Vincent Scotto (1874-1952)
C’est avant tout aux talents conjugués de Vincent Scotto et d’Henri Alibert que l’on doit, au début des années trente, la naissance puis le rayonnement de l’opérette marseillaise. Entourés de quelques auteurs et interprètes venus eux aussi de l’incontournable Canebière – ou de ses environs – ils surent apporter à une capitale bientôt conquise, une nouvelle recette de dépaysement empreinte d’une atmosphère de gaîté, d’insouciance, de farniente, le tout enrobé de ces expressions et de cet « assent » si chers à Pagnol.
C’est d’ailleurs Marcel Pagnol qui, d’une certaine manière, est à l’origine de l’opérette marseillaise. En effet, le triomphe de Marius (Théâtre de Paris, 9 mars 1929) donna à Alibert et Scotto l’idée de profiter de cet engouement subit des Parisiens pour le Midi. Et, le 26 avril 1932, Henri Alibert monte sur la petite scène du Moulin de la Chanson, La Revue Marseillaise qui, sur des musiques de Vincent Scotto et des textes de René Sarvil et Antoine Mars, réunit sur scène Jenny Hélia, Gorlett, Delmont, Edmond Castel, Alibert lui-même et quelques autres gloires du midi méditerranéen.
Pantalons blancs et chemises Lacoste – comme s’ils s’apprêtaient à commencer une partie de pétanque – Georges Sellers et ses musiciens donnaient le ton. Le soir de la première, le Tout Paris complété par le Tout Marseille est là, emmené par un Marcel Pagnol enthousiaste… si enthousiaste qu’il sera souvent présent au cours de la série de représentations.
La Revue Marseillaise refuse du monde et, malgré son succès, est remplacée le 22 octobre 1932 par Au Pays du Soleil. L’opérette marseillaise est née ! Son âge d’or se prolonge une quinzaine d’années grâce à des ouvrages qui sentent bon le soleil, la mer, le pastis et la lavande… Plusieurs d’entre-eux eurent la consécration cinématographique.
Après 1945, les Français se prennent à rêver de rivages plus lointains et font fête à des ouvrages qui les transportent sous d’autres cieux ensoleillés : L’Espagne ou le Mexique. L’exotisme marseillais en pâtit d’autant que ses deux principaux protagonistes disparaissent à quelques mois d’intervalle au début des années cinquante. Plus de créations alors, mais un répertoire qui se maintient longtemps, surtout grâce à la trilogie constituée par Un de La Canebière, Au pays du Soleil et Trois de la Marine. Aujourd’hui, seul Un de La Canebière est encore régulièrement inscrit au répertoire des théâtres de France.
La première opérette marseillaise, Au Pays du Soleil, a permis à ses auteurs de faire connaître les coins et décors pittoresques de Marseille qui vont de la rue Fortia à Notre-Dame de la Garde, en passant par le marché aux fleurs du Cours Saint-Louis, la fête locale de Saint-Giniez ou les bas-fonds de la cité Phocéenne, tels qu’ils se présentaient au cours des années trente.
La création a donc lieu le 22 octobre 1932 au petit théâtre du Moulin de la Chanson (200 places). On refuse du monde chaque soir et les protagonistes se mettront rapidement en quête d’établissements plus importants. À partir du 3 janvier 1933, la pièce sera ainsi successivement jouée à Bobino, au Pavillon, à l’Européen, à l’Empire, aux Folies Wagram et sur la scène de l’Ambigu Comique (dernière représentation le 26 novembre 1933).
La musique composée par Vincent Scotto comporte quelques airs qui ont connu un succès durable : « Miette », « J’ai rêvé d’une fleur », « La Valse à petits pas », « Zou, un peu d’aïoli », « Un fondu, un momo » et, bien entendu, « Au Pays du Soleil ».
— L’argument
Le jeune marseillais Titien, fils d’Anaïs, la patronne du restaurant « La Rascasse », aime d’amour tendre Miette, la fille de Rizoul. Tout serait donc pour le mieux si Rizoul ne destinait pas sa fille à Bouffetranche, riche quinquagénaire et si Titin ne fréquentait pas Francis, un mauvais garçon comme il en existe dans tous les ports du monde. Titin se dispute avec Miette au sujet du projet de mariage avec Bouffetranche et avec Anaïs qui lui reproche ses fréquentations.
Titin quitte donc la maison maternelle et rejoint Francis. Ce dernier lui présente Mado, jeune femme au grand cœur mais aux mœurs dites légères. Depuis longtemps Mado a remarqué le jeune homme et elle ne lui cache pas l’intérêt qu’elle lui porte. Au cours d’une dispute, Francis tue un dénommé L’Inquiet et s’enfuit en abandonnant son revolver dans les mains de Titin qui se trouve là par hasard… Par hasard également passe Rizoul qui aperçoit Titin l’arme à la main. Il se persuade facilement qu’il a devant lui le meurtrier !
Quelques jours plus tard, au cabanon de Bouffetranche, une compagnie joyeuse s’apprête à déguster l’aïoli. Même Titin est de la fête… Il ne tarde pas à se réconcilier avec Miette et Rizoul les surprend en train de s’embrasser. Furieux, il se dispute avec le jeune homme, apprend à sa fille que ce dernier est un assassin et s’en va de ce pas à la Préfecture le dénoncer. Mais Mado, en dévoilant la vérité à la police, sauve Titin et permet l’arrestation de Francis. Bouffetranche comprend qu’il doit s’effacer. Miette épousera Titin et tout finira par des chansons, comme il se doit « Au Pays du Soleil ».
— La partition
Acte I : Introduction « Au pays du soleil » ; « Une rose » (Miette) ; « Miette » (Titin, Miette) ; « C’est un fondu » (Titin) ; « J’ai rêvé d’une fleur » (Miette, Titin) ; « Ma belle » (Anaïs ) ; « A petits pas » (La valse marseillaise) (Titin, Miette)
Acte II : Chœur « La danse des fadas » ; « Miette » (Titin, Miette) ; « Au pays du soleil » (Titin) ; « Zou… un peu d’aïoli » (Titin) ; Final « Au pays du soleil »
— Fiche technique Fiche technique
Au Pays du Soleil
Opérette marseillaise en deux actes, livret et couplets d’Henri Alibert et René Sarvil, musique de Vincent Scotto. Création à Paris, au théâtre du Moulin de la Chanson, le 22 octobre 1932. Avec :
Jenny Helia (Miette), Renée Dennsy (Mado), Marte Marty (Anaïs), Gerlatta (Mme Estassi), Henri Alibert (Titin), Gorlett (Chichois), Henry Vilbert (Bouffetranche), Delmont (Rizoul), René Sarvil. (L’Inquiet) Direction musicale, Georges Sellers.
Editions Salabert
— Discographie
Sélections
Janine Ervil, René Novan, Pierre Denain, René Sarvil. Orch. André Grassi
Vega ST 30012 (1 V)(+ Un de la Canebière)
ou Universal/Accord 476 2107 (2CD) (+ Arènes joyeuses + Trois de la Marine + Un de la Canebière)
Claudine Granger, Francis Lorca . Orch. Claude Quinet
TLP 91015 (1 V) & TLP 14320 (1 CD)(+ Trois de la Marine + Un de la Canebière)
Jean Daniel, Marco Perrin, Lucie Dolène, Dominique Blanchar, Robert Destain, Christian Asse, Annie Roudier, André Roggers, Julien Maffre, Andrex, Jacques Derlys, Gisèle Leduc, Colette Devarge, Fred Triollet
RTF 1961
— Références
Vous retrouverez Au Pays du Soleil et toutes les principales opérettes de Vincent Scotto dans « Opérette » n° 92. Si cet article vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification: 26/02/2024