avril 1909 avec :
Constance Drever (Missia), Thérèse Cernay (Nadia), Nell Breska (Manon), Henry Defreyn (Danilo), Félix Galipaux (Popoff), Soudieux (Camille), Victor Henry (Figg), Charles Casella (D’Estillac), Saidreau (Lérida). Direction musicale : L. V. Célansky
Editions Max Eschig
— Discographie
(versions françaises)
Intégrales
Teresa Stich-Randal, Christiane Jacquin, Monique Stiot, Germaine Duclos, Jean-Guy Henneveux, Henri Legay, Robert Destain. Dir. Adolphe Sibert
Coffret 2 CD Studio SM 12.2160
Micheline Dax, Suzanne Lafaye, Michel Dens, André Mallabrera, Michel Roux. Dir. Yvon Leenart
EMI C 161 12080 /1 (2 disques)
Denise Duval, Lina Dachary, Marcelle Sansonnetti, Willy Clément, Michel Hamel, Duvaleix, René Lenoty, Jacques Pruvost, Henri Lauriat, Henri Despuesch, Pierre Roi, Genio. Orch. Marcel Cariven
RTF 1956
Sélections
Colette Riedinger, Marthe Amour, Reda Caire, Bernard Alvi, Robert Destain. Dir. Richard Blareau
Universal Accord 4769992 (+ Le Comte de Luxembourg+Frasquita) (2CD) & Decca 163 823 (1 V)
Paulette Merval, Rolande Riffaud, Marcel Merkès, Jean Vilary. Dir. Serge Bessière
CBS 63 471
Denise Duval, Gise Mey, Jacques Jansen, Claude Devos. Dir. Jules Gressier
Pathé OPTG 3134
Janette Vivalda, Monique Linval, Michel Dens, Raymond Amade. Dir. Franck Pourcel
EMI C 057 10 849 (repris sur CD EPM 767872.2)
Renée Doria, Lucien Huberty, Andréa Guiot, François Gatto. Dir. Marcel Cariven
Philips 6747185 (repris sur CD Philips)
Geori Boué, Willy Clément, Lina Dachary, Michel Cadiou. Dir. Raymond Chevreux
Polydor 266.5328
Geori Boué, Agnès Noël, Jacques Luccioni, André Mallabrera. Dir. Jacques Pastory
Vega 30 LT 13007
Nicole Broissin, André Dassary, André Mallabrera, Gabrielle Delourlet. Dir. H. Killer
Vega 16158 A
Lina Dachary, Olga Miléa, Pierre Mollet, Aimé Doniat. Dir. B. Mersson
GID SMS 2346
Claudine Granger, Christian Lara, Michèle Comanester, Bernard Sinclair, Christian Asse. Dir. Jean Doussard
SPI Milan 160 065 – (repris sur CD Laserlight 14321)
Claudine Granger, Françoise Pétro, Micaël Piéri, Jacques Ducros. Dir. Jean Doussard
TLP 91007
Teresa Stich-Randal, Christiane Jacquin, Monique Stiot, Germaine Duclos, Jean-Guy Henneveux, Henri Legay, Robert Destain. Orch. Adolphe Sibert
Sélection du Reader’s Digest CD 3159.3 (3 CD) (+ Le Pays du Sourire + extraits divers ouvrages Lehár)
DVD
Dagmar Schellenberger, Rodney Gilfry, Ute Gfrerer, Piotr Beczala. Orch. Franz Welser-Möst (en allemand ; sous-titres français)
Opernhaus Zürich – Mise en scène : Helmut Lohner
Arthaus 100451 (1 DVD)
— Références
Vous retrouverez La Veuve Joyeuse dans « Opérette » n° 23, 45, 47, 91, 99, 103, 114, 118, 136, 137, 138, 164, 173, 176, 177, 180, 182, 183, 185, 189, 191, 192, 198, 201, 202, 204 & 210. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification: 12/03/2024