Fanély Revoil, qui s’était retirée dans sa propriété de Sablons, petit village de l’Isère sur les bords du Rhône, s’est éteinte le 31 Janvier 1999 à l’hôpital d’Annonay. Évoquer sa carrière c’est un peu retracer les grands moments de l’opérette des années 1930 et 1940 tant son nom s’est inscrit sur les affiches des théâtres parisiens, notamment ceux de la Porte Saint-Martin, du Châtelet et de l’Opéra-Comique.
Née à Marseille le 25 Septembre 1906, elle y avait fait ses études au Conservatoire remportant deux premiers prix en art lyrique et dramatique et avait fait des débuts prometteurs en province d’abord aux théâtres de Montpellier et de Nîmes, puis au Théâtre de Mulhouse où elle créa en 1930 la version française de Comtesse Maritza de Kalman et enfin au Théâtre du Havre dont le directeur lui confia la création de Frasquita de Lehar (1931). C’est là que Maurice Lehmann, directeur de la Porte Saint-Martin et du Châtelet la découvrit dans Frédérique et Le Pays du Sourire qu’elle chantait le même jour (heureux temps où les théâtres faisaient matinée et soirée) ; il lui proposa un engagement de trois ans à la Porte Saint-Martin où elle fit ses débuts parisiens dans Le Petit Duc de Lecocq le 5 Septembre 1933, débuts salués par Henri Malherbe en ces termes : « … Elle possède une jolie voix qu’elle conduit avec art. Elle dit finement le poème et porte le travesti avec désinvolture et distinction ».
Sa carrière fut marquée par de nombreuses créations :
– à la Porte Saint-Martin, La Dubarry de Millöcker et Mackeben, Valses de Vienne sur des musiques des Strauss (1933) avec André Baugé et Lucienne Trajin, Rêve d’un soir de Lehar (premier titre français du Tzarévitch), Un coup de veine de Maurice Yvain (1935).
– au Châtelet, Au soleil du Mexique de Maurice Yvain et Granville (1935), La Maréchale Sans-Gêne de Pierre Petit (1948)
– à l’Opéra-Comique, Le Testament de Tante Caroline de Roussel, La Chambre bleue de Lazarus,
– au Théâtre des Champs-Elysées, Virginie Déjazet de Van Parys (1946).
Elle fit entrer à l’Opéra-Comique sous la direction de Roger Désormière le colporteur Lazuli (L’Étoile de Chabrier) et la Guimard (Fragonard de Pierné), rôle qu’elle avait déjà incarné à la Porte Saint-Martin à la création en 1934. Elle marqua tous ses rôles, créations ou ouvrages du répertoire, de sa forte personnalité, y faisant montre de ses nombreux talents : voix rayonnante de soleil, qualités musicales mais aussi qualités de comédienne, intelligence du texte, sens inné de la scène, esprit, élégance, sensibilité, panache. Ce qui faisait écrire à Reynaldo Hahn, après une représentation du Petit Faust d’Hervé : « Mlle Revoil ne se contente pas de brûler les planches, elle les calcine, les consume, les réduit en cendres ». Quel bel hommage de la part du compositeur de Ciboulette !
Sa voix longue lui permettait en effet de chanter en alternance les ouvrages les plus divers : La Belle Hélène, Véronique, Rêve de Valse, Boccace, la Mascotte, La Fille de Mme Angot (les deux rôles de Clairette et de Mlle Lange) ou Princesse Czardas. Déployant une activité débordante, elle fut également productrice d’émissions pour la radio (« L’âme de Paris », « Petite Étoile du destin », le « Grenier de Stéphanie ») et d’une douzaine d’opérettes pour la toute jeune télévision, conférencière à l’université des Annales, ambassadrice de l’opérette française, sous l’égide des relations culturelles, seule ou en compagnie du baryton Willy Clément en Angleterre (Festival d’Édimbourg, 1951), Italie, Portugal et Hollande.
Elle fut même sollicitée par le cinéma (Les deux gamines de R. Hervil et M. Champreux, 1936).
Pour la Radio française, Fanély Revoil interpréta près de 150 ouvrages sous la direction de chefs d’orchestre tels qu’André Cluytens, Albert Wolff, Tony Aubin, Jules Gressier ou Marcel Cariven et laisse de nombreux enregistrements que l’I.N.A. serait bien inspiré de faire paraître.
Ayant fait ses adieux à la scène en 1957 dans Gillette de Narbonne, ouvrage qui fut aussi celui de ses débuts, elle se consacra à partir de 1958 à l’enseignement d’abord au Conservatoire de Versailles puis, de 1964 à 1976, au Conservatoire National Supérieur de Paris où elle eut en charge la classe d’opérette, formant à ce genre combien difficile toute une génération de chanteurs.
Artiste aux mille facettes, elle était également poétesse à ses heures et avait écrit un hommage au Rhône qui longe sa propriété dont voici les derniers vers :
« Et si Dieu me permet quand il faudra le suivre
De revenir hanter avec de légers rires
Au lieu de cliquetis de chaîne déprimants
La vermeille maison où j’ai tant aimé vivre
Je serai, du bonheur, le fantôme charmant ».
Fantôme charmant de celle qui fut, sans nul doute, l’une des plus grandes divettes de ce siècle.
Annick Caubert
— Références
Vous retrouverez Fanély Revoil dans « Opérette » n° 56, 102, 111 & 116. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification : 09/02/2024