Comment faire rire, sourire, transporter le public par le texte, les danses, les chansons dans les univers de Feydeau, Labiche et Zola en même temps ?
L’argument : en 1902, une maison close dans une bourgade normande.
Philidor Fromentelle, fabricant de bougies à Elbeuf, possède aussi la maison de plaisirs « La Rose Éclose », en secret de sa pieuse femme. Notre homme d’affaires apprend la visite dans la région d’un richissime bienfaiteur qui consacre ses millions à la cause des orphelins. Caressant l’espoir de détourner les fonds, il s’empresse de faire passer le bouge pour un orphelinat. Lucienne Fromentelle, son épouse, apprend l’existence de cette institution et, soudain animée de pulsions caritatives, débarque à l’improviste à « La Rose Éclose » pour venir en aide aux pauvres petites déshéritées… tandis que les clients (dont un botaniste) continuent à défiler… Le vrai, le faux s’entremêlent et le spectateur est embarqué dans cette atmosphère exaltée.
Cette comédie, qui se déroule à la jonction des deux siècles, n’est pas sans rappeler aussi bien Maupassant que des situations à la Feydeau émaillées d’un regard attendri mais aussi social sur la condition de vie souvent terrible de ces femmes en marge de la société. Côté face : ambiance luxueuse, coupes de champagne dans le salon et les chambres des clients et, côté pile : le dortoir sous les toits, glacial ou étouffant dans lequel dorment les malheureuses travailleuses du sexe qui mènent une vie quasi carcérale à la limite de l’esclavage et sous un statut social proche du zéro.
Les auteurs parviennent magistralement à mêler ces deux univers.
Et puis… ! Le spectacle est musical ! Une trentaine de passages sont chantés comme on le ferait dans une comédie musicale. Tous les comédiens jouent, chantent et dansent avec ferveur, enthousiasme et maestria.
Et puis… ! La mise en scène enlevée, inventive, la chorégraphie ciselée, les textes parlés ou chantés tour à tour coquins, ironiques, sociaux, rêveurs… emportent le spectateur dans une kyrielle d’émotions sans oublier le final très inventif.
Et puis… ! Derrière un rideau « décor » deux musiciens en live donnent le rythme avec entrain.
Et puis… ! Les éclairages et les décors sont remarquables.
Et puis… ! La Crème de Normandie, la rose parfaite, est créée par le client botaniste et le beau jeune homme pourra l’offrir à sa belle…
Une soirée hors du temps et tellement divertissante.
Françoise Mésange
Jeudi 6 juin 2024
Fiche technique :
Comédie de Milena Marinelli et Hervé Devolder
Mise en scène : Hervé Devolder assisté de Jean-Baptiste Darosey
Chorégraphie : Cathy Arondel
Décors : Jean-Michel Adam
Musiciens : Patrick Villanueva, Benoît Denoyer
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz
Création lumières : Denis Koranski
Avec : Marie-Bénédicte Roy, Hervé Devolder, Raphaëlle Lemann, Milena Marinelli,. Jacques Verzier, Loïc Fleury, Marianne Devos, Clara Hesse, Sylvy Ferrus, Fabrice Fara, Patrick Chayrigues.