Hommage à Jodie Devos
dimanche 16 juin 2024

Hommage à Jodie Devos

Jodie Devos (photo Marco Borggreve)

En hommage à Jodie Devos, disparue dimanche 16 juin à l’âge de 35 ans, nous re-publions cette très jolie interview accordée à Didier Roumilhac.

 

À propos de « LA VIE PARISIENNE » rencontre avec Jodie Devos

La soprano belge Jodie Devos, à la voix lumineuse et aux aigus sidérants, se produit sur les scènes lyriques internationales. Elle y interprète les grands rôles de colorature dans Les Contes d’Hoffmann, Lakmé, Hamlet, L’Enlèvement au sérail, La Flûte Enchantée, Le Comte Ory… et sera bientôt Adina, Philine et Gilda. Elle a également enregistré en 2019 un disque consacré à Offenbach – Offenbach Colorature. Nous l’avons rencontrée suite à son interprétation de La Vie parisienne dans la nouvelle production du Palazzetto Bru Zane.

. Comment voyez-vous ce rôle de la gantière Gabrielle  ?

Pour moi, Gabrielle est une meneuse de revue. Elle connaît tout le monde mais ne fait pas partie de l’intrigue à proprement parler. C’est la personne que l’on invite car on sait qu’elle va divertir le reste des convives.

. Sans doute ne peut-on être que portée par la mise en scène et les costumes de la production ?

Les costumes de Christian Lacroix aident bien évidemment à construire une personnalité à ce personnage. La mise en scène a pris le parti de faire chanter tous les airs de Gabrielle sur une estrade pour mettre en avant le caractère de chant de Café-Concert ou de cabaret. Je ne chante jamais vraiment d’airs qui font avancer l’intrigue ; ce sont des numéros de cabaret. Il faut donc les interpréter de la sorte en essayant de trouver la farce ou le petit quelque chose qui rendra l’air intéressant. Pour moi, c’est surtout faire partie d’une grande fête.

. Ne vous rattrapez-vous pas vocalement quand on sait que Gabrielle est le seul rôle écrit par Offenbach pour une chanteuse dans La Vie parisienne, surtout dans le duo de la gantière et du bottier, plus vocal que ce qu’on entend dans le reste de l’ouvrage?

La gantière Gabrielle a en effet été écrit pour Zulma Bouffar, une des muses d’Offenbach. Sur le papier la partition est beaucoup moins fournie que ce que vous avez pu entendre. J’ai pris beaucoup de plaisir à ajouter des ornements et des cadences pour que ce rôle se rapproche le plus de ma tessiture de colorature. Il n’y a presque pas de texte parlé pour Gabrielle mais les airs qu’elle doit chanter sont presque tous sur le ton parlé, donc le théâtre y a une grande importance également.

. Offenbach n’est pas pour vous un inconnu puisque vous lui avez consacré un disque « Offenbach colorature » avec des numéros rares.

Je commence à être assez familière de ce compositeur puisque j’ai déjà joué dans Les Contes d’Hoffmann à l’Opéra de Paris mais aussi dans Orphée aux Enfers à l’Opéra Royal de Wallonie ; Fantasio fera bientôt partie de cette liste. C’est un compositeur pour qui je n’avais pas vraiment d’intérêt ni d’attirance particulière avant de le chanter. J’y ai découvert un monde fantastique, riche, drôle et tendre qui m’apporte beaucoup de joie. Faire découvrir les raretés de ce compositeur de génie est un honneur pour un artiste.

. Quels airs de ce CD avez-vous bien aimés et certains d entre eux vous ont-ils donné l’idée de reprendre des œuvres intégrales ?

J’ai particulièrement aimé les airs d’Elsbeth dans Fantasio. Je serai donc très heureuse de voir ce rôle s’ajouter à mon répertoire. Je suis d’ailleurs ravie de constater que ces opéras et opérettes délaissés pendant de longues décennies voient le jour un peu partout en France, comme Le Voyage dans la Lune ou Le Roi Carotte par exemple. Une belle version de Robinson Crusoé me ferait plaisir je pense !

. Séparez-vous ce que vous faites en opérette du répertoire opératique où on vous voit le plus souvent ?

Je ne chante pas ces deux répertoires de la même façon, mais je les aborde avec le même esprit. Une attention au texte, au caractère, mais je m’efforce aussi de faire du beau chant dans l’opérette comme on le fait naturellement dans l’opéra. L’opérette mérite de retrouver ses lettres de noblesse avec des chanteurs de haut niveau qui aiment autant jouer que chanter.

. Quelle est votre actualité ?

Je serai au Théâtre des Champs-Elysées pour L’Elisir d’amore aux côtés de Cyrille Dubois et Philippe-Nicolas Martin, mais aussi pour un Stabat Mater de Pergolesi inédit avec Adèle Charvet, Julien Chauvin et le Concert de la Loge. Je chanterai ensuite à l’Opéra Royal de Wallonie pour mes prises de rôles avec Gilda dans Rigoletto de Verdi et Philine dans Mignon d’Ambroise Thomas. Je participerai également à une tournée avec les Ambassadeurs et Alexis Kossenko dans une version concert de Zoroastre de Rameau.

Propos recueillis par Didier Roumilhac
Décembre 2021

Jodie Devos est née le 10 octobre 1988 à Libramont (Belgique) et décédée le 16 juin 2024 à Paris.

Après avoir étudié à l’Institut de Musique et de Pédagogie de Namur auprès de Benoît Giaux et d’Élise Gäbele, Jodie Devos obtient en 2013 un Master of Art à la Royal Academy of Music de Londres, dans la classe de Lillian Watson.

En 2014, elle remporte le Deuxième Prix et le Prix du public du prestigieux Concours Reine Elisabeth de Belgique. Elle est également lauréate de plusieurs concours nationaux, comme le Concours Bell’Arte, le Fonds Thirionet, Les Nouveaux Talents de l’Art lyrique et le Prix Jacques Dôme. Elle est nommée Artiste Jeune Talent de l’année 2015 par les International Classical Music Award (ICMA).

En 2014, elle intègre l’académie de l’Opéra-Comique à Paris où elle apparaît dans plusieurs productions comme La Chauve-souris de Johann Strauss II et Les Mousquetaires au couvent de Louis Varney.

Puis on la retrouve sur les plus grandes scènes européennes (Opéra de Paris, Opéra-Comique, La Monnaie, Opéra royal de Wallonie, Grand théâtre du Liceu, Chorégies d’Orange).
Elle a enregistré plusieurs récitals discographiques multi-récompensés :
– Il était une fois, avec Caroline Meng (chant), le Quatuor Giardini – Alpha Classics, 2016
– Offenbach Colorature, avec l’Orchestre de la radio de Munich, Laurent Campellone – Alpha Classics, 2018
– Bijoux perdus, avec Brussels Philharmonic, Pierre Bleuse (dir.) – Alpha Classics, 2022
– And Love Said…, avec Nicolas Krüger (piano) – Fuga Libera, 2023

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