Edmond Audran (1840-1901)
Une mascotte, on le sait, est un porte-bonheur. Dans l’une des plus célèbres opérettes du répertoire, ce fétiche est représenté par Bettina, une gardeuse de dindons qui porte-bonheur à son maître, à condition toutefois de rester une pure jeune fille. Comment vint à Audran l’idée de construire une opérette à partir de ce personnage original ? Nous le savons grâce au fils du compositeur qui raconta toute l’histoire à Max de Rieux (1) :
« Mon oncle, capitaine au long cours avait donné à sa sœur, c’est-à-dire à ma mère, un bibelot rapporté d’Italie qu’il dénommait « une mascotte », sorte de fétiche florentin. Mon père qui, à l’époque, était maître de Chapelle à l’église Saint-Joseph, à Marseille, aperçut un jour ce bibelot sur la table à ouvrage de ma mère. Il fut intrigué et allait s’en emparer pour l’examiner de près.
Soudain, ma mère qui avait aperçu son geste s’écria, avec son accent délicieux du Midi (car elle était Marseillaise 100 pour 100) :
« Bonne mère, Edmond, ne touche pas à ma mascotte ».
Mon père, étonné, demanda pourquoi :
« parce que, » répondit ma mère, « cet objet porte bonheur, mais il ne faut que personne n’y touche, sans cela il perd son pouvoir ».
« Ah ! Ah ! Ah ! », dit mon père rêveur… Puis, peu à peu, dans son esprit imaginatif, le porte-bonheur prit l’aspect d’une femme, une femme qui porterait bonheur sans le savoir elle-même. Cette femme ne devait être touchée par personne et, par les efforts de son entourage, intéressé à son pouvoir magique, resterait pure.
Le scénario de la Mascotte était trouvé…, mon père l’expédia à ses collaborateurs habituels, Chivot et Duru, à Paris et ceux-ci en firent le livret, la musique vint ensuite et le tout fut présenté à Cantin, directeur des Bouffes-Parisiens, qui accepta la pièce d’emblée. »
En fait la genèse de cette opérette fut un peu plus compliquée que cela.
La Mascotte fut jouée pendant dix mois.
Reprise régulièrement à Paris jusqu’en 1935, La Mascotte fait escale à Mogador en 1944, une courte apparition à la Porte Saint-Martin en 1968, et n’a été ensuite donnée dans la capitale qu’en 2001, à l’Opéra Comique de Paris, dans une mise en scène de Jérôme Savary.
(1) Max de Rieux est à l’origine de la fameuse collection d’intégrales d’opérettes que Universal/ Accord a entrepris de rééditer. Il en fut le réalisateur jusqu’à sa disparition. Guy Lafarge lui succéda.
— L’argument
Acte I :
La ferme de Rocco
Bettina, l’accorte gardeuse de dindons, est une mascotte. Autrement dit, elle apportera à son maître bonheur et réussite tant qu’elle restera chaste et pure. Elle ignore ses dons, sa préoccupation actuelle étant son prochain mariage avec le berger Pippo, dont le maître, Rocco, est connu aux alentours pour la « guigne » qui le poursuit sans relâche.
Bettina est cédée à Rocco, mais celui-ci n’a guère le temps de profiter de ses dons. En effet, le Prince Laurent XVII, autre grand malchanceux, s’arrête à la ferme pour se rafraîchir, en compagnie de sa fille Fiametta et de son futur gendre Fritellini. Surprenant par hasard le secret de la jeune fille, il s’empresse de lui inventer de nobles aïeux et l’emmène à sa Cour.
Acte II :
Le palais du Prince
Depuis que Bettina est au Palais, la prospérité est revenue dans les états du Prince. L’ex-gardeuse de dindons est entourée de tant de prévenances qu’elle passe bientôt pour la maîtresse du souverain. Ce dernier, qui s’inquiète pour l’avenir, envisage sérieusement d’épouser sa mascotte, mariage blanc, bien entendu.
Pippo, déguisé en baladin, accourt pour retrouver son amoureuse. Reconnu, il est jeté en prison où il reçoit la visite de Fiametta. Celle-ci, qui avait été impressionnée à la ferme par la belle allure du berger, se laisserait volontiers conter fleurette par lui. Elle réussit à le rendre jaloux de Bettina et à se faire surprendre dans ses bras par Laurent XVII et les courtisans.
Scandale à la Cour ! Le Prince réagit avec une efficacité éphémère : Pippo est anobli et épousera Fiametta. Bettina, rendue à son tour jalouse, accepte d’accorder sa main au vieux monarque. Fritellini, congédié, quitte le Palais en proférant des menaces.
Au moment où la double union va se concrétiser, Pippo et Bettina comprennent qu’on se joue d’eux. Ils s’enfuient par une fenêtre…
Acte III :
Le camp des soldats de Fritellini
Rien ne va plus pour Laurent. À la tête de son armée, Fritellini lui inflige défaite sur défaite. Il est vrai que Pippo et Bettina ont rejoint ses rangs.
Laurent, Fiametta et Rocco se sont enfuis du Palais, déguisés en mendiants. Ils arrivent aux abords du camp de Fritellini à l’instant où l’on célèbre le mariage du capitaine Pippo et de Bettina. Le Prince révèle à Pippo les dons de son épouse et tente de le convaincre de ne pas consommer le mariage. Rocco, pour se venger du souverain déchu, le pousse au contraire à rejoindre sa femme. Pippo hésite, hésite… mais l’amour l’emporte et Bettina perd bientôt… ses dons.
Les fugitifs sont reconnus et arrêtés. Fiametta est si belle sous ses haillons et Fritellini à si grande allure dans son bel uniforme, que les deux anciens fiancés se réconcilient séance tenante.
L’allégresse devient générale lorsqu’on apprend que la « mascotterie » est héréditaire.
— La partition
Acte I : Ouverture ; Choeur « La vendange est terminée » ; Ballade « Ces envoyés du Paradis » (Pippo) ; « Je suis et je le démontre » (Bettina) ; Choeur et couplets des présages (Laurent XVII) ; « Nos grands seigneurs sont mal bâtis » (Fiametta) ; « Le je ne sais quoi » (Fritellini et Fiametta) ; Duetto « J’aim’ bien mes dindons » (Bettina et Pippo) ; Final I « On sonne, on sonne »
Acte II : Introduction et choeur des pages ; « Ah laissez-moi! » (Bettina) ; Air de Saltarello (Pippo) ; « Sais-tu que ces beaux habits-là » (Pippo, Bettina) ; « Mon cher, que vous êtes naïf » (Fritellini) ; Couplets « J’en suis tout à fait incapable » (Laurent XVII) ; Chanson du capitaine (Bettina) et final II
Acte III : Choeur « Matteo, verse à boire » ; « Très bien, bonjour, soldat » (Fritellini) ; Ensemble et chanson de l’orang-outang (Fiametta) ; Ariette « Je touche au but » (Pippo) ; Ensemble « Eh quoi Pippo! quand je vous réclame ; Final III « Et pourquoi donc crier ainsi »
— Fiche technique
La Mascotte
Opéra-comique en 3 actes de Henri Chivot et Alfred Duru; musique de Edmond Audran. Création à Paris, théâtre des Bouffes-Parisiens le 29 (ou le 30) décembre 1880 avec :
Mlles Montbazon (Bettina) et Dinelli (Fiametta), MM Morlet (Pippo), Charles Lamy (Fritellini), Hittemans (Laurent XVII), Raucourt (Rocco) et Desmonts (Mathéo).
Editions Choudens
— Discographie
Intégrales
Geneviève Moizan, Denise Cauchard, Robert Massard, Lucien Baroux, Bernard Alvi. Orch. R. Benedetti
Decca puis Carrère 67 759, 2 disques – repris en double CD (Accord-Universal 465877-2 (2000)
Freda Betti, Huguette Hennetier, Willy Clément, Gaston Rey, Raymond Amade, Robert Destain. Orch. ORTF: M. Cariven
Clio 002/3, 2 disques
Sélections
Geneviève Moizan, Denise Cauchard, Robert Massard, Lucien Baroux, Bernard Alvi. Orch. Robert Benedetti
Musidisc 202002, (2 CD) (+ Gillette de Narbonne) & Decca 100.098 (1 V)
Nadine Renaux, Liliane Berton, Michel Dens, Duvaleix, Claude Devos. Orch. J. Gressier
EMI C 057 10843 33T repris en CD par EPM/Emi
Claudine Granger, Lionel Lhote. Orch. Christian Lalune
Sélection du Reader’s Digest CD 3159.2 (3 CD) (+ Les Cloches de Corneville [Planquette] + La Fille de Mme Angot [Lecocq])
Christian Asse, Raymond Amade, Henri Bedex, Maria Murano, Henri Beaulieu, Maurice Derville, Josette Delly, Marcel Chambon
RTF 1957
— Références
Vous retrouverez La Mascotte dans « Opérette » n° 35, 83, 110, 120, 187 et 197. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification: 27/02/2024