Marcel Lattès, compositeur et pianiste français, est né à Nice le 11 décembre 1886. Il a écrit et fait représenter une dizaine d’opérettes (dont plusieurs avec semble-t-il un certain succès). Pourtant ni son nom, ni son œuvre ne sont restés. On ne peut pas l’affilier exactement à l’opérette légère même s’il se rallie à ce style sur la fin de sa carrière. Comme Hahn ou Messager desquels on pourrait le rapprocher, il a produit pour l’Opéra-Comique, mais un seul ouvrage ; le personnage était, selon Bruyas, bien introduit dans le monde parisien et a créé une de ses opérettes à Londres, mais cela n’a pas suffi à le faire reconnaître. La célébrité a bien des mystères…
Quoi qu’il en soit, Benoît Duteurtre le sortait de l’ombre dans « L’Opérette en France » en le situant « parmi les compositeurs plus traditionnels (des) années folles » ; Jacques Rouchouse le mentionnait dans son « Que sais-je ? », alors que José Bruyr, dans l’édition précédente de cet ouvrage, l’ignorait.
Sa première opérette date de 1908 (Fraisidis) en 1913 il est joué à l’Opéra-Comique avec un conte en un acte, Il était une bergère qui bénéficiera jusqu’en 1924 d’une cinquantaine de représentations. La même année, le théâtre Michel donne de lui un acte Pas davantage et l’Apollo lui ouvre ses portes pour La Jeunesse dorée qui ne reste pas longtemps à l’affiche. C’est vers Londres qu’il se tourne après la guerre ; son opérette Maggie créée en 1919 sera reprise dans une adaptation française à la Gaîté Lyrique en 1921 sous le titre de Nelly ; Henri Defreyn, Félix Oudart, Yane Exiane et Denise Grey font partie des interprètes d’un ouvrage bien reçu du public, même si l’intrigue est jugée plus adaptée au public anglais (une modeste ouvrière passe un temps pour l’illustre étoile de cinéma dont est épris son amoureux).
L’année suivante, Monsieur l’Amour est donné à Mogador, autre théâtre parisien de l’époque très actif dans la création. L’opérette plonge les dieux de l’Olympe dans le Paris de… 1972. Thysis et Myrtale qui ont quitté le bienheureux séjour (Vulcain y poursuivait Myrtale) parviendront à se retrouver et à s’aimer dans une existence semée d’embûches, mais où veille Cupidon. Le style musical est proche de celui de l’opéra-comique par l’emploi de tournures savantes ; mais Lattès sait aussi rappeler l’Offenbach d’ Orphée aux Enfers ou finement parodier les musiques de Stravinski alors prisées du public averti.
Trois autres salles vont accueillir les opérettes suivantes qui restent ses œuvres les plus connues malgré des remplissages inégaux :
– Le Diable à Paris (Marigny) en 1927, a probablement été son oeuvre restée le plus longtemps à l’affiche.
– Pour Arsène Lupin banquier, qui fait date aux Bouffes Parisiens en 1930, Lattès a les mêmes librettistes que ceux qui avaient collaboré huit ans plus tôt à Ta bouche de Maurice Yvain, Mirande et Willemetz, et c’est Charles-Louis Pothier qui cette fois écrit les lyrics ; par ailleurs Willemetz était proche de Maurice Leblanc, auteur des Lupin. L’ouvrage reste musicalement très classique en dépit de la tournure moderne de son livret ; c’est à cette occasion que Lattès, dans une interview, dit combien Messager, disparu quelques mois plus tôt et auprès de qui il aimait prendre conseil, lui manque.
– Vient ensuite Xantho chez les courtisanes (Nouveautés) en 1932 sur un livret tiré d’une pièce de Jacques Richepin ; on y trouvait Gabrielle Ristori et Arletty en tête de distribution.
En 1935 les Bouffes donnent encore de lui Pour ton bonheur, avec l’idée de faire concurrence au cinéma (l’opérette devait être à l’origine un film), ce qui amène le théâtre à distribuer Albert Préjean et Saturnin Fabre en tête d’affiche. Cette dernière partition est largement encensée : « D’une très jolie et personnelle musicalité, soignée en son orchestration, sans aucune des négligences que nous rencontrons trop souvent dans les musiques de compositeurs du genre léger, elle a plu et plaira à tous les publics, par sa grâce et la diversité de son harmonie et par ses effets renouvelés sans cesse au point de vue purement scénique. » (André Lénéka)
Parmi les autres oeuvres composées par Marcel Lattès citons Athanaïs, oeuvre inclassable en un acte relevant de la danse mais comportant des airs chantés (Opéra de Monte-Carlo en 1910 puis reprise à L’ Opéra-Comique la même année) ainsi que la musique de scène des pièces : Les deux courtisanes (1909, Théâtre Michel) de Francis de Croisset, ainsi que Pas davantage (1913, Théâtre Michel) et La Cour Mauresque (1912, chez le Comte de Clermont-Tonnerre à Maisons-Lafitte), les deux de Nozière. On lui doit également la musique d’une quarantaine de films, entre 1931 et 1940, dont 3 avec Carlos Gardel, 3 avec Tino Rossi et 1 avec Maurice Chevalier. Signalons aussi que sa chanson « Et le reste ! » créée par Arletty dans le film « Je te confie ma femme » (1933), a été reprise dans le film d’Alain Resnais « On connaît la chanson »(1997).
Marcel Lattès disparaîtra le 12 décembre 1943 à Auschwitz, dans la nuit de la Déportation.
Didier Roumilhac
— Références
Vous retrouverez Marcel Lattès dans « Opérette » n° 143 & 197. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
— Œuvres lyriques
Légende : opé = opérette, oc = opéra-comique.
Le chiffre indique le nombre d’actes.
Création | Titre | Auteurs | Nature | Lieu de la création |
1908 16 nov |
Fraisidis | Redelsperger (Jacques) | opé 1 | Paris, Comédie-Royale (Comédie-Caumartin) |
1913 16 avr |
Il était une bergère | Rivoire (André) | oc 1 | Paris,Opéra-Comique(Favart) |
1913 29 mai |
Jeunesse dorée (La) (ou Les Dandys) | Verne (H.), Faure (Gabriel), Caillavet (Gaston Arman de) | opé 3 | Paris, Apollo |
1919 22 oct |
Maggie | Thompson (Fred), Maltby (H.F.), Ross (Adrian) | musical play 3 | Angleterre, Londres vf: Paris 1921 [Nelly] |
1921 14 fév |
Nelly | Bousquet(Jacques), Falk (Henri) | opé 3 | Paris, Gaîté-Lyrique vo: Londres 1919 [Maggie] |
1922 11 fév |
Monsieur l’Amour | Peter (René), Falk (Henri | opé 3 | Paris, Mogador |
1927 28 oct |
Diable à Paris (Le) | Flers (Robert de), Croisset (Francis de), Willemetz (Albert) | opé 3 | Paris, Marigny (Th.) |
1930 7 mai |
Arsène Lupin banquier | Mirande(Yves), Willemetz (Albert), Pothier (Charles-L.) | opé 3 | Paris,Bouffes-Parisiens (Choiseul) |
1932 16 mars |
Xantho chez les courtisanes | Richepin (Jacques) | opé | Paris, Nouveautés (Bd Poissonnière) |
1935 20 sept |
Pour ton bonheur | Marchand (Léopold), Willemetz (Albert) | opé 2 | Paris, Bouffes-Parisiens (Choiseul) |
Dernière modification: 29/02/2024