André Messager (1853-1929)
1923 fut une année faste pour l’opérette et la comédie musicale : 33 créations dans la capitale dont un chapelet d’ouvrages qui méritent l’attention et quelques chefs-d’œuvre : L’Amour masqué (13 février), Là-Haut (31 mars), Les Linottes (un ouvrage méconnu d’Edouard Mathé d’après Courteline, 2 avril), Ciboulette (7 avril), Madame (14 décembre), La Dame en décolleté (22 décembre).
Parmi ceux-ci donc, L’Amour masqué qui, à l’origine devait s’appeler « J’ai deux amants ». L’idée première de solliciter Sacha Guitry revient au compositeur anglais Yvan Carryl qui lui demande un livret d’opérette. Guitry se met au travail, mais Carryl meurt avant que le projet puisse se concrétiser. Que cela ne tienne : Sacha Guitry fait appel à son ami André Messager. Heureux choix, car le jeune septuagénaire compose une partition particulièrement bienvenue :
« Le sujet était libertin, mais la musique était là pour atténuer ce qui risquait de paraître trop vif, dans la situation générale, autant que dans quelques expressions » (Michel Augé-Laribé [1])
De cette collaboration naît un chef d’œuvre qui triomphe au théâtre Edouard VII dès le 13 février 1923, avec, en tête d’affiche, l’auteur du livret lui-même et son épouse d’alors, l’exquise Yvonne Printemps. Jugeant l’interprétation de cette dernière, André Messager déclarait :
« Mademoiselle Yvonne Printemps est une artiste admirable. Elle n’avait jamais été entendue dans une œuvre lyrique de cette importance… Beaucoup de cantatrices pourraient prendre exemple sur elle… » (Comœdia, 14 février 1923).
Dans « Opérette », Didier Roumilhac écrit, évoquant les lendemains d’une première bien parisienne : « La presse ne tarit pas d’éloges, tant sur l’ouvrage que sur sa représentation. La critique parle en termes très flatteurs d’Yvonne Printemps, à l’instar de Raymond Charpentier : « La charmante divette de naguère nous est apparue avant-hier brillante étoile d’opérette : comédienne exquise et chanteuse légère munie d’une voix pleine, modulée, caressante et pourtant mordante, au timbre dégagé ». Le journal la rapproche d’Edmée Favart, qui, la même année, crée Ciboulette ».
Quant à Guitry, il semble un peu « déstabilisé » par l’univers musical dont il est par la nature même de son rôle parlé écarté ; Emile Vuillermoz parle de son « attitude pleine d’une bonne grâce un peu effrayée par toute cette jolie musique qui naissait sous ses pas et arrêtait à chaque instant son action qu’il a l’habitude de conduire avec un mouvement aussi irrésistible ». Que celui qui est resté célèbre pour l’hypertrophie de son « moi » ait été « fragilisé » par une partition, voilà qui ne pouvait que renforcer le charme d’une exécution ».
(1) « Messager », éditions « La Colombe”, 1951
— L’argument
Acte I
Elle a vingt ans. Elle est riche grâce à la libéralité de ses deux « protecteurs », le Baron d’Agnot et le Maharadjah, que, bien entendu, elle n’aime pas. Elle est tombée amoureuse d’un jeune inconnu dont elle a dérobé le portrait chez un photographe. Lui a quarante ans (et même un peu plus). La photo, qui date de vingt ans, est la sienne. Prévenu par le photographe, il se rend chez Elle pour récupérer son bien. Elle croit qu’il s’agit du père du jeune homme. Lui ne la contredit pas et accepte pour son fils l’invitation à un bal masqué birman qu’elle organise le soir même.
Acte II
Le prétendu fils arrive au bal masqué, ainsi que le baron et le Maharadjah (ce dernier flanqué d’un interprète) et huit autres invités (quatre femmes et quatre hommes). Les deux servantes, habillées comme leur maîtresse, devront se charger du baron et du Maharadjah, tandis qu’Elle passera la nuit avec Lui.
Acte III
Chacun semble avoir mis la nuit à profit, notamment la seconde servante avec le Baron d’Agnot. Par contre le Maharadjah est moins crédule et c’est avec l’interprète que la première servante a passé la nuit. Lui est donc arrivé à ses fins, mais il ne sait comment avouer la supercherie. C’est une piqûre de rose qui fera découvrir la vérité. Elle ne prend pas ombrage de la différence d’âge. D’ailleurs, elle reste fidèle à ses principes, c’est-à-dire d’avoir deux amants : pour l’occasion, le père et le fils réunis en une seule personne
— La partition
Acte I : Ouverture, compliment des servantes et air d’Elle « Vingt-ans » ; Couplets « J’ai deux amants » (Elle) ; Tango chanté (le baron) ; Quintette (Elle, l’Interprète, le Maharadjah, les deux servantes) ; Air du rêve (Elle) ; Final I « Je m’étais juré qu’à vingt ans »
Acte II : « Le plus grand plaisir » (Elle et les servantes) ; Ensemble « Fête charmante » ; Reprise « Fête charmante » et duo (Elle et Lui) ; Chanson des bonnes (le baron) ; Chant birman (le Maharadjah) ; Ensemble « C’est inouï ce que j’ai faim » et Chanson du Koutchiska (l’Interprète) ; Couplets du charme (Elle) ; Ensemble « Excusez-nous si nous partons » et final II
Acte III : « Ah! quelle nuit » (Lui) ; « Après un tel exploit » (1ère servante, Elle, l’Interprète) ; « Ah! quelle nuit » (le baron) ; « Pourquoi? » (Elle) : « Excellente combinaison » (2ème servante, l’Interprète) ; Final III (Elle)
— Fiche technique
L’Amour Masqué
Comédie musicale en 3 actes de Sacha Guitry, musique d’André Messager. Création à Paris, théâtre Edouard VII , le 15 février 1923 avec Yvonne Printemps (Elle), Sacha Guitry (Lui), Marthe Ferrare (1ère servante), Marie Dubas (2ème servante), Louis Maurel (l’Interprète), Urban (le Baron), Pierre Darmant (le Maharadjah).
Editions Salabert
—Discographie
Sélection
Florence Raynal, Caroline Clerc, Jean Marais, Jean Parédès, Robert Manuel. Orch. Raymond Legrand
Musidisc 202992 (1CD) & Decca 115 016 A (1V)
—Références
Vous retrouverez L’Amour Masqué dans « Opérette » n° 108, 114, 135, 164 & 184 . Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification: 26/02/2024