Les Années folles, Nice

Les Années folles, Nice

(© D. R.)

 De l’époque des Années Folles à « Nos Folles années » de Jacques Météhen

Préambule par Christian Jarniat

 Les Années Folles : une époque dorée pour la chanson, l’opérette et l’émancipation des femmes

On retrouve après la première guerre mondiale une irrépressible envie de s’amuser. On fait la fête pour oublier les horreurs de la guerre. La génération montante rêve d’un monde différent. On se grise sur les accents d’une nouvelle musique venue des États Unis : le jazz fait son apparition avec de nouvelles danses trépidantes comme le charleston, le shimmy, le black bottom, le fox trot, et les rythmes syncopés du jazz remplissent les cabarets et dancings .Une soudaine passion et un goût certain pour les États-Unis, leurs valeurs et leur culture, caractérisent alors le Paris des années de l’après-guerre.

Revues et artistes de Broadway sont achetés à prix fort puis imités par des vedettes du music-hall et du cinéma comme Maurice Chevalier, Arletty, Yvonne Printemps, Dranem, Pauline Carton et Jean Gabin… Mais la France ne se contenta pas de récupérer les spectacles d’Outre- Atlantique : elle les adapta et créa ses propres spectacles et représentations. Ainsi régna, en ces années 1910-1930 insolentes et brillantes, l’âge d’or musical des Années Folles !

Yvain 4
Maurice Yvain
Christine 1
Henri Christiné

Nombre de compositeurs illustrèrent avec succès ces années folles avec un entrain, une légèreté, une folie douce. Ils transformèrent la traditionnelle opérette en comédie musicale à la française. Henri Christiné avait ouvert le bal avec la célèbre opérette  Phi -Phi créée le lendemain de l’armistice 1918. « Dans la vie faut pas s’en faire », chanson célèbre tirée de Dédé la seconde opérette de Christiné, marqua les débuts en 1921, de Maurice Chevalier dans l’opérette, à 33 ans. Elle fut jouée 1000 fois ! Ces deux opérettes consacrèrent, en outre, le plus célèbre des auteurs et librettistes de cette époque : Albert Willemetz qui, entre autres, écrivit les livrets de 63 opérettes pour des compositeurs aussi célèbres que André Messager, Arthur Honegger, Maurice Yvain, Raoul Moretti, Francis Lopez ! (Dossier Christiné)

Autre compositeur emblématique de ces Années folles : Maurice Yvain dont on connaît les chansons célèbres comme « Mon homme »; « La belote » ou «  En douce » pour Mistinguett et « Avec le sourire » ou « Dîtes-moi ma mère » pour Maurice Chevalier. On lui doit aussi des opérettes comme Pas sur la bouche, Là-haut ! ainsi que Ta bouche composée sur la Côte d’Azur puisque Albert Willemetz s’était installé à Saint Jean Cap Ferrat et Maurice Yvain à Saint Raphaël. Sa création eut lieu à Paris en 1922 . C’est sans doute, après Phi-Phi, le plus gros succès de cette époque avec beaucoup d’airs enjoués et rythmés et des duos plein de charme. (Dossier Yvain)

La belotte

avec le sourire

Les années folles, entre 1920 et 1930 marquèrent aussi l’émancipation des femmes et une revendication pour l’égalité des sexes. C’est à cette époque que naît le terme « garçonne » qui devint populaire avec le succès du roman La Garçonne de Victor Margueritte : une femme androgyne avec les cheveux coupés court à la mode de Coco Chanel. Le terme se veut alors synonyme de femme émancipée, active, et autonome, libre de ses mouvements – elle sort, danse, fume, a des pratiques sportives ou de plein air, conduit une automobile, voyage, et s’adonne aux mœurs débridés. C’est une femme libérée et souvent infidèle. Et on retrouve tout cela dans beaucoup de couplets libertins des opérettes ou des revues musicales de cette époque.

« Nos Folles années » l’opérette de Jacques Météhen

Compositeur et chef d’orchestre français, Jacques Météhen commence à se faire un nom dès les années 1930 en composant pour le cinéma. Cette expérience lui permet de se faire la main sur l’un des éléments les plus essentiels au succès d’une opérette : le sens du timing musical. Son style est caractérisé par une grande maîtrise de l’orchestration, une verve mélodique exceptionnelle et une sensibilité qui lui permettent d’adapter son travail à différents contextes artistiques.

Créé le 1er février 1968 à Avignon, et s’inscrivant dans la dynamique du renouveau de l’opérette dans la France de l’après-guerre, Nos Folles Années bénéficie de tout ce savoir-faire que Météhen a ainsi accumulé au fil de ses collaborations. Mais ici, le musicien s’amuse à créer un spectacle à partir de pages déjà existantes, qu’il réorganise et réorchestre sur un livret spécialement concocté par un orfèvre du genre, Marc-Cab, librettiste et parolier niçois. L’intrigue se déroule dans une ambiance légère et nostalgique, mettant en scène la période insouciante et joyeuse, celle des « Années folles ». Jacques Métehen a choisi et arrangé des musiques de Henri Christiné, Maurice Yvain, Vincent Scotto, Padilla, Vincent Youmans, Richard Rodgers, Irving Berlin et autres compositeurs emblématiques de cette époque sur des textes de Marc Cab.

3 affiches

Ce sont ces pages musicales brillantes et rythmées qui ont été reprises pour le spectacle Les Années Folles proposé par l’Opéra de Nice dans le cadre de la 23e édition du Festival d’opérette et de comédie musicale de la Ville de Nice.

  Un monde fou pour les Années Folles

à l’Opéra de Nice, par André Peyrègne

Comment peut-on remplir un opéra ? En montant des ouvrages sophistiqués avec des distributions prestigieuses et des metteurs en scène de gala ? Non : en proposant simplement un florilège d’airs d’opérettes et de chansons des années folles.
C’est ce que vient de faire l’Opéra de Nice dans le cadre du Festival d’opérette dirigé, au niveau artistique, par Melcha Coder.

Les Années folles ont attiré un monde fou. Ces Années folles sont de grande tradition à Nice. Après la Seconde Guerre Mondiale, la Côte d’Azur fut, avec Paris, la région de France qui connut la plus grande explosion musicale. Tandis que le jazz débarquait à Juan-les-Pins autour de Scott Fitzgerald, le célèbre Casino de la Jetée-Promenade à Nice, dont toutes les gravures de l’époque gardent le souvenir de la silhouette mauresque, accueillait les opérettes de Maurice Yvain truffées de bons mots (plutôt misogynes) d’Albert Willemetz : « Un gentleman est un monsieur qui ne bat jamais sa femme sans ôter son chapeau » ou « Les femmes, il est impossible de savoir ce qu’elles pensent ni de prévoir ce qu’elles dépensent » !

3 folles annees
(© D. R.)

C’est cette ambiance-là qu’on a retrouvée, l’espace d’un soir, sur la scène de l’Opéra de Nice dans un spectacle ficelé de main de maître par Serge Manguette. Cet homme au talent rare peut vous monter en un tournemain une soirée d’opérette ou de comédie musicale. Participant lui-même au spectacle, il se déplace sur scène avec une souplesse swingante, au milieu des paillettes, des strass et des rythmes jazzy. La philosophie de la soirée était simple : « Dans la vie faut pas s’en faire ! … » Cette chanson de Maurice Chevalier nous fut chantée et « jouée » par le très bon Thomas Morris. À ses côtés, Laeticia Goepfert et Rémy Mathieu tenaient avec brio le devant de la scène.

Le désopilante antiboise Priscilla Beyrand, sorte de réincarnation d’Annie Cordy, déploya tant d’énergie qu’on la verrait bien dans une pub pour piles électriques. Quant au ballet Alzetta, enflammé par les rythmes de charleston, il étincela dans un festival de gambettes façon Mistinguett.

Ce soir-là – oh, luxe ! – on eut droit au Philharmonique de Nice, efficacement dirigé par Sébastien Driant. Le sérieux orchestre niçois empruntait là un chemin buissonnier entre un concert Mahler et une soirée Schönberg.

2 Folles annees 5 1
La troupe autour de Melcha Coder (© D. R.)

Quand le spectacle arriva à sa fin, on se dit qu’il fût bien court. On aurait volontiers entendu encore quelques autres airs célèbres. On en aurait voulu davantage. Cela est la preuve qu’on avait passé un bon moment !

André Peyregne
29 novembre 2024

Imprimer
Cookies
Nous utilisons des cookies. Vous pouvez configurer ou refuser les cookies dans votre navigateur. Vous pouvez aussi accepter tous les cookies en cliquant sur le bouton « Accepter tous les cookies ». Pour plus d’informations, vous pouvez consulter notre Politique de confidentialité et des cookies.