Parution aux Editions Delatour du livre de Dominique Ghesquière consacré à la carrière anglaise d’Hervé
4ème de couverture :
Hervé, ténor et compositeur, créateur de l’opéra bouffe français et devancier de Jacques Offenbach dans ce genre musical si goûté sous le Second Empire, obtient un tel triomphe à Paris avec son Chilpéric, qu’il est sollicité pour le produire à Londres, en 1870. Sa partition, son texte, et son anglais appris spécialement pour chanter le rôle-titre, lui valent un accueil exceptionnel. Celui-ci le touche tant, qu’il va peu à peu céder aux charmes de cette ville au point d’en faire sa seconde capitale. Il s’y installe, y obtient la double nationalité, y écoule une production musicale riche et intense, y trouve une considération qu’il n’a jamais rencontrée jusqu’alors, y organise sa vie privée, tout en continuant d’alimenter, non sans succès, les théâtres parisiens, parfois au coude-à-coude avec Offenbach. C’est dire la créativité d’Hervé, ce musicien hors du commun que les déplacements incessants entre les deux capitales, la direction d’orchestre et la composition sans trêve, vont affaiblir et inciter à un retour à Paris, après une vingtaine d’années passées Outre-Manche. Usé par une vie artistique complexe, attaché à une vie personnelle singulière, aigri par les critiques, dépressif, Florimond Ronger – tel est son vrai nom – meurt, à soixante-sept ans, en 1892. Il laisse un impressionnant catalogue franco-britannique constitué d’œuvres lyriques, chorégraphiques et religieuses que sa descendance léguera à la Bibliothèque de l’Opéra, constituant ainsi l’essentiel du richissime Fonds Hervé.
Hervé, Entre France et Angleterre, le rival oublié d’Offenbach
Editions Delatour- 33 €
Spécialiste de l’opéra-comique et de l’opéra bouffe du XIXème siècle, déjà auteur d’Hervé, un musicien paradoxal 1, Dominique Ghesquière revient vers celui-ci, avec un nouvel ouvrage soigneusement édité, finement illustré, très documenté et captivant, révélant au fil de ses trois-cents pages, tout le versant « british » inédit et insoupçonné de la vie du musicien.
Florimond Ronger naît à Houdain, dans le Pas-de-Calais, en 1825, et sous le pseudonyme d’Hervé, apparaît pour la première fois à l’affiche en 1847, avec Don Quichotte et Sancho Pança. Si M. Ronger délaisse bien vite son métier initial d’organiste, Hervé, lui, ne quittera jamais le théâtre et Bacchanale, sa dernière œuvre, sera créée à Paris, quelques jours avant sa mort en 1892. Dans son catalogue aussi généreux que varié, contrastent refrains débridés et pages délicates : les deux, toujours admirablement écrits.
Après une première partie rappelant brièvement les grandes étapes à l’origine de la renommée parisienne d’Hervé (simultanément compositeur, librettiste et ténor), l’auteur de ce livre lève le voile sur le vaste et étonnant parcours britannique du musicien.
En 1870, le succès parisien de Chilpéric fait arriver Hervé à Londres, où la popularité immédiate de cette œuvre le fait adopter du public. Il s’y installe et démarre une nouvelle existence : double vie, tant personnelle que musicale ! Hervé, séparé en France de son épouse légitime depuis des années, se remarie en Angleterre. Naturalisé citoyen britannique et père de famille, il aura ainsi fait souche des deux côtés de la Manche. Ce parcours familial complexe, magistralement retracé, n’omet aucun des descendants… ni aucune anecdote.
Quant à sa double vie artistique, Hervé la rythme aux cadences des steamers transmanche… puisqu’il compose et crée toujours pour Paris, tout en faisant bien sûr de même pour Londres, où il vit, s’y sentant mieux considéré. Adaptant plusieurs de ses œuvres françaises, il signe des productions importantes comme son opéra bouffe féerie Aladdin the Second, son opéra-comique Frivoli, ou encore plusieurs ballets classiques, particulièrement applaudis. Il acceptera la baguette des fameux Concerts promenade de Covent Garden où il dirigera, durant un an, des pages du grand répertoire classique et lyrique et créera sa Symphonie dramatique avec chœurs.
Dominique Ghesquière, à grand renfort d’éléments inédits, nous plonge dans la vie théâtrale londonienne du moment et dans la presse, sévère ou dithyrambique, et révèle les témoignages bien vivants livrés par les artistes lyriques côtoyant le maestro au quotidien. Plus acerbes, qu’à Londres, les critiques de Paris, qu’il décidera de rejoindre définitivement, éreinteront Hervé, tant dans sa vie privée que dans sa vie artistique, jusqu’à ses derniers moments.
Pour faire sourire ce XXIème siècle maussade avec un grain de folie, on redécouvre sur nos scène sa musique, au burlesque parfois étrange, ravivant ainsi L’Alchimiste, Le Joueur de flûte, Le Retour d’Ulysse, Les Chevaliers de la Table Ronde, Chilpéric, Mam’zelle Nitouche, L’Œil crevé, Le Petit Faust…
À quelques mois du bicentenaire d’Hervé, on ne pouvait choisir moment plus opportun pour publier ce bel ouvrage, aussi documenté que passionnant.
Bernard Crétel
1) Hervé, un musicien paradoxal, aux Éditions Cendres, 1992, livre co-signé avec Mme Renée Cariven-Galharret.
2) Dominique Ghesquière est aussi l’auteur de La Troupe d’Offenbach, aux Éditions Symétrie en 2018 (voir Opérette 189, p.18).
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