Cette nouvelle édition, animée par TLA, la société d’Annie Grenier, a de nouveau ravi le public de la station thermale, avec cinq opérettes et trois concerts.
Quatre de ces cinq ouvrages, Andalousie, Violettes impériales, Viva Offenbach et L’Auberge du Cheval blanc ayant déjà été chroniqués dans leurs présentations à Toulouse ou Mérignac1, nous n’évoquerons ici que L’Auberge, dont la distribution était en partie différente, et le cinquième ouvrage, une nouvelle production, Princesse Czardas.
L’Auberge du Cheval Blanc
Elle nous permet de retrouver notre couple infernal, Caroline Géa, Joséfa aubergiste à fort tempérament, et son Léopold bien aimé, Grégory Benchenafi, tous deux très à l’aise dans leurs emplois.
Les tourtereaux, eux, ont changé : dans le rôle de Guy Florès, Mikhael Piccone succède à Marc Larcher, et dans celui de Sylvabelle, Eve Coquart à Chloé Chaume ; ces deux artistes, en parfaite symbiose, ont su nous charmer par leur fraîcheur. Un nouveau Bistagne également, en la personne du truculent Christian Blain tandis que Julie Morgane incarne la sosotte Clara sachant cependant faire tourner la tête à son Célestin confié ici à Vincent Alary. Quant à Claude Deschamps et Jean-Pierre Duclos, ils retrouvent leur emploi d’Empereur François-Joseph et de professeur Hinzelman.
Et c’est avec maestria que Franck Magne a conduit l’orchestre jusqu’au final tant attendu.. « Au joyeux Tyrol la gaieté prend son vol… »
Princesse Czardas
Cet ouvrage de Kalman, l’un des titres les plus représentés du musicien avec Comtesse Maritza, était présenté pour la première fois par TLA dans le cadre de ce Festival Lyrique.
Créé à Vienne en 1915, puis en langue française en 1921 à Anvers, l’ouvrage voit le jour à Paris en 1930 au Trianon Lyrique. Vingt ans plus tard, une reprise par Marta Eggerth et Jan Kiepura ne rencontre pas le succès escompté et il faudra attendre la version remaniée de 1979, dernier triomphe de la fin de carrière de Marcel Merkès et Paulette Merval, pour que cette Princesse obtienne enfin ses lettres de noblesse.
L’intrigue est fidèle au modèle de nombreuses opérettes du genre, à savoir, amours contrariés et mésalliances mais finissant en happy endaprès, évidemment, moult rebondissements durant les trois actes ! Le séduisant Edwin tombe dans les bras de la jolie Sylva tandis que Boni se console avec l’espiègle Stasi… sous les yeux bienveillants du Comte et de son épouse réconciliés.
Une fois de plus, pour donner vie et crédibilité à l’histoire, il fallait un plateau vocal et théâtral de premier ordre et nos artistes ne nous ont nullement déçus.
Perrine Madoeuf, soprano de renom au timbre velouté et enchanteur, connaît bien le répertoire Viennois, ayant déjà endossé le rôle de Sylva ainsi que celui de la comtesse Maritza dans de nombreuses villes de l’hexagone. L’opéra, l’opérette et la comédie musicale lui sont familiers depuis ses débuts et lui ont permis de remporter de nombreux prix, tant en France qu’à l’étranger où elle se produit sur les scènes les plus prestigieuses. Artiste on ne peut plus lumineuse, elle incarne donc parfaitement l’héroïne de Kalman.2
Face à elle, Jérémy Duffau (juste sorti d’une Andalousie mémorable deux jours auparavant) s’attaque à une prise de rôle de taille et se révèle être un parfait Edwin. Élégant, raffiné et juste, aussi à l’aise dans le chant que dans la comédie, il est le ténor idéal, naviguant lui aussi avec une grande aisance, entre opéra et opérette.
Claude Deschamps reprend le rôle de Boni (qu’il a souvent interprété) avec un plaisir évident, tout en assumant, dans des décors résolument classiques et avec de somptueux costumes, une mise en scène sage mais pas moins efficace.
Pétillante et indispensable figure du Festival d’opérette, Julie Morgane nous apporte sa gaieté et son talent de fantaisiste en nous offrant une Stasi vibrionnante et survitaminée !
Nous avons eu également grand plaisir à retrouver Corinne Gautier dans le rôle de la Comtesse, après sa belle interprétation d’Ermerance dans Véronique, sur cette même scène la saison passée.
Décernons une mention spéciale au ténor Sébastien Gabillat pour son incarnation talentueuse du rôle de Ferry, sans oublier Renaud Sorel et Philippe Maller (également chef de chœur).
Bien sûr Claude Cuguillere a conduit avec entrain ce bijou musical que nous espérons revoir prochainement sur nos scènes !
Les Concerts
Alternant avec ces cinq productions scéniques, le festival nous a offert trois concerts d’exception nous permettant de retrouver plusieurs des artistes de la saison. D’autres les ont rejoints uniquement le temps d’un concert, notamment la soprano Jennifer Michel ou le ténor Florian Laconi.
Au concert d’ouverture du 2 août, figuraient des morceaux d’opéras ou des pages d’opérettes fameuses. Jennifer, entourée par la mezzo-soprano Valérie Lemercier, le ténor Jérémy Duffau et le baryton Mikhael Piccone, nous ont promenés de Turandot à Norma en passant par La Belle Hélène. Ils ont été chaleureusement applaudis par un public conquis et venu en nombre. Il en a été de même pour le second concert, brillamment illustré par la présence d’Amélie Robins (juste sortie d’une Andalousie de folie), de Caroline Géa (Josefa de L’Auberge) et de Mikhael Piccone que nous retrouvions de nouveau avec plaisir. Ils nous ont offert des extraits d’oeuvres d’Offenbach, Planquette, Lehár… mais également des raretés dans le registre de l’opéra comme La Ville morte de Korngold.
Le dernier concert de ce cycle était basé sur le thème de l’amour. Eve Coquart, Julie Morgane, Florian Laconi et Claude Deschamps ont proposé aux spectateurs de belles pages musicales. Les concerts étaient accompagnés en alternance par les pianistes Maria del Martin et Cyril Kubler dont nous avons également apprécié le travail dans la plupart des productions scéniques de la saison.
Ces concerts d’accès gratuit, cadeaux offerts par la municipalité de Lamalou-les-Bains et par Annie Grenier (TLA), ont permis une ouverture, voire une découverte du monde du lyrique, pour un public pas forcément habitué à ce répertoire.
Philippe Pocidalo août 2023
1) Violettes impériales à Toulouse et Viva Offenbach à Tarascon (voir Opérette 206), L’Auberge du Cheval Blanc à Mérignac et Andalousie à Toulouse (voir Opérette n°207)
2) Voir son interview dans Opérette 206
« Princesse Czardas » Perrine Madœuf et Jérémy Duffau (photo Ville de Lamalou)