Franz Lehár (1870-1948)
Frasquita est une œuvre charnière dans la biographie du compositeur de La Veuve Joyeuse, puisque c’est avec elle qu’a débuté la si féconde collaboration entre le musicien et son chanteur favori, son chanteur fétiche : Richard Tauber.
Commençons par situer ce titre dans l’ensemble de la production de Lehár. Il appartient à la période du milieu, entre celle d’avant la Guerre de 14-18 (dont La Veuve Joyeuse et Le Comte de Luxembourg) et celle des opérettes pour Tauber (dont Paganini et Le Pays du Sourire notamment). Nous sommes en 1922, c’est-à-dire, pour le compositeur, l’année de Frühling (Le Printemps), de La Danza delle Libellule (La Danse des Libellules), traduite ultérieurement en allemand)… et de Frasquita.
Lehár qui a écrit dix-sept ans auparavant l’opérette la plus jouée au monde (La Veuve Joyeuse) continue à connaître de très honorables succès ; la critique reste très positive devant l’habileté technique et l’inépuisable richesse mélodique de la musique, mais on estime souvent que le livret tombe dans une sentimentalité mélancolique et larmoyante. Lehár n’en a cure : tant que ses livrets auront du succès auprès du grand public, il persistera avec ce type de livret : essayer de cerner au plus près la vie telle qu’elle est, mais la voir quand même à travers les lunettes roses du sentimentalisme qui caractérise l’opérette de rêve viennoise. Déjà avec Wo die Lerche singt (1918) il a utilisé pour la première fois un livret où les choses « finissent mal », à partir de Paganini (1925), ce sera systématique.
Lehár n’a jamais cessé d’adapter sa musique aux changements dans les goûts du public (même si on reconnaît tout de suite « du Lehár » ; il y a un monde entre La Veuve Joyeuse et Le Pays du Sourire) ; et ce public en redemande, de cette musique que certains se mettent à trouver tantôt trop langoureuse, tantôt trop artificielle, mais que Puccini admire. Les livrets par contre continuent à faire dans « la sentimentalité romantique et sensuelle ». Lehár le dit d’ailleurs lui-même : pourquoi changer, alors que le public continue d’affluer ?
La création française de Frasquita eut lieu au Havre, en octobre 1931, avec la jeune Fanély Revoil (25 ans) dans le rôle-titre.
Est-ce pour une question de recettes assurées, comme le dit Bruyas, que le directeur Gheusi de l’Opéra-Comique de Paris décide de monter cette opérette de Lehár, après une bonne reprise des Brigands en 1931 (œuvre qui y est quand même infiniment plus à sa place que Frasquita) ? Quoi qu’il en soit, montée le 3 (ou le 5) mai 1933, la pièce a été quand même un peu « revue » tant au point de vue du livret que de la musique. Pour mieux l’adapter au théâtre de l’Opéra-Comique ?. La distribution est excellente : Conchita Supervia, l’étonnante cantatrice d’opéra et d’opérette, aux dons vocaux exceptionnels, joue Frasquita et en fait une création inoubliable, tant par son jeu que sa voix et son tempérament. Le ténor Louis Arnoult chante un Armand qui est très fêté. Il y a encore Annie Gueldy dans le rôle de Dolly, Hérent (Hippolyte), Balbon (Aristide Girot) et Vieuille (Sebastiano).
Texte inspiré d’un article de Robert Pourvoyeur
—L’argument
Acte I : Une place publique espagnole.
Accompagné de son ami Hippolyte Galipot, Armand Gallois, jeune et riche Français, arrive dans le petit port du sud-est espagnol où débute cette histoire. Armand vient chez son oncle Aristide Girod qu’il n’a pas revu depuis sa prime jeunesse. Il doit faire la connaissance et épouser Aimée, la fille d’Aristide. Armand trouve sa cousine adorable et il l’épouserait sans doute si Frasquita n’apparaissait pas dans sa vie à cet instant précis.
Frasquita, c’est la plus jolie, la plus fière, la plus distante, la plus provocante, la plus moqueuse et la plus énigmatique tzigane d’une troupe de bohémiens qui arrive dans le village le même jour qu’Armand.
Devant la posada, Frasquita chante. Elle ne tarde pas à se disputer avec une danseuse de l’établissement. Armand s’interpose et se moque de la tzigane. Peu après, il constate la disparition de son porte-cigarette. Il accuse immédiatement la tzigane… à tort, car il retrouve son bien quelques instants plus tard. Frasquita jure de se venger de l’affront.
Lorsque Armand vient s’excuser et surtout revoir Frasquita, celle-ci le prend d’abord de haut. Puis, provocante, elle jette une rose à ses pieds. Grisé, le jeune homme veut la prendre dans ses bras ; elle le repousse, puis vient l’embrasser, pour s’enfuir aussitôt.
Acte II : Le cabaret de l’Alhambra.
Armand ne peut oublier la petite bohémienne. Il la recherche partout et finit par la retrouver dans un cabaret, où elle chante et danse, sous les acclamations d’une foule d’admirateurs.
Déjà éperdument amoureux, le jeune homme tente de se persuader que Frasquita n’est pour lui qu’un caprice :« Ne t’aurais-je qu’une fois », espère-t-il.
La jeune tzigane est également amoureuse d’Armand. Mais, elle ne veut pas être la femme d’un soir. Elle joue donc au chat et à la souris avec le jeune homme. Complètement grisé, Armand va jusqu’à rompre avec Aimée, pour que la jeune bohémienne lui tombe dans les bras. Au moment où il croyait arriver à ses fins, Frasquita le repousse en lui criant qu’elle le hait. Armand s’enfuit. Frasquita s’effondre en pleurant.
Acte III : Chez Armand Gallois, à Nice.
Mais tout s’arrangera pour nos héros. D’abord pour Aimée qui a compris que son vrai bonheur était auprès d’Hippolyte. Lorsque le rideau se lève, nous apprenons qu’elle vient de se marier avec ce dernier. Enfin pour Frasquita et Armand. La petite bohémienne n’a pas pu résister à la séparation. Elle est venue rejoindre son amoureux. Après une dernière dispute, ils se réconcilient à jamais.
— La partition
Acte I : Chœur « Neuf et toi huit » – Chant tzigane et entrée de Frasquita « Deux yeux très doux » (Armand) – Duo Aimée-Armand « Parisien ! Parisien ! » – « Ce que c’est que l’amour » (Frasquita) – Chanson et danse de Luisa et de Frasquita -Hippolyte, Girod et Aimée « Viva Espana ! » – Final I
Acte II : « L’amour est une chimère » (Inès, Lola et chœurs) – « Je voudrais tant savoir » (Frasquita) – « Quand un cœur veut parler le langage d’amour » (Frasquita, Armand) – Duo Hippolyte-Aimée « Tout autour de moi » – « Ne t’aurais-je qu’une fois » (Armand), « On a l’âge que l’on parait » (Girod et ensemble) – Final II
Acte III : Défilé de Carnaval (chœurs) – Duo Frasquita-Armand « Est-ce bien le froid ? » – « Là… mets un baiser » (Aimée, Hippolyte) – Final II
— Fiche technique
Frasquita
Opéra-comique en 3 actes de Alfred-Maria Wilner et Heinz Reichert. Musique de Franz Lehár. Création mondiale : Vienne, Theater An der Wien, le 12 mai 1922
Adaptation française de Max Eddy et Jean Marietti. Création en français : octobre 1931, au Havre. Avec : Fanély Revoil (Frasquita), Nuzat, Demonty, Nys, Levalois
Création à Paris :Théâtre de l’Opéra-Comique, le 3 ou le 5 mai 1933.Avec : Conchita Supervia (Frasquita), Annie Gueldy (Aimée Girod), Deva-Dassy (Inès), Louis Arnoult (Armand Gallois), René Hérent (Hippolyte Galipot), André Balbon (Aristide Girod), Jean Veuille (Sebastiano, Philippe). Orchestre, direction Paul Bastide. Danses réglées par Carina Ari, dansées par La Joselito. Mise en scène de Joseph Ancelin. Décors de Raymond Dehays.
Éditions Durand (Max Eschig) – Groupe Ricordi
— Discographie
Sélections
Kleuza de Pennafort, Colette Muzart, Bernard Alvi, Robert Destain. Direction musicale, Richard Blareau
Universal Accord 4769992 (+ Le Comte de Luxembourg+La Veuve Joyeuse) (2CD) & Decca 163 829 (1 V)
Maria Murano, Nicole Broissin, André Dassary, Aimé Doniat. Direction musicale, Marcel Cariven
Véga 13004 (1 vinyl )
Conchita Supervia, Louis Arnoult. Orch. Paul Bastide
Pacific LDP B 2203 (1 vinyl)( 25 cm)
— Références
Vous retrouverez Frasquita dans « Opérette » n° 95, 157 & 181. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification: 27/02/2024