Géori Boué (1918-2017)

Géori Boué (1918-2017)

C’est à Toulouse que naît, le 16 octobre 1918, Georgette Boué, au sein d’une famille modeste amoureuse de musique. Dès l’âge de sept ans, la fillette entre au Conservatoire de sa ville natale pour travailler le solfège et prendre des cours de piano, de harpe et d’harmonie. Élève très douée, elle devient accompagnatrice des classes d’études vocales.
A quinze ans, sur le conseil de son professeur, qui a décelé une voix exceptionnelle, elle se présente au concours de chant où, après avoir décroché un premier accessit, elle enlève à force de travail deux premiers prix.
Engagée au Capitole de Toulouse à dix-sept ans, la jeune fille fait sa première apparition sur scène dans le rôle du page des Huguenots (Meyerbeer) ; l’activité motivante, au sein d’une brillante troupe sédentaire, alliée à la vigilance de son maître, excellent pédagogue, seront sans doute ses meilleurs atouts pour aborder une solide carrière.

Jusqu’en 1939, elle évolue dans un large répertoire, tant dans le domaine de l’opéra que dans celui de l’opérette, s’imposant un sérieux travail de diction, comédie et danse. Ses qualités sont vite remarquées. Jacques Rouché l’invite à l’Opéra-Comique où elle paraît dans La Bohème (rôle de Mimi) : le succès est immédiat, mais hélas la guerre interrompt aussitôt cet envol prometteur.

Repliée dans le Midi, la jeune soprano fait la connaissance de Reynaldo Hahn, spectateur d’un soir à l’Opéra de Toulon, où elle chante La Traviata aux côtés de Miguel Villabella. Le compositeur de Ciboulette vient de reconstituer la version originale de Mireille en compagnie d’Henri Büsser. Séduit par le talent de celle qu’il découvre, il lui propose d’être son interprète : en 1941, la réussite est consacrée par le public du Théâtre Antique d’Arles. Quelques jours plus tard, Reynaldo Hahn, enthousiasmé, écrit à son ami Louis Beydts, demeuré en zone occupée : Mireille, avec Geori Boué, a été un triomphe fulgurant ! Je crois cette dernière appelée à faire une grande carrière !”

De retour à Paris en 1942, elle va se produire sur les deux scènes de l’Opéra ; salle Favart, elle reprend le rôle de Mireille, tandis qu’elle paraît dans Thaïs, salle Garnier, pour le centenaire de la naissance de Massenet.
Un soir, on lui signale la présence de Sacha Guitry parmi les spectateurs : dès que le rideau est tombé, le Maître vient lui offrir d’être la vedette de son prochain film, La Malibran, évocation de la vie de la célèbre diva. Ce tournage est l’occasion d’une nouvelle expérience qui demande à la jeune femme une parfaite maîtrise de soi : elle doit évidemment chanter “en direct” – Guitry n’acceptant aucun artifice -, en jouant de la harpe, accompagnée par un quatuor; les plans devront souligner l’effort, le spectateur privilégié pourra ainsi voir se gonfler les veines du cou…

Il nous faut maintenant énumérer quelques-uns des rôles tenus dès lors par Geori Boué. À l’Opéra-Comique, outre Mireille, qu’elle marquera admirablement par la richesse de son timbre et sa chaleureuse présence, elle chanta entre autres Manon, Louise, Carmen (rôle de Micaela), Pelléas et Mélisande (Mélisande), Madame Butterfly, Les Noces de Figaro (Suzanne), La Traviata (Violetta)… Engagée pour six représentations lors de la création de Ciboulette à la salle Favart (1953), elle restera à l’affiche trente-six fois, afin de satisfaire à la demande du public. Pour la circonstance, elle paraît aux côtés du célèbre baryton Roger Bourdin (Duparquet), qu’elle avait épousé en 1944.

À la même époque, elle chante L’Aiglon au Palais Garnier après avoir abordé Faust (Marguerite), Le Roi d’Ys (Rozenn), Othello (Desdémone)… Jusqu’en 1957, elle paraîtra encore à l’Opéra dans Les Maîtres Chanteurs, Mârouf ou Les Indes Galantes, aux côté de partenaires prestigieux (Tito Schipa, Mario del Monaco, José Luccioni, Raoul Jobin, Georges Noré, Libero de Luca, etc…).

Ses succès sont considérables : elle est appelée à Mexico, Londres, Chicago, Rio de Janeiro, à la Scala de Milan et au Liceo de Barcelone, déployant ses talents sous la direction des plus grands chefs. Sollicitée par l’Ambassadeur d’URSS à Paris, elle se produit plusieurs semaines au Bolchoï de Moscou (1957) dans Eugène Onéguine de Tchaïkovski – dans une mise en scène grandiose, comptant une centaine de choristes – et aussi dans Madame Butterfly.

De retour en France, elle participe activement aux émissions musicales de la RTF : concerts radiophoniques et grands rôles dans les productions télévisées d’Henri Spade (reprise de Mireille et de Ciboulette notamment).

Au cours de l’année 1959, elle entreprend une tournée triomphale en compagnie du comédien Maurice Escande, pour présenter Mozart de Reynaldo Hahn sur un texte de Sacha Guitry : fidélité aux deux grands maîtres qui ont incontestablement influencé sa prodigieuse carrière.

En 1960, Henri Varna, directeur de Mogador, qui projette de monter La Belle Hélène, souhaite engager une figure de proue de l’Opéra : c’est donc tout naturellement qu’il fait appel à Geori Boué, artiste connue et appréciée du grand public. Pour cette série, donnée à partir du 25 février 1960, la distribution comprenait outre Geori Boué, le ténor Bernard Plantey (Pâris), l’imitateur et humoriste Jean Raymond (Calchas), le baryton Dominique Tirmont (Agamemnon) et le comique-maison Perchik (Ménélas), la troupe évoluant sous la baguette de Marcel Cariven ou Jacques Pastory.

Le succès de cette production encourage le directeur de Mogador à solliciter Geori Boué une nouvelle fois pour une reprise de La Veuve Joyeuse (1er >décembre 1962). À ses côtés, Jacqueline Valois (Nadia), Jacques Luccioni (Danilo), Jean-Marie Proslier (Popoff). La célèbre opérette viennoise se joue près d’un an.

À partir de 1966, la diva anime le Centre Lyrique Populaire de France, installé au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis. Cette expérience originale, entreprise avec le soutien du Ministre de la Culture, André Malraux, permettra à de jeunes talents prometteurs de travailler en compagnie d’artistes confirmés les opéras classiques (Werther, Tosca, Carmen), mais aussi d’aborder le répertoire contemporain (L’Heure Espagnole de Ravel, Colombe de Jean-Michel Damase, Le Fou de Landowski, ainsi qu’une pièce musicale inspirée d’une tragédie antique, Les Troyennes).

La carrière exceptionnelle de Geori Boué se poursuivra jusqu’au milieu des années soixante-dix : nombreux concerts et reprises des grands rôles en même temps qu’enregistrements discographiques, pour le grand bonheur d’un public fidèle…

D’après Jean-Paul Bonami

Références

Vous retrouverez Geori Boué dans “Opérette” n° 99. Si cet article vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page “Anciens numéros”

Dernière modification : 25/02/2024

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