Le projet “Opéra pour tous” du Théâtre du Châtelet poursuit plusieurs objectifs clés, centrés sur la démocratisation, l’éducation et la valorisation du répertoire lyrique, grâce en particulier à une tarification abordable pour briser les barrières économiques (5 à 50 €), une compréhension facilitée par des livrets simples, des sous-titres en français et une mise en scène attractive et théâtrale pour attirer un public non initié.

La commémoration du 150e anniversaire de la mort de Georges Bizet avec une reprise innovante de L’Arlésienne (dans sa version intégrale adaptée en conte musical) et Le Docteur Miracle, deux œuvres oubliées, dans un format associant musique, théâtre, danse et histoire, constituent un diptyque adapté pour créer ces expériences immersives et éducatives. Démystifier l’opéra, célébrer le patrimoine musical français et créer un lien social par l’art, en alliant tradition et modernité, pédagogie et spectacle illustrent la devise du Châtelet « Puissions-nous prouver que le Châtelet est le théâtre de tous ! »
Cette nouvelle production, coproduction avec les Opéra de Tours / Opéra de Rouen Normandie / Bru Zane France / Opéra de Lausanne (pour Le Docteur Miracle) permet à Pierre Lebon (mise en scène, décors et costumes) de recréer une atmosphère différente pour chacune des deux œuvres, nostalgique et émouvante pour L’Arlésienne, œuvre de maturité (1872) et au contraire farce endiablée avec le Docteur Miracle qui marque en 1857 l’entrée officielle du jeune Bizet sur la scène parisienne.
Les éléments de décors monumentaux du premier ouvrage rappellent la Provence avec son moulin démesuré, les costumes typiques et les couleurs bistres éclairées par touches de fonds de ciel bleu ou d’épis de blé jaunes alors que la deuxième partie du spectacle nous transporte dans un théâtre de tréteaux, les personnages sont vêtus de couleur rouge et place à la commedia dell’arte !
La direction d’acteur est précise, aux atmosphères contrastées : mélancolique voire pesante pour le drame de l’Arlésienne malgré les passages chorégraphiés, endiablée et comique comme une pièce de théâtre de boulevard pour Le Docteur Miracle.
L’Arlésienne, adaptation de la nouvelle d’Alphonse Daudet par Hervé Lacombe s’inspire du suicide d’un jeune homme amoureux, en fait petit-neveu de Frédéric Mistral. Musique de scène créée initialement en 1872 au théâtre du Vaudeville à Paris, ce conte musical se déroule autour d’un récitant (Balthazar) incarné par Eddie Chignara, comédien charismatique, entouré par deux danseurs, Aurélien Bednarek et Iris Florentiny, dont la chorégraphie dessine l’évolution du drame. Pierre Lebon en Innocent et le chœur (incarné par les quatre interprètes du Docteur Miracle) complètent avec talent cette distribution.
Après l’entracte, changement de registre et place à la bonne humeur.

Oubliée pendant près d’un siècle, l’opérette Le Docteur Miracle est redécouverte en 1951 et cette nouvelle production imaginée par Pierre Lebon sur une idée du Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française – nous permet de suivre l’aventure épique du prétendu Docteur Miracle qui se joue du Podestat de Padoue pour conquérir sa fille Laurette, suscitant le rire et l’émotion car, en dépit du charlatanisme et du poison, c’est toujours l’amour et le chant qui triomphent !


Un irrésistible quatuor vocal, Dima Bawab (Laurette), Héloïse Mas (Véronique, Marc Mauillon (Silvio), Thomas Dolié (Le podestat de Padoue), chanteurs aguerris au grand répertoire d’opéra, irradient de drôlerie ce Docteur Miracle dont le fameux air « Voici l’omelette » nous fait regretter sur les scènes la rareté de cet ouvrage à la vis comica bien ajustée. En assistant du Docteur Miracle Pierre Lebon confirme à nouveau qu’il est, en plus du metteur en scène que nous avons loué, un excellent comédien.
La cheffe Sora Elisabeth Lee et l’Orchestre de chambre de Paris soutiennent avec brio le plateau vocal et les divers interprètes de ces deux moments musicaux. Soirée très applaudie par les spectateurs enthousiastes confirmant que Bizet ne se résume pas uniquement à Carmen
Catherine Pellegrin
27 mai 2025
Direction musicale : Sora Elisabeth Lee – Mise en scène, décors et costumes : Pierre Lebon – Assistante à la mise en scène : Garance Coquart – Lumières : Bertrand Killy — Orchestre de chambre de Paris
L’Arlésienne :
Eddie Chignara (Balthazar) – Pierre Lebon (L’Innocent) – Aurélien Bednarek (Mitifio / Frédéri : danseur) – Iris Florentiny (Rose / Vivette : danseuse) – Dima Bawab (Soprano) – Héloïse Mas (Mezzo-soprano) – Marc Mauillon (Ténor) –Thomas Dolié) (Baryton).
Le Docteur Miracle
Dima Bawab (Laurette) – Héloïse Mas (Véronique) – Marc Mauillon (Silvio) – Thomas Dolié (Le podestat de Padoue) – Pierre Lebon (L’assistant du Docteur Miracle).