L’ Amour mouillé (Varney), Festival de la Follembûche
samedi 7 septembre 2024

L’ Amour mouillé (Varney), Festival de la Follembûche

Patrick Granger

Autre grand moment du Festival, L’Amour mouillé, opéra-comique en 3 actes de Louis Varney, livret de Jules Prével et Armand Liorat, donné en version de concert dans deux communes de la Haute-Vienne, Magnac-Bourg, dans le sud du département, et à Aixe-sur-Vienne, près de Limoges.

Affiche pour L Amour mouille2

Une paraphrase d’Anacréon et un hymne à l’Amour

L’Amour mouillé, créé en 1887 au théâtre des Nouveautés à Paris, entre dans la catégorie de l’opérette classique. La première décennie de la Troisième République (1870-1880) a jeté les bases de cette nouvelle forme d’opérette, en rupture avec l’Offenbachiade. De La Fille de Madame Angot (1872) à La Mascotte (1880) les règles semblent bien établies. Mais le genre va se diversifier, maintenant toujours l’équilibre et l’élégance d’ouvrages composés à la manière de l’ancien opéra-comique.L’Amour mouillé présente cette originalité de paraphraser un poème grec d’Anacréon (VIème siècle avant notre ère), le livret de l’opérette contrariant pourtant son message doux-amer, et d’exalter le sentiment amoureux, la statue de l’Amour et la flamme du désir étant les référents constants du poème comme du scénario de l’opéra-comique. (voir l’article dans notre présentation du Festival)

C’est en version concert qu’a été donné l’ouvrage de Varney qui ne pouvait mieux s’y prêter, le texte parlé n’étant pas très développé, la musique et le chant d’une grande richesse étant à même de capter toute l’attention de l’auditeur.

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Charlotte Bonnet ©Patrick Granger

Le concert

Lauretta est un emploi idéal pour Charlotte Bonnet. Le rôle déploie aussi bien des notes vocalisées que de belles phrases de déclamation. La voix agile, riche en harmoniques, excelle dans les premières comme le matériau charnu permet de donner toute leur tenue exemplaire aux secondes. Les nuances du rôle sont restituées dans le parlé comme dans le chant. La limpidité de la voix de Charlotte Bonnet dans les arias (la barcarolle « Quand le golfe se colore », l’air diaphane « Il pleuvait et le vent soufflait ») trouve les accents lyriques de l’opéra dans les grands duos chantés avec la puissance qu’indiscutablement ils appellent (« L’Amour c’est l’oraison », « L’Amour est le roi du monde »).

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Henri Pauliat et Charlotte Bonnet ©Patrick Granger

Henri Pauliat, dans Carlo, sait chanter avec souplesse et élégance ses couplets d’entrée (« En ce bas monde »), puis les parties plus romantiques, avec l’affect, l’émotion, mais aussi l’énergie qu’il faut. La voix puissamment timbrée, pourvue d’un intense legato et de belles couleurs érige Carlo en amoureux sincère et investi, aussi bien dans la sérénade « Prisonnier dans sa cage » ou le duo « Réchauffez-vous » que dans les deux grands duos plus opératiques cités plus haut partagés avec Charlotte Bonnet.

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Jeanne-Marie Lévy ©Patrick Granger

La diction, marque de fabrique de Jeanne-Marie Lévy, va de pair avec la ligne de chant ferme, ample et clairement projetée, Elle sait mettre en évidence le caractère décidé du personnage comme le double sens de son dernier air (« Voici la marchande d’oranges »), où la cantatrice est quasi-déchaînée.

Olivier Montmory est son parfait partenaire dans le rôle de Cascarino. La voix ductile, bien conduite, aux tours éloquents, donne à ses couplets cascadants un impact remarqué ; le comédien même en version concert n’est pas moins à l’aise.

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Armand Degher et Dominique Desmons ©Patrick Granger

Dominique Desmons prend en charge, bien que virtuose chanteur, le rôle bouffe de Pampinelli. Mais que ne sait pas faire Dominique Desmons chez qui prime une élocution de rêve ?

Dans Fritella, Marine Boustie est brillante chanteuse et excellente comédienne, notamment dans l’air (« L’amour, l’amour, quel mot étrange »). Élisabeth Jean incarne une efficace Supérieure.

Le chœur auquel se joignent les interprètes est un autre atout du spectacle. Il est vif, à bouche fermée, étonnamment présent au final de l’acte II (« Un plongeon, un petit plongeon dans la Méditerranée ») et dans la Tarentelle, sonore et modulante. Ce n’est pas un hasard si les deux ensembles sont repris en bis.

Le succès remporté par Armand Degher s’explique : il est aussi drôle dans Ascanio qu’affecté d’un mimétisme digne des meilleurs imitateurs d’aujourd’hui quand il fait revivre les mythiques speakers de la Radio (de 1940 à 1975) présentant autrefois sur les ondes les opérettes.

Lola Giry, au piano, lie l’ensemble dans une lecture très ajustée au raffinement musical que requiert l’exécution de l’opérette classique. Elle a été pleinement associée à la réussite du spectacle.

Didier Roumilhac
7, 8 septembre 2024

Lauretta : Charlotte Bonnet – Catarina : Jeanne-Marie Lévy – Fritelle : Marine Boustie – La Supérieure : Elisabeth Jean – Carlo : Henri Pauliat – Cascarino : Olivier Montmory – Pampinelli : Dominique Desmons – Ascanio, le récitant : Armand Degher. Piano : Lola Giry – Ensemble Madrigal : direction Jean-Christophe Gauthier  – études musicales : Dominique Desmons.

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