Juan Morata (1899-1977)
Juan Morata, de son vrai nom André Fabresse, est né le 31 mars 1899 ; il est mort en 1977. Ce compositeur catalan a popularisé la sardane. Il est le compositeur de nombreux airs typiques catalans. On raconte d’ailleurs que c’est en écoutant son premier microsillon « Bal catalan » que Henri Varna a découvert de musicien.
Quelques-unes de ses meilleures œuvres ont été réunies et adaptées pour l’opérette Les amours de Don Juan, représentée au théâtre Mogador.
L’année 1955 fut particulièrement faste pour l’opérette à Paris. Le théâtre du Châtelet présentait La Toison d’or, avant d’accueillir Tino Rossi pour ses débuts dans l’opérette avec Méditerranée. La Gaîté-Lyrique tenait un beau succès avec Pampanilla de Jacques-Henri Rys, et s’apprêtait à monter Chevalier du Ciel, pour la rentrée de Luis Mariano. Lopez triomphait également au théâtre de la Porte Saint-Martin avec A la Jamaïque. À l’Européen, Roger Nicolas remplissait chaque soir la salle avec Mon p’tit pote de Jack Ledru. Et le théâtre Mogador affichait depuis décembre 1953, Les amants de Venise, l’opérette posthume de Vincent Scotto, chantée par le couple vedette Marcel Merkès et Paulette Merval.
Après deux années de succès, la carrière des Amants de Venise s’achevait. Le directeur Henri Varna fit une nouvelle fois confiance à Marcel Merkès et Paulette Merval. Il fut séduit par la musique catalane de Juan Morata, qui servit de support au livret qu’il devait tirer d’un ouvrage de Lord Byron, aidé en cela par Marc-Cab et René Richard. Notons que l’ouvrage comportait des musiques additionnelles de Paulette Zévaco, qui fut, pendant plusieurs décennies, la collaboratrice de Vincent Scotto.
La première des Amours de Don Juan eut lieu le 23 décembre 1955. Ce fut un véritable régal pour les yeux et les oreilles. Claude Sarraute écrivait dans « Le Monde » : « Le luxe de ce spectacle est l’un des plus somptueux qui nous aient été présentés jusqu’à ce jour au théâtre Mogador ».
Marcel Merkès et Paulette Merval interprétèrent l’ouvrage pendant plus d’un an. Puis ils cédèrent leur place pour quelques semaines à Jacques Jansen et Jacqueline de Bourges.
Les amours de Don Juan poursuivirent leur brillante carrière sur les scènes de province. L’ouvrage est aujourd’hui bien oublié. En effet, s’agissant d’une sorte de voyage autour du monde, il nécessite un investissement (décors, costumes, mise en scène, chorégraphie), qu’aucun théâtre ne consentirait aujourd’hui.
— L’argument
Notre Don Juan est l’arrière petit-fils du Don Juan de légende. S’il est la coqueluche de toutes les femmes, il n’en est pas moins chevaleresque, humain et capable de tendresse.
L’action débute à Valence, où notre séducteur a donné rendez-vous à la belle Dona Julia, épouse d’un vieux mari jaloux. La rencontre est préparée par Antonia, la camériste de la jeune femme, et Pedro, le valet de Don Juan. Pedro s’enflamme pour Antonia. Inutilement, car la soubrette tombe irrésistiblement amoureuse de Don Juan, dès qu’il paraît. Le jeune homme est lui-même attiré par Antonia, qu’il trouve plus jolie que sa maîtresse. Il lui conterait volontiers fleurette, sans l’intervention de Pedro qui le supplie de ne pas marcher sur ses brisées. Juan se rabat sur Dona Julia qu’il enlève à la barbe du mari. L’esclandre fait grand bruit, et le Roi exile le séducteur.
Antonia, qui s’est juré de rendre Don Juan amoureux d’elle, s’embarque sur le même bateau. La tempête se lève et le navire fait naufrage. Juan, ignorant ce que sont devenus Antonia et Pedro, est recueilli par Haïdée, la fille du corsaire Lambro. Bien sûr Haïdée tombe amoureuse du séducteur. Bien sûr notre héros s’enflamme pour sa ravissante hôtesse. Il est prêt à devenir corsaire et à l’épouser, lorsqu’il apprend que Lambro a fait embarquer Pedro et Antonia pour Constantinople, où ils seront vendus comme esclaves. Don Juan se précipite au secours de ses amis.
À Constantinople, Antonia est destinée à enrichir le harem du sultan. Quant à Pedro, il deviendra eunuque, avec toutes les conséquences malheureuses qui s’attachent à ces fonctions.
Lorsque Don Juan arrive, il ne lui reste plus qu’à tenter de pénétrer dans le sérail, ce qui n’est pas fait pour lui déplaire. Il réussit à rejoindre ses amis, mais il est fait prisonnier et condamné à mort. Avant de le faire exécuter, le Sultan accepte d’exaucer son dernier vœu. Don Juan demande à passer sa dernière nuit dans le sérail…
Pour la suite, il faut savoir que la ville de Constantinople est en ce moment encerclée par les cosaques de l’Impératrice Catherine II de Russie. Le charme de Don Juan agit sur les femmes du harem. Avec leur complicité, il réussit à remettre les clés de la ville au général russe. Ce dernier le charge de porter la bonne nouvelle à l’Impératrice. Il arrive à la cour, accompagné de ses amis. Catherine ne résiste pas, elle non plus, au séducteur et Don Juan devient bientôt favori.
Les semaines passent… Antonia est jalouse ; Don Juan s’ennuie. Les trois amis décident de partir. Pour cela, Don Juan feint d’être empoisonné. Catherine, persuadée qu’il est victime d’une intrigue de cour, fait taire son cœur et l’envoie en Angleterre en mission diplomatique.
Nous retrouvons nos héros quelques semaines plus tard dans la résidence écossaise de Lord Henry, le Chancelier au Foreign Office. Une intrigue se noue entre Don Juan et Lady Adeline, l’épouse du Chancelier. Antonia flirte ouvertement avec Lord Henry. Ce qui ne plait pas du tout à Don Juan. Il comprend qu’il est maintenant réellement amoureux d’Antonia. La jeune fille, qui craint être l’objet d’une passion passagère, s’enfuit en Espagne. Don Juan s’élance à sa poursuite et finit par la rejoindre. Antonia comprend qu’il est sincère et ne tarde pas à se jeter dans ses bras. Ils pourront donc être heureux et avoir beaucoup de petits Don Juan.
— La partition
Acte I : Ouverture ; Chœur d’entrée « Venez tous, approchez » ; « Le soleil catalan » (Antonia) ; « Messager des amants » (Pedro) ; Chœur des maris et des femmes ; « Un appel de castagnettes » (Don Juan) ; « Gai marin » (le capitaine) ; « Adieu mon Espagne » (Don Juan) ; Ballet et chœur des suivantes d’Haïdée ; « Complainte grecque » (Haïdée) ; « Doï Doïna » (chœurs) ; « Tous les hommes sont volages » (Antonia, chœurs) ; « Le marché aux esclaves » (chœurs) ; « Mektoub » (Pedro, Antonia) ; Chœur des eunuques ; « La Fatma de Mustapha » (la Grande Caïda) ; Chœur des Odalisques et entrée de la Sultane ; « Mon premier amour » (Don Juan) ; Final I
Acte II: Chœur Cosaque ; « Prend ton sac Douchka » (Don Juan, Antonia) ; « L’Impératrice nous a souri » (Maroussia) « Da ! da ! niet ! niet !« (Pedro, Maroussia) ; chœur des Pâques ; « Un appel de castagnettes » (Juan, Pedro, Antonia) ; Défilé écossais (chœurs) ; « Flamenco de l’amor » (Pedro, Lady Pinchbeck) ; « Ne dites pas je t’aime » (Antonia) ; « Viens, mon cœur est tout à toi » (Don Juan) ; Final II
— Fiche technique
Les Amours de Don Juan
Opérette en 2 actes et 20 tableaux. Livret et lyrics : Henri Varna, Marc-Cab et René Richard, d’après le « Don Juan » de Lord Byron. Musique : Juan Morata ; airs additionnels de Paulette Zévaco. Orchestration : Jacques Météhen ; mise en scène d’Henri Varna ; maquettes des costumes, José de Zamora ; décors d’après les maquettes de José de Zamora et Pelegry.
Création à Paris, théâtre Mogador, le 23 décembre 1955. Avec :
Paulette Merval (Antonia), Frédérique (La Grande Caïda, Lady Pinchbeck), Lisa Conti (Haïdée), Martine Mauclair (Lady Adeline), Claude Pasquier (Catherine II), Lynda Delmar (Maroussia), Marcel Merkès (Don Juan), Eddy Rasimy (Pedro), Georges Wion (le capitaine), Léo Peltier (Don Alfonso, Le Ministre des Finances, Lord Henry), Jacques Herrieu (Le Sultan, Le Ministre de la Guerre), Jean Marcovitch (Lambro, Souvaroff). Direction musicale, Serge Bessière ; le « Ballet de France », animé par Evelyne Gray.
Editions Chappell
— Discographie
1 disque 25cm 33T Odéon FOC 1016 (ou deux 45T) avec Marcel Merkès (Don Juan) et Paulette Merval (Antonia). Orchestre, direction Serge Bessière.
— Références
Vous retrouverez Les Amours de Don Juan dans « Opérette » n° 99 & 164. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification: 26/02/2024