Maurice Yvain (1891-1965)
Avec Elle est à vous, le 22 janvier 1929 au théâtre des Nouveautés, Maurice Yvain poursuit sa collaboration avec André Barde. Cette collaboration a commencé avec Pas sur la bouche en 1925 et s’est poursuivie avec Bouche à Bouche (1925) et Un bon garçon (1926). Cinq autres titres suivront, parmi lesquels Kadubec (1929) et Oh ! Papa (1933). La plupart de ces ouvrages sont créés aux Nouveautés que dirige Benoît-Léon Deutsch, sauf Bouche à Bouche de plus grande envergure à l’Apollo.
Elle est à vous demande une quinzaine d’interprètes, sensiblement plus que les opérettes des années 1920.
Pour plusieurs opérettes, le théâtre fait appel à Georges Milton (1888-1970), figure populaire de l’entre-deux-guerres dont les débuts dans le café-concert remontent à l’avant-guerre ; on le verra ensuite distribué dans des revues, dans plusieurs opérettes et au cinéma (La Bande à Bouboule). Il se cantonne dans des personnages typiques (liftier, mécanicien pilote, député communiste…) dotés d’airs populaires (« La fille du bédouin », « Je t’emmène à la campagne »…) Davia l’évoquait ainsi : « Il avait la même chose que Chevalier : un impact extraordinaire sur le public. Je crois même que Chevalier en était jaloux. »
Sa partenaire, autre artiste comblée à l’époque, est Gabrielle Ristori. Elle créera en 1932 la version française de L’Auberge du Cheval blanc. Autour d’eux une troupe solide : Eliane de Creus, Suzanne Dehelly, Urban, Pierre Darmant, José Sergy…
Urban (1884-1947) est plutôt en fin de carrière (bien qu’il ne disparaisse qu’en 1947). Le rôle qu’il marquera est évidemment celui de Phi-Phi en 1918. Il créé ensuite Dédé avec Chevalier et apparaîtra dans de nombreuses distributions (L’Amour masqué, Un Bon garçon, Comte Obligado…), pas forcément en premier plan. Eliane de Creus, après Trois jeunes filles nues et La Térésina, n’était pas une inconnue. Elle sera d’Azor (1932). Quant à Suzanne Dehelly elle paraîtra dans un nombre incalculable de films et de pièces de théâtre, jusque dans la période d’après-guerre. José Sergy fera un peu d’opérette et du cinéma. Simone Cerdan et Numès fils seront essentiellement des acteurs de cinéma. Pierre Darmant est un chanteur lyrique dans une tradition plus classique.
L’opérette, reflet de la société des années 1930, se signale par des décors originaux : une concession automobile, un garage, un circuit de voitures. Les personnages sont issus de milieux modernes, avec une importance des questions d’argent supplantant les « théories » amoureuses à la base de l’histoire.
La partition comporte des tubes, le fameux « Pouet Pouet », dans une moindre mesure « Je suis l’homme du jour », le duetto « En auto », plusieurs numéros romantiques parmi lesquels «Honolulu» accompagné à la guitare hawaïenne, mais aussi des ensembles et finals importants qui prennent en charge certains des épisodes clefs de l’intrigue. Elle est à vous est une des opérettes les plus ambitieuses d’Yvain.
— L’argument
Acte I
Un stand d’exposition de voitures et un garage jouxtant les bureaux
Jouvencel est le patron de la concession automobiles Rolmops. Il est sanguin et développe la théorie selon laquelle tout adultère cesserait si l’amant se voyait dans l’obligation d’épouser sur le champ la femme qu’il a séduite. Il est marié à Monique, une jeune femme plus jeune que lui, dont René Ravillon, employé dans la concession, est l’amant. René vient de tomber amoureux d’Odette Muscadot, une jeune fille à la page. Il compte rompre avec sa maîtresse qu’il n’a pas le courage d’affronter. Il charge Jules Patard son frère de lait, mécano et apprenti pilote, de faire connaître sa décision à Monique. Cette dernière s’évanouit quand elle apprend la rupture. Alors que Jules tente un bouche à bouche, Jouvencel le surprend avec sa femme. Un détective privé avait déjà éveillé les soupçons du directeur, mais Jules pour protéger son frère se dénonce à sa place. Jouvencel va appliquer ses principes : Jules, pourtant fiancé à Clarisse, devra épouser Monique. Alors que René temporise, le directeur annonce à tous sa nouvelle situation matrimoniale.
Acte II
La terrasse d’une hôtellerie aux abords du circuit automobiles de la Beauce
Afin de valoriser la situation de Jules auprès de sa future épouse, Jouvencel a autorisé le metteur au point du garage à piloter. Odette et René poursuivent leur idylle avec le projet de se marier. Monique joue toujours son rôle de maîtresse de Jules sans cesser de rencontrer René. Ce dernier doit s’effacer au profit de Jules lorsque Jouvencel les surprend, ce qui n’arrange pas les affaires de Clarisse, la bonne amie du pseudo amant. Monique apprend les fiançailles d’Odette et de René. Elle décide de changer de stratégie. En se faisant surprendre par son mari, elle pourrait devenir la femme de René. Mais Jouvencel ne veut pas se rendre à l’évidence, mettant en avant le futur mariage d’Odette et de René (qui sera profitable à ses affaires) et la course qui se profile, Jules ne devant pas être sous le coup d’une mauvaise nouvelle. Odette survient et l’algarade entre les deux femmes n’est interrompue que par la nouvelle d’un sabotage découvert à temps perpétré par un mouchard, Eustache, afin de favoriser un concurrent. L’acte se termine dans la plus grande confusion.
Acte III
Le château de Muscadot
Jouvencel a conservé son mouchard afin de terminer son enquête. Jules a gagné la course et on le fête. Monique peut bien répéter à son mari qu’elle n’a pas été la maîtresse du pilote, Jouvencel ayant pris ses renseignements ne veut rien entendre. Jules et Clarisse se disputent. Pendant ce temps Odette et René filent le parfait amour. Jules qui doit se défendre auprès de Clarisse ne peut se faire entendre de son patron. Il demande à Eustache de maquiller la fiche de police qu’il doit lui remettre. Et c’est ainsi que Jouvencel découvre que Monique allait rejoindre… sa mère. Tout finira évidemment pour le mieux.
— La partition
Acte I : Ouverture 1. Chœurs d’entrée et couplets de René (Les Elèves, René) – 2. « La fois d’après » (Patrice) – 3. « Jeune fille » (Odette) – 4. « Je te veux et je m’en veux » (Monique) – 5. « Elle est à vous » (Jouvencel) – 6. Duetto « Tout simplement » (Odette, René) – 7. « Pouet Pouet » (Jules) – 8 Trio (Monique, Jules, Jouvencel) 9. Final
Acte II: Entracte – 10. Chœur d’entrée et air de Muscadot (Patrice, Muscadot, Eustache et les chœurs) – 11. Duetto « Dans une guinguette au bord de l’eau » (Odette, René) – 12. Trio « Ah ! Les affaires » (Jenny, Clarisse, Jouvencel). – 13. « Son Doudou » (Monique) – 14. « C’est pas mon rayon » (Jules) – 15. Trio « Je te jure que tu es tout pour moi » (Monique, René, Jules) – 16. Duetto « En auto » (Clarisse, Jules) – 17 Quatuor (Jouvencel, Monique, René, Clarisse). – 18. Final
Acte III: Entracte – 19. « Jusqu’au bout » (Monique). – 20. « Jules » (Jules, Monique, Odette, Jenny, Clarisse) – 21. La tagada (Jouvencel). – 22. Duo valse « Honolulu » (René, Odette) – 23. Final
— Fiche technique
Opérette en 3 actes de Maurice Yvain (musique) et André Barde (paroles) créée à Paris, théâtre des Nouveautés le 22 janvier 1929. Mise en scène : Louis Blanche. Direction musicale : Pierre Chagnon. Avec :
Gabrielle Ristori (Monique Jouvencel), Eliane de Creus (Odette Muscadot), Suzanne Dehelly (Clarisse), Simone Cerdan (Jenny), Georges Milton (Jules Patard), André Urban (Jouvencel), Pierre Darmant (René Ravillon), José Sergy (Patrice de Versac), Germain Champel (Muscadot), Numès fils (André)
— Discographie
Voir également le site : http://comedie-musicale.jgana.fr/
Dernière modification: 27/02/2024