Franz von Suppé (1819-1895)
Boccaccio a été créé le 1er février 1879 (cinq ans après La Chauve-Souris) au Carl-Theater à Vienne et, à la fin de 1880, il avait déjà atteint sa centième représentation. En 1882, il émigre vers le Theater An der Wien et conquiert les autres salles de théâtre. Avec Maria Jeritza dans le rôle principal, il a été monté au Metropolitan Opera de New York en 1931.
Boccace est la version française de cette opérette que Suppé composa d’après « Le Décaméron », vaudeville joué à Paris en 1853. Il s’agit de l’œuvre maîtresse de Suppé, créée en langue française aux « Galeries Saint-Hubert » de Bruxelles et présentée à Paris le 28 juillet 1882, avec Mesdemoiselles Montbazon (Boccace aux formes opulentes) et Berthe Thibault (douce et fine Béatrice).
L’opérette gagne bien entendu le répertoire des scènes de province.
À Paris, il faut noter 4 reprises de cet ouvrage. En 1896, une jeune chanteuse débutait dans le rôle de Boccace au Nouveau Théâtre, Anna Tariol-Baugé, dont le fils André Baugé devait s’illustrer plus tard dans l’opérette. Le Trianon-Lyrique fit une reprise de l’ouvrage en 1909, puis en 1914 (Mlle Jane Alstein chantait Boccace). En 1921, la Gaîté-Lyrique montait Boccace avec Marthe Chenal dans le rôle principal, et Mademoiselle Ferrare (Béatrice), Henri Jullien (Orlando), Girier (Pandolfo), René Gerbert (Tromboli), Kerny (Quiquibio) et Georges Foix (Lélio).
Au sujet des représentations de 1914, Didier Roumihac écrivait dans « Opérette » n°10 :
« Les représentations du Trianon-Lyrique en 1914 ne passent pas inaperçues ; à quelques semaines de la déclaration de guerre, la presse est divisée quant à la valeur de l’ouvrage ; en voici deux exemples : « Si nous comparons cette œuvre à la musique des récentes opérettes, nous mesurons la décadence d’un art qui fut exquis ; Suppé n’a pas la fantaisie d’Offenbach ; il ne possède pas la verve violente d’Hervé. Mais il a le don du rythme. Il trouve la marche, la valse qui entraînent. Il a le souci des sonorités ingénieuses. Il orchestre avec soin. Il sait créer le riche ensemble qui atteste sa science du théâtre. C’est un maître du genre ». (Nozière). Voilà pour les compliments. Les arrière-pensées idéologiques relatives à l’invasion (le mot revient souvent à l’époque) de la culture germanique sont perceptibles dans le texte de Pierre Lalo : « Tel ou tel ensemble qui commence par quelques mesures élégantes et fines, à la manière de l’ancien opéra bouffe d’Italie, se tourne tout à coup en une valse viennoise de la plus molle banalité, une ritournelle légèrement instrumentée est suivie d’un affreux tapage de cuivres forains ; à une chanson de café-concert succède un pompeux final meyerbérien, non traité en parodie comme par Offenbach, mais pris au plus grand sérieux ».
Aujourd’hui, Boccace n’est que très rarement, pour ne pas dire jamais, repris en France.
— L’argument
La scène se passe à Florence, vers 1340.
Acte 1 :
une place de Florence.
Célèbre par ses contes… et ses aventures amoureuses, Boccace, la coqueluche des femmes et la hantise des maris, est de retour à Florence, où il retrouve son ami Lélio. Celui-ci raconte à Boccace comment il est tombé amoureux de Zanetta, dont le mari, Quiquibio s’est absenté pour quelques jours. Les deux hommes, entendant du bruit, se faufilent chez Zanetta.
Le jardinier Pandolfo et le tonnelier Tromboli arrivent et évoquent le retour de Boccace, ce qui ne les inquiète pas car ils ont confiance dans la vertu de leurs épouses. Le barbier Quiquibio rentre de voyage plus tôt que prévu et se joint à Pandolfo et Tromboli. Il annonce l’arrivée à Florence du Prince Orlando qui doit épouser la fille naturelle du Grand Duc.
Se rendant compte de l’arrivée du mari, Lélio et Boccace montent avec Zanetta une petite comédie pour justifier leur présence dans la maison. Échevelée, la jeune femme sort du logis et court se jeter dans les bras de son époux. Elle lui raconte comment elle a laissé entrer un galant poursuivi par le mari, et comment le mari s’est introduit dans la maison. Lélio, suivi de Boccace, sort. Et le tour est joué. Quiquibio rassure et console sa femme.
Lélio et Boccace sont à nouveau seuls. Boccace avoue à son ami qu’il est tombé réellement amoureux de Béatrice, la jeune fille élevée par le jardinier Pandolfo, dont la naissance paraît mystérieuse. Arrive incognito le Prince Orlando, comptant bien profiter des quelques jours de liberté qui lui restent pour conter fleurette aux femmes de Florence. Boccace le reconnaît aussitôt mais les deux amis acceptent de respecter l’incognito du Prince. Pour isoler Béatrice, accompagnée de Peronelle, Boccace charge son ami d’une diversion. Il fera la cour à la femme du jardinier. Lélio est réticent, car la beauté est un peu mûre. Il finit par accepter et fait passer un billet à Peronelle.
Orlando remarque Frisca, au bras de son époux. Il réussit à lui parler, et revient plein d’espoir. La belle n’a pas l’air trop farouche. Peronelle elle, est enchantée du billet. À contre-cœur, Lélio fait sa déclaration. Pendant ce temps Boccace et Béatrice font connaissance. Ils ne tardent pas à se déclarer leur amour réciproque. Une bousculade arrange les affaires de Lélio, tendrement pressé par Peronelle. Tromboli ameute la ville contre Orlando qu’il a surpris avec Frisca. L’aventure pourrait tourner mal. Heureusement le Prince est reconnu. La foule se déchaîne donc sur le vrai coupable et fait justice en livrant aux flammes les « Contes » de Boccace.
Acte 2 :
La maison de Tromboli et celle de Pandolfo.
Boccace, Lélio et Orlando chantent une aubade à leur belle. L’arrivée de Tromboli les éloigne. Les trois hommes reviendront bientôt déguisé et réussissent à prévenir les femmes. Lélio arrive dans un costume de médecin. Peronelle ne sent pas de joie et entraîne Lélio au fond du jardin en voyant apparaître un soldat qui n’est autre qu’Orlando, aussitôt reconnu par Frisca.
Arrivée de Tromboli. Le Prince a juste le temps de se cacher dans un cuvier. Pour détourner les soupçons de son mari, l’épouse le fait passer pour l’acheteur du cuvier.
Déguisé en jardinier, Boccace est reconnu par Béatrice et bientôt une scène incroyable se déroule. Pandolfo fait monter Boccace dans le poirier pour y cueillir les fruits. Or le poirier a la réputation d’être un arbre enchanté. Alors que Pandolfo et la jeune fille sont loin l’un de l’autre, Boccace déclare que, de l’arbre, il voit le jardinier embrassant amoureusement Béatrice. Pandolfo n’est pas convaincu et monte à son tour dans l’arbre pour se rendre compte. Il constate effectivement que Boccace embrasse la jeune fille. Pourtant, celle-ci affirme que son compagnon est loin d’elle. Le jardinier voit également Orlando et Frisca, puis Lélio et Peronelle dans la même situation. Il faut se rendre à l’évidence, l’arbre est bien enchanté !
Puis Quiquibio arrive affolé. Il a appris la présence de Boccace. Les trois hommes sont découverts. Le poète sauve une fois de plus la situation. Il raconte qu’il a utilisé ses amis pour servir ses amours. Il aime Béatrice et la demande en mariage à Pandolfo. Le jardinier ne peut accepter. Il faut l’accord du père de Béatrice, que personne ne connaît. Coup de théâtre. Un inconnu arrive et vient chercher Béatrice au nom de son père, grand seigneur du pays. Boccace et Béatrice gardent l’espoir de se revoir bientôt.
Acte 3 :
Le grand palais ducal à Florence.
Pandolfo est devenu arboriculteur des domaines. Grâce à lui, Quiquibio et Tromboli sont respectivement nommés barbier de la cour et sommelier du Palais. Peronelle, devenue surintendante, est chargée d’engager une douzième demoiselle d’honneur pour Béatrice, fille du Grand Duc. La jeune fille doit épouser aujourd’hui même le Prince Orlando. Celui-ci, qui a reconnu en Béatrice l’amoureuse de Boccace, fait surveiller l’entrée du Palais pour l’interdire au poète.
Une « jeune fille » se présente pour la place de demoiselle d’honneur. Peronelle qui a égaré ses lunettes ne reconnaît pas Boccace et l’engage. Béatrice avoue ses regrets. Le Prince n’est pas très flatté.
Lélio est également dans le Palais. Il est venu aider son ami à enlever Béatrice. Peronelle, persuadée que le jeune homme est ici pour elle, lui demande de l’attendre dans sa chambre. Orlando survient, suivi par Frisca qui l’accable de reproches. Tromboli arrive ivre. Frisca entre dans la chambre du Prince. Lélio a assisté à la scène. Profitant de l’obscurité, il fait entrer Tromboli dans la chambre de Peronelle.
Voici Boccace puis Peronelle qui rejoint donc Tromboli. Boccace et Béatrice sont enfin seuls. Le jeune homme dit à sa compagne qu’il est venu pour l’enlever. Elle résiste, elle faiblit, il l’entraîne. Orlando et le Grand Duc cherchent Béatrice. Peronelle arrive décoiffée. Béatrice reste introuvable. C’est le Capitaine des Gardes qui donne le mot de l’énigme. Il a arrêté les jeunes gens qui se sauvaient.
C’est le dénouement. Orlando renonce à la main de Béatrice. Il retourne en Sicile et demande à Tromboli… et à Frisca de l’accompagner. Lélio annonce que le Roi de Naples réclame Boccace. Le jeune homme va donc devoir rejoindre son souverain. Une nouvelle fois Béatrice et Boccace doivent se séparer. Une nouvelle fois, ils gardent l’espoir de se revoir bientôt.
— La partition
Acte 1 : Ouverture – Chœur des mendiants (avec Cecco) – Scène du colporteur « Dans ma charrette », ensemble et chœur de la dispute « Pourquoi donc tant de colère » – Boccace « Si je chante la jeunesse » – Trio-Sérénade (Quiquibio, Pandolfo, Tromboli) – Scène du duel (Quiquibio, Lélio, Boccace, Zanetta) – Chanson de Boccace « L’amour, c’est le soleil » – Vieille chanson (Béatrice) – Duo Boccace-Béatrice – Final 1.
Acte 2 : Aubade (Boccace, Lélio, Orlando) -Chant des tonneliers – Trio de la lettre (Béatrice, Frisca, Peronelle) – Couplets du baiser (Frisca) – Ballet des fleurs – Couplets du jardinier (Boccace) – Ensemble de l’arbre enchanté – Final 2.
Acte 3 : Chœur des demoiselles d’honneur – Chœur et couplets de Béatrice – Duetto Lélio-Peronelle – Chanson bachique (Tromboli) – Duo Béatrice, Boccace « Ma belle Fiorentina » – Septuor « Soyez heureux, me voila pris » – Final 3.
— Fiche technique
Boccace (Boccaccio)
Opéra-comique en 3 actes de Friedrich Zell et Franz-Richard Genée. Musique de Franz von Suppé. Création mondiale : Vienne, Carl-Theater, le 1er février 1879
Création française : Bruxelles, Galeries Saint-Hubert 3 février 1882. Livret français de Gustave Lagye, Henri Chivot et Alfred Duru.
Création en France: Paris, Théâtre des Folies-Dramatiques le 29 mars 1882 (même version) avec :
Mmes Montbazon (Boccace), Berthe Thibault (Béatrice), Brigitte Aubry (Peronelle), Vernon (Frisca), Régaudia (Zanetta), Désiré (Orlando), Maugé (Pandolfo), Lepers (Tromboli), Luco (Quiquibio), Lefèvre (Lélio).
Nouvelle version 1976 de Marc-Cab et Robert Deniau (d’après le livret de Chivot et Duru) créée au Grand-Théâtre de Bordeaux le 25 juin 1976.
Editions EPTC Chappell pour la version Marc-Cab/ Deniau
— Discographie
Intégrale en allemand
Hermann Prey (Boccaccio), Anneliese Rothenberger (Fiametta), Adolf Dallapozza (Lotteringhi), Edda Moser (Beatrice), Kurt Böhme (Scalza), Walter Berry (Leonetto), Willi Brokmeier (Pietro, prince de Palerme), Kari Lövaas (Isabella), Friedrich Lenz (Lambertuccio), Gisela Litz (Peronella). Orch. symphonique de Bavière et chœur de l’Opéra d’État de Bavière, dir. Willi Boskovsky (1974).
CD Warner Classics, coll. Cologne, 5054196055226. Présentation en all. et angl. Pas de livret. Distr. Warner Music.
Il n’existe pas d’enregistrement en français de cette œuvre mais elle a été donnée à la radio en 1959 avec :
Freda Betti (Boccace), Lina Dachary (Béatrice), Claudine Collart (Zanetta), Solange Michel (Peronelle, Joseph Peyron (Orlando), André Balbon (Pandolfo), Pierre Germain (Tromboli), Gaston Rey (Quiquibio), René Lénoty (Lélio). Dir. Marcel Cariven
— Références
Vous retrouverez Boccace dans « Opérette » n° 107 & 161. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification: 27/02/2024