À la Jamaïque

A la Jamaïque, affiche du film

Francis Lopez (1916-1995)

 

Créée aux Célestins de Lyon le 23 décembre 1953 et à Paris le 24 janvier 1954, À la Jamaïque arrive dans la capitale en plein cœur de la grande période Lopez-Vincy. Au théâtre, les représentations triomphales du Chanteur de Mexico viennent de s’achever au Châtelet, La route fleurie fait un  « tabac » à l’ABC, La Toison d’Or puis Méditerranée vont bientôt allonger la liste des succès du compositeur.
Au Châtelet, les têtes d’affiches, Georges Guétary, Luis Mariano, André Dassary ou Tino Rossi sont entourées d’artistes se produisant habituellement dans le répertoire d’opérette ou d’opéra-comique. Sur les autres scènes où Lopez est programmé, des éléments empruntés aux variétés ou au music-hall conduisent le spectacle ou épaulent le ténor de service. Ce sera Bourvil, Annie Cordy, Henri Genès, Jeannette Batti, Andrex et, dans l’ouvrage qui nous occupe ici, Jane Sourza.

Jane Sourza, bien oubliée de nos jours, avait déjà interprété au début de sa carrière quelques ouvrages de Georges Matis et Raymond Souplex ainsi que la première opérette d’Henri Betti, Mam’zelle Printemps. Mais elle avait acquis sa notoriété grâce à une émission radiophonique, « Sur le banc » auprès de Raymond Souplex. Elle triompha ensuite plusieurs années dans une comédie de Raymond Vincy et Jean Valmy J’y suis, j’y reste. Cette nature comique avait tout l’abattage voulu – sinon la voix – pour conduire une opérette au succès.
À la Jamaïque se joua pendant deux ans et demi. La vedette était entourée par une troupe d’une qualité rarement égalée. Son partenaire était l’imitateur-comédien Jacques Morel (ultérieurement remplacé par Jacques Mareuil). À l’origine le couple de jeunes premiers était interprété par Maria Candido et Jacques de Mersan. Elle, chanteuse lyrique au timbre ravissant, avait débuté très jeune à Paris dans la princesse Hélène de Rêve de Valse auprès de Marcel Merkès et Paulette Merval. Dans À la Jamaïque, elle abandonna assez vite son rôle pour se consacrer à la chanson où elle acquit une notoriété qui dura quelques années (« Magali », « Je te le le »). Après une « traversée du désert », elle revint à l’opérette au cours des années soixante-dix grâce à Francis Lopez qui, souvent par la suite, l’engagea dans des ouvrages qui, hélas, n’ajoutèrent rien à sa gloire. Lui, avait débuté à Paris dans Pour Don Carlos au Châtelet ; les habitués de la Gaîté-Lyrique le connaissaient bien comme doublure de Michel Dens ou de Rudy Hirigoyen. Doté d’une voix chaude, physique agréable, il aurait mérité faire carrière. La délicieuse Janine Ervil prit la suite de Maria Candido avec pour partenaires Jean Rafaëli puis Bernard Alvi. La pulpeuse Gisèle Robert, les excellents Pasquali et Rogers faisaient également partie de la distribution.
Luis Mariano tourna un film inspiré de ce succès (1956). Malheureusement, le scénario fut complètement remanié et l’amusante pièce de Raymond Vincy était devenue une bluette sans grand intérêt, à la mise en scène laborieuse.

L’argument

Acte I
Annie Krushen, ancienne charcutière du Faubourg Saint-Antoine, a hérité aux ÉÀtats-Unis une chaîne de 50 snack-bars qui lui rapportent de sympathiques revenus. Il ne lui reste plus qu’à rencontrer l’homme de sa vie pour être parfaitement heureuse. En 3 ans, elle s’est fiancée 18 fois et a rompu 18 fois et cela à cause des œuvres du célèbre romancier Maxime de St-Maixent, le grand explorateur de l’âme féminine, celui qui, depuis 10 ans, a décidé de renoncer aux plaisirs de la chair, pour garder pure son inspiration. Annie, qui identifie l’homme de sa vie aux héros de Maxime, a décidé d’épouser quelqu’un qui leur ressemble.
À chaque déception, elle fait cadeau d’un snack-bar au fiancé évincé, et son fondé de pouvoir, Siméon Legrand s’inquiète de la diminution du patrimoine de sa patronne, et par voie de conséquence n’est pas rassuré sur son propre avenir. Siméon a donc décidé d’épouser lui-même Annie. Ne pouvant compter sur ses talents de séducteur, il fait appel à Maxime pour l’aider à obtenir la main de la milliardaire. La promesse d’un chèque de 6 millions enlève tout scrupule au romancier.
Au Touquet, dans la demeure de Maxime, nous faisons connaissance avec Manoël Martinez, un séduisant planteur de la Jamaïque, qui est tombé amoureux d’Olivia, la nièce du romancier. Siméon s’arrange pour présenter Annie à Maxime. La milliardaire semble attirée par Manoël, ce qui, pour des raisons différentes, ne plait guère à Siméon et Olivia. Aussi, Siméon charge un détective privé d’évincer Manoël. Il choisit Peter Noster, sorte d’ersatz de Lemmy Caution, flanqué d’une inévitable secrétaire, la capiteuse Gilda.
Manoël invite toute la compagnie dans sa plantation de la Jamaïque. Le voyage se fera sur le yacht d’Annie Krushen. Lors d’une escale aux Canaries, Olivia, jalouse, s’explique avec la milliardaire. La reine des snack-bars la rassure : elle ne fait la coquette avec Manoël que pour attirer l’attention de Maxime, dont elle est tombée amoureuse.
À la Jamaïque, Maxime estime que le moment est venu de faire avancer les affaires de Siméon. Il s’entretient avec la milliardaire. Bien entendu, c’est le quiproquo : Annie est persuadée que le romancier est amoureux d’elle et Maxime se figure qu’il vient de gagner la cause de Siméon.
Acte II
Annie comprend vite sa méprise lorsque Siméon vient lui susurrer des mots d’amour.
Maxime, que le climat « énerve » de plus en plus, s’intéresse aux appâts de Gilda. Mais la vamp a conclu un accord (financier) avec Annie, qui se substitue à elle lors d’un rendez-vous prévu entre le romancier et Gilda. Maxime est ébloui par la reine des snack-bars, mais celle-ci se sauve en le laissant le malheureux sur sa faim. Tout s’arrangera. Après une ultime querelle d’amoureux, Manoël et Olivia tombent dans les bras l’un de l’autre. Maxime, abandonnant sans regret une chasteté décennale, obtient la main d’Annie Krushen. Et cette aventure se termine joyeusement à la fête du Rhum.

La partition

Acte I :  Chœur d’entrée « Les femmes sont des fleurs » (Manoël) ; « L’âme féminine » (Maxime) ; « Au vent léger de l’aventure » (Olivia) ; « Mon cœur est à prendre » (Annie) ; Chœur « Un beau voyage » ; « Les gangsters de l’Opéra » (Peter) ; « Pour tous les marins du monde » (Manoël) ;« Un petit nuage » (Olivia) ; Duo Nathalie-Siméon « Que faisait, dites-moi » ; « À la Jamaïque » (Manoël) ; « Le juste milieu » (Annie) ; « Comme une caresse » (Olivia) ; « Oh là là cette Gilda » (Peter, Gilda, Siméon) ; Final I

Acte II : « Jamaïca » (Olivia) ; « Y’a d’la magie » (Peter) ; Ballet Vaudou ; Le pré-rhum de la Jamaïque ; « Si vous étiez mon Roméo » (Annie et Maxime) ; « Qu’ici, qu’ici » (Manoël et Olivia) ; « Hello Gilda !…Hello Peter ! »(Gilda, Peter) ; « Je veux être ta fleur » (Annie, Maxime) ; Final II « La fête du Rhum ».

Fiche technique

À la Jamaïque
Opérette en 2 actes et 8 tableaux de Raymond Vincy. Musique de Francis Lopez ; arrangements musicaux de Paul Bonneau ; mise en scène de Pasquali ; chorégraphie des Frères Cardo.
Création à Lyon, théâtre des Célestins, le 23 décembre 1953 et à Paris, théâtre de la Porte Saint-Martin, le 24 janvier 1954. Avec : Jane Sourza (Annie), Jacques Morel (Maxime), Rogers (Peter), Pasquali (Siméon), Gisèle Robert (Gilda), Jacques de Mersan (Manoël), Maria Candido (Olivia), Nelly Nell (Nathalie), Andréas (Vladimir). Direction musicale, Pol Mule.
Plusieurs rôles ont changé de titulaire au cours de la série de représentations parisiennes : Jacques Mareuil (Maxime), Janine Ervil (Olivia), Jean Rafaeli, Bernard Alvi (Manoël), Ellen Guy (Nathalie).
Editions Chappell

Discographie

(S) Maria Candido, Jean Rafaeli,  Orch. Jacques Météhen, Paul Bonneau, Franck Pourcel, Marianne Mélodie 081340  (+ extr. 4 jours à Paris, Le Soleil de Paris, Monsieur Bourgogne, 1 CD) Sélection du Reader’s Digest 3269.12 (avec Fiesta et chansons, 3CD)

Références 

Vous retrouverez À la Jamaïque dans « Opérette » n° 84, 95, 151 & 171. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Anciens numéros »

Dernière modification: 26/02/2024

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