A l’exception de No, No, Nanette – dont la version française telle qu’elle est souvent représentée dans notre pays – ressemble davantage à une opérette – aucune véritable comédie musicale n’avait jamais été encore affichée au Théâtre de l’Odéon. On se réjouit donc, que cette célèbre institution marseillaise ait eu l’idée d’ouvrir sa saison avec La Cage aux Folles de Jerry Herman compositeur de Dear World et de Mame mais surtout de Hello Dolly ! qui a eu l’idée de faire de la pièce de Jean Poiret (1992) un musical qui demeure un grand succès
L’adaptation proposée au Théâtre de l’Odéon a été écrite avec autant de fidélité que de soins par Fabrice Todaro. Il s’agit au demeurant de la reprise d’une production représentée à l’Opéra de Nice en septembre 2019 et que Maurice Xiberras a très opportunément mis à l’affiche de la maison marseillaise en raison du succès obtenu sur la Côte d’Azur.
Comme on ne change pas une équipe qui gagne, on retrouve les interprètes de cette version française, puisqu’aux côtés de Fabrice Todaro excellent dans ce double-rôle travesti d’Albin /Zaza (à plusieurs reprises on pense inévitablement à Michel Serrault, ce qui est évidement un compliment), on peut apprécier l’excellent Rémi Cotta lui aussi habitué du répertoire de comédie musicale qui apporte à George une élégance innée. Le couple fonctionne à merveille parce que fondé sur une constante complicité et ne tombant jamais dans la caricature avec des passages parfois émouvants, venant crédibiliser l’amour que ces deux êtres se portent.
Et puis il y a un second couple, particulièrement glamour, celui formé par les deux jeunes gens : le fringant Julien Salvia (Jean-Michel) lui aussi grand habitué de la comédie musicale (et en outre, l’un des plus éminents compositeurs de comédie musicale en France) et la séduisante Marlène Connan (Anne) aussi bonne comédienne que danseuse ce qui nous vaut un numéro de charme dans l’air « Avec Anne dans mes bras ». Pour incarner les inénarrables époux Dindon, l’Odéon a réuni deux artistes, véritables piliers de l’opérette, à savoir Carole Clin dans le rôle de Marie et Jean-Claude Calon dans celui d’Edouard. C’est évidemment un moment délectable de voir les deux artistes si talentueux s’adonner à un numéro jubilatoire lorsqu’ils découvrent avec effarement dans quel piège ils sont tombés. Cela est d’autant plus drôle puisqu’il s’agit d’un député chantre de la morale sans concession, accompagné d’une épouse qui se laisserait sans doute davantage convaincre par un regard conciliateur.
Qui dit Cage aux folles suppose que le serviteur exotique Jacob crève l’écran et c’est bien le cas avec Thorian-Jackson de Decker qui par son abattage compte parmi les attractions de la soirée, tandis que danseurs et danseuses animent de manière électrisante la scène. Il faut, d’ailleurs, saluer la performance des hommes qui pour la circonstance, portent des talons aiguilles de plus de 15 cm de haut !
La mise en scène et la chorégraphie sont menées de main de maître par Serge Manguette qui depuis la création de cette adaptation française à l’Opéra de Nice n’a cessé de conduire cette œuvre au succès notamment dans une tournée a travers l’Italie avec des artistes de ce pays. L’Odéon a par ailleurs proposé une belle scénographie et surtout s’est employé à sonoriser avec beaucoup de soins cette comédie musicale. On se doit aussi de féliciter Christian et André Mornet qui ont conduit avec quelques musiciens cette œuvre au succès par la qualité de leur prestation.
Il est vrai qu’au cours de la représentation, les spectateurs n’ont eu de cesse d’applaudir en cadence et même de se lever pour danser et provoquer également d’innombrables rappels. Il faut évidement se réjouir de ce retentissant succès en espérant qu’il ouvre un nouvel épisode de l’histoire de l’Odéon afin que ce théâtre accueille à l’avenir tout un répertoire de comédies musicales, capable d’enthousiasmer le public marseillais comme il le fait si bien depuis des années avec l’opérette.
Eugène Beauvois
21 octobre 2023