La magie s’invite dans ce conte philosophique créé à Vienne en 1758, acte composé par Christoph Willibald Gluck dont le livret fut écrit en français.
Les deux héros de l’aventure, Pierrot et Scapin, naufragés rescapés d’une terrible tempête, échouent au royaume de Merlin. Décidés à faire fortune comme on leur avait prédit, nous les trouvons attablés dans un restaurant où un copieux repas leur est servi. Ils vont alors apercevoir Argentine et Diamantine qu’ils vont trouver tout à fait à leur goût. Malheureusement les lois du monde inversé vont leur réserver quelques surprises : les habitants des lieux vont leur exposer les mœurs et règles en usage. Nos deux héros vont devoir affronter (sans violence, car bannie par la loi) leurs rivaux dans l’espoir d’épouser les promises. Ce sera pour eux l’occasion de croiser une palette de personnages assez cocasses, allant d’un philosophe à un procureur en passant par une femme médecin ou à un chevalier poète.

Entre satire et critique, nous sommes plongés dans l’univers de Montesquieu avec ses Lettres persanes ou de Marivaux avec son Île des esclaves. Le naufrage de nos héros au royaume de Merlin sert de prétexte à exercer une piquante critique pointant du doigt les inégalités de l’époque.
La version proposée aujourd’hui par Myriam Marzouki et Sébastien Lepotvin (dramaturge et adaptateur des dialogues) nous apparaît d’une incroyable modernité et fait mouche à chaque réplique. Les interprètes, en plus d’être dotés de solides voix, se révèlent d’excellents comédiens. Certains font partie de l’Académie de l’Opéra-Comique, d’autres, artistes invités, sont déjà très confirmés.
La commedia dell’arte n’est pas loin pour le bonheur de jeunes spectateurs venus pour la plupart découvrir un opéra avec leur classe. Assister à un spectacle lyrique pour la première fois sera peut-être une révélation… L’astuce aura été, pour les artisans du spectacle, de réussir à incorporer des airs contemporains jazzy et de variété qui donnent une incroyable modernité à l’ouvrage.
Les doigts agiles et décomplexés de la pianiste du jour, Flore-Élise Capelier, nous baladent de Francis Lai à Joe Dassin en passant par Henry Mancini (impayable panthère rose) pour le bonheur d’une salle plus qu’attentive aux déboires de nos infortunés marins que l’on croirait sortis d’un film de la MGM.

Drôle, frais et ludique, voilà une bien belle opportunité pour nos spectateurs en herbe de pénétrer dans le monde enchanté du lyrique.
Philippe Pocidalo
24 juin 2025
L’île de Merlin ou le monde renversé (Christophe Willibald Gluck)
Mise en scène : Myriam Marzouki – Direction musicale : Guillemette Daboval/ Sammy El Ghadab
Distribution :
Dominic Veilleux (Pierrot), Benoît Déchelotte (Scapin), Michèle Bréant (Argentine), Fanny Soyer ( Diamantine)
et Ulysse Timoteo – Léontine Maridat-Zimmerlin – Vincent Guérin – Gulliver Hecq.