Der Graf von Luxemburg (Le Comte de Luxembourg), Festival de Baden

Der Graf von Luxemburg (Le Comte de Luxembourg), Festival de Baden

« Der Graf von Luxemburg » Iurie Ciobanu et Sieglinde Feldhoher  (photo Christian Husar)

Pour le 75e anniversaire de la disparition de Franz Lehár (24 octobre 1948), le Festival de Baden n’a pas manqué de mettre à l’affiche une opérette du célèbre compositeur : Le Comte de Luxembourg, créé le 12 novembre 1909 au Theater an der Wien de Vienne.

Passons sur les errements de la version française signée Gaston-Arman de Caillavet, Robert de Flers et Jean Bénédict, représentée le 13 mars 1912 au Théâtre de l’Apollo à Paris,1 parfaite illustration de la maxime « traduttore, traditore». Le texte en est en effet éloigné, dans la lettre comme dans l’esprit, de l’opérette originale avec notamment la suppression de la Comtesse Stasa Kokozowa qui est pourtant la protagoniste par laquelle l’intrigue va, in fine, se dénouer, sans compter les libertés incroyables prises quant à la structure dramaturgique et musicale de ce Comte de Luxembourg.

Rien de tel évidemment dans la version proposée au Festival de Baden où l’on peut entendre l’œuvre non défigurée et telle qu’elle a été écrite par le compositeur.

Dans une mise en scène mêlant gaîté et originalité et signée Thomas Smolej, les décors de Marcus Ganser, édifiés sur un plateau tournant, rendent un hommage à la peinture avec l’immense palette multicolore qui sépare au premier acte le couple de mariés auxquels il a été interdit de se voir. Le deuxième acte est une ode au cabaret autour de l’effigie du Chat Noir – du peintre suisse Théophile Alexandre Steinlen – l’un des grands lieux de rencontre du Tout-Paris, symbole en outre de la bohème et de la vie nocturne parisienne. Angèle Didier y vient faire ses adieux à la scène. Ce décor flanqué d’un immense escalier servira également de structure à l’hôtel du dernier acte. Les costumes des « bohèmes » (Ágnes Hamvas) sont inspirés des lithographies de Toulouse- -Lautrec.

Iurie Ciobanu incarne avec une voix superbe, fondée sur une technique consommée, le Comte René. Ce ténor roumain qui possède un large répertoire allant du Comte Almaviva du Barbier de Séville jusqu’à Radames d’Aïda en passant par Arnold de Guillaume Tell nous avait fait forte impression, en 2021, par son inter-prétation d’Urbino dans Une nuit à Venise de Johann Strauss. En l’écoutant dans le ton original, on mesure à quel point le rôle sollicite une couleur claire et un registre aigu brillant.

À ses côtés, on retrouve dans le rôle d’Angèle Didier, Sieglinde Feldhofer dont nous chroniquons aussi la prestation dans Le Monde est beau (Schön ist die Welt) au Festival de Bad Ischl2 : deux ouvrages donc de Franz Lehár en quelques jours, de nature certes différentes, mais qui exigent d’indéniables qualités chez un compositeur particulièrement exigeant. La soprano déploie à nouveau, son charisme et son abattage qui n’ont d’égaux que son charme et on reste admiratif devant la séduction du timbre, l’admirable musicalité de la chanteuse ainsi que le talent de la comédienne. Mais il est vrai, qu’elle possède à son actif un nombre considérable de rôles avec lesquels elle s’est illustrée non seulement aux Festival d’été de Baden, Bad Ischl et Mörbisch mais encore sur de multiples scènes autrichiennes et germaniques et en particulier à l’Opéra de Graz.

Autour de ce couple principal, on a particulièrement apprécié l’Armand Brissard de Thomas Zisterer – qu’on peut lui aussi considérer comme un pilier des festivals autrichiens – et sa partenaire, Claudia Goebl, qui dessine une forte avenante Juliette Vermont. Ce quatuor est parfaitement complété par l’ironique Basile de Roman Frankl.

Un grand coup de chapeau à Marika Lichter qui, depuis les années 1970, a mené une longue carrière dans le répertoire de l’opérette et la comédie musicale et qui brûle naturellement les planches en vaudevillesque Comtesse Kokozova.

Marius Burkert a lui aussi un pied dans chacun des festivals puisqu’il est à la baguette pour Le Monde est beau à Bad Ischl et pour ce Comte de Luxembourg à Baden. Sa direction d’éminent spécialiste de Lehár constitue aussi l’un des points forts de cette représentation.

Christian Jarniat

20 août 2023

 1) Car les propos qui s’y rapportent dépasseraient les limites du présent article

 2) Voir notre article dans le présent numéro sur Le Monde est beau.

Imprimer
Cookies
Nous utilisons des cookies. Vous pouvez configurer ou refuser les cookies dans votre navigateur. Vous pouvez aussi accepter tous les cookies en cliquant sur le bouton « Accepter tous les cookies ». Pour plus d’informations, vous pouvez consulter notre Politique de confidentialité et des cookies.