On peut considérer l’opérette de Robert Stolz comme une rareté. Il est vrai que par rapport à ses confrères (Strauss, Lehár, Kálmán, Fall, etc.) Parade de Printemps (sur des textes d’Ernst Marischka, Hugo Wiener, Robert Gilbert et Wilhelm Sterk) a été créée sur le tard, le 5 mars 1964, au Volksoper de Vienne. Une situation assez inédite dans l’histoire de l’opérette, tout au moins pour la période dite « classique ». Il était donc intéressant de découvrir cette rareté (de nos jours) sur une scène.
L’intrigue de cet ouvrage est assez mince.
Une jeune fille quelque peu naïve, Marika, débarque à Vienne, sur le Prater, et reçoit la prédiction d’un forain lui annonçant qu’elle tombera amoureuse et sera également aimée du premier homme qu’elle rencontrera. Et de fait la prédiction se réalise le soir même avec le caporal Willi Sedimaier, musicien dans l’armée et en outre compositeur. Ce dernier a écrit une marche qu’il fait entendre dans le salon de l’épouse du Grand Chambellan de l’Empereur, laquelle est scandalisée en raison de l’interdiction d’exécuter ce type de musique sans l’accord de l’empereur. Willi risque en conséquence une lourde peine d’emprisonnement. Mais Marika parviendra à franchir les grilles du château de Schönbrunn et à plaider, auprès de l’Empereur lui-même, la cause de son tendre amoureux. L’Empereur compréhensif, acceptera finalement que la marche soit jouée et donnera même sa bénédiction à l’union des deux tourtereaux.
Bien entendu ce fil si simple se double de multiples intrigues secondaires animées par d’autres personnages et multiplie les rebondissements aux fins d’agrémenter l’action.
Comme l’opérette comporte plusieurs tableaux, le metteur en scène Michael Lakner – par ailleurs directeur du festival d’été de Baden, (mais aussi du Stadttheater qui propose une copieuse saison d’hiver) – a judicieusement utilisé un plateau tournant. Cela permet de passer très rapidement d’un lieu à un autre, les nombreux tableaux donnant ainsi à l’œuvre une allure d’opérette à grand spectacle, agrémenté de plusieurs interventions chorégraphiques signées Anna Vita. Sur le plan de la partition, on entend une musique allègre qui constitue la somme de toutes les thématiques viennoises, de la valse à la marche en passant par la czardas.
Le théâtre d’été (Sommerarena) nous propose une distribution comprenant de nombreux interprètes sous la direction extrêmement dynamique du chef Michael Zehetner à la tête de l’excellent orchestre de Baden assurant en cette ville aussi bien les saisons d’été que celles d’hiver.
Verena Barth-Jurca dessine une pétillante Marika qui, sous des aspects d’apparente naïveté, arrive néanmoins à ses fins en toutes circonstances. Chanteuse agréable et remarquable danseuse, elle exécute avec aisance un brillant numéro de claquettes. Autre interprète renommée en Autriche, la soprano Miriam Portmann dans le rôle de la cantatrice adulée Hansi Gruber. Dotée d’une voix habituée à un répertoire exigeant des moyens étendus, elle côtoie un partenaire masculin qui lui donne une éloquente réplique en Clemens Kerschbaumer incarnant avec beaucoup d’abattage le rôle du Lieutenant Gustl von Laudegg. Willi, l’amoureux quelque peu naïf de Marika, convient idéalement à Ricardo Frenzel Baudisch.
On trouve en outre dans cette opérette nombre de personnages pittoresques parfaitement croqués. Retenons l’attaché de l’Empereur, Hofrat Neuwirth (Olivier Baier), portant beau et pourtant timide dans ses sentiments amoureux face à l’exubérante boulangère Therese Hübner de Kerstin Grotrian. Puis Beppo Binder, inénarrable en Swoboda, coiffeur grande gueule, irascible et rival en amour d’Hofrat Neuwirth. N’oublions pas le timide Fritz (Jonas Zeiler), secrètement amoureux de Marika, ni la Klothilde von Laudegg insupportable comme il se doit – et incarnée par un homme (Gérald Pichowetz) – que son Grand Chambellan de mari saura mettre au pas au dernier acte ; Roman Frankl donne à ce rôle toute son épaisseur. Quant à Günter Tolar il fait preuve de toute la bonté qui convient à l’Empereur François- Joseph vieillissant.
Citons les pimpants décors d’Erich Uiberlacker et les seyants costumes de Friederike Friedrich lesquels contribuent, avec la mise en scène habile et alerte de Michael Lakner, au plaisir des spectateurs.
Christian Jarniat
18 août 2023