Une création et une reprise nous sont proposées à l’Opéra Garnier pour célébrer Maurice Ravel. Les thématiques liées à l’univers de l’enfance ont toujours passionné le musicien. Charles Perrault, Madame d’Aulnoy ainsi que Madame Leprince de Beaumont – sans oublier Colette – furent pour lui de précieuses sources d’inspiration pour immortaliser tous les personnages de cet univers fantastique qu’il a si subtilement mis en musique.
Une création, donc, avec le ballet Ma mère l’oye. L’ouvrage est découpé en 12 tableaux relatant, entre autres, les mésaventures du Petit chaperon rouge, du Petit poucet, de la Belle au bois dormant, de Barbe-bleue ou de la Belle et la bête. Les danseurs sont les jeunes artistes en résidence à l’Académie de l’Opéra National de Paris. Exemples de talents en herbe pour la plupart, ils nous offrent une belle démonstration de leur travail et de leur potentiel pour devenir de grands artistes. La chorégraphie est signée Martin Chaix et le décor de Camille Dugas. Les costumes d’Aleksandar Noshpal constituent un ensemble d’un blanc immaculé ; le tout est fort agréable à voir, mais on ne distingue plus vraiment les différents personnages des contes proposés, ce qui est fort dommage. De ce fait notre attention faiblit et une monotonie se fait alors sentir. Le parti pris monochrome n’était certainement pas le meilleur à envisager. Néanmoins, la partition de Ravel reste sublime et nos oreilles sont fort heureusement charmées.
La reprise de L’Enfant et les sortilèges demeurait fort attendue à la suite de son annulation en 2020 (due à plusieurs événements fâcheux). Elle nous permet de retrouver le petit monde animé si joliment croqué par Colette. Un monde magique tout d’abord, où sont dépeints tout à la fois l’innocence et la fragilité de l’enfance, ainsi qu’un monde fantastique dans lequel meubles et objets s’animent, tandis que d’autres dansent le menuet – il s’agit bien là d’une véritable folie visuelle et sonore.
La scénographie imaginée par Richard Jones et Antony McDonald sert parfaitement l’ouvrage où objets, animaux et éléments divers sont personnifiés : la magie opère à merveille. Il en va de même pour l’élégance des costumes, que ces deux derniers ont imaginés et que nous avons particulièrement appréciés.
Du côté des artistes lyrique, on notera que la plupart d’entre eux sont issus soit de la Troupe lyrique de l’Opéra National de Paris, soit de l’Académie du même Opéra. La solide construction de l’ouvrage permet à chacune et à chacun de dévoiler leur savoir-faire dans leurs emplois respectifs.
Dans le rôle de l’enfant, Seray Pinar – jeune et prometteuse mezzo-soprano d’origine turque a fait forte impression. Malheureusement Cornelia Oncioiu, qui tenait de multiples emplois (dont celui de la mère) était souffrante ce soir-là et n’a donc pu nous offrir toute l’ampleur de ses talents.
Astucieusement chorégraphiés par Amir Hossein, ces 45 minutes de féerie en compagnie d’animaux improbables et d’objets magiques ont passé vite.
Quant à l’Orchestre de l’Opéra de Paris, sous la baguette de Patrick Lange, il nous a enveloppés dans le chatoiement des pages immortelles de Maurice Ravel dont le couplage de ces deux œuvres nous a permis d’apprécier tout particulièrement la subtilité et le raffinement .
Philippe POCIDALO
23 novembre 2023
Hommage aux combattants de la guerre 1914-1918
Comme chaque année, à l’occasion de la commémoration de l’Armistice, un hommage a été rendu à l’Opéra de Paris aux combattants de la Première Guerre mondiale. Après la cérémonie d’usage, devant un public attentif et ému, rassemblé au pied du grand escalier, Patricia et Michel Courché accompagnés des artistes des Chœurs du Vexin normand et des Chants de l’Eure, ont interprété des airs de compositeurs ayant participé à cette guerre, et pour certains, ayant été gravement blessés.
– Le cri de guerre de la 6ème division d’infanterie de Jacques de la Presles qui, incorporé dès 1914, participa aux combats de Verdun et fut gravement gazé.
– Une très émouvante interprétation par Patricia et Michel Courché de La Lettre, adressée par un soldat à sa compagne, et de la tendre réponse de celle-ci, composées par Pierre Vellones qui reçut la Croix de Guerre pour sa bravoure.
– Trois beaux oiseaux du paradis, de Maurice Ravel ; le compositeur tenait absolument à s’engager mais, de faible constitution physique, il tomba gravement malade. Ravel refusa toujours de faire de sa musique un outil de propagande nationaliste, mais dédia Le Tombeau de Couperin à ses amis tombés au front. – Invocation, de Claude Debussy, lequel illustra par ses dernières compositions les souffrances d’une France meurtrie ; souvenons-nous du poignant Noël des enfants qui n’ont plus de maison.
– La petite bague de la tranchée, de Paul Ladmirault, compositeur très engagé dans la culture bretonne et qui fut profondément marqué par sa participation à la guerre.
– Le jardin mouillé, d’Albert Roussel qui, bien qu’âgé de 45 ans, reprit du service pendant la guerre. – La Croix douloureuse, d’André Caplet, nommé chef d’orchestre de l’Opéra de Paris en 1914 et, bien qu’exempté du service militaire, s’engagea dans le conflit et fut gazé.
– Le quatuor Vérité, Beauté, Bonté, Souffrance, extrait de Guercoeur d’Albéric Magnard ; le compositeur, demeuré seul dans son manoir de l’Oise pendant le conflit, tua un soldat allemand, avant de mourir dans l’incendie de sa demeure.
– Le final de Ciboulette, de Reynaldo Hahn ; combattant dès 1914, Reynaldo Hahn reçut plusieurs citations et la Croix de Guerre.
Christiane Izel
16 novembre 2023