Edouard Mathé (1863-1936)

Edouard Mathé (1863-1936)

Bien qu’étant un musicien distingué ayant bénéficié de l’admiration de Reynaldo Hann, Edouard Mathé (1863- 1936) est un compositeur injustement oublié dont le nom ne survit qu’à travers une seule œuvre, son avant-dernière opérette : Les Linottes (1923). Il est cependant l’auteur de nombreuses chansons et mélodie, de diverses pantomimes ou ballets dansés par les célébrités de l’époque et d’opérettes qui n’ont toutefois jamais été jouées dans les grands théâtres de la capitale.

Un parcours insolite

Mathé est né le 6 avril 1863 à Versailles. Son père, Auguste-Ernest, est limonadier (il tient un débit de boissons), Boulevard de Sébastopol à Paris. L’enfant manifeste une attirance précoce pour la musique ; à l’âge de cinq ans, ses parents lui donnent un professeur afin de le préparer pour le conservatoire de Paris. Quatre ans plus tard, il y est admis comme élève dans la classe d’Alkan, le frère du célèbre pianiste. À onze ans, il obtient un troisième prix de solfège puis, les années suivantes, les second et premier prix, et accède à la classe supérieure de Georges Mathias, le dernier élève de Chopin. À quatorze ans, il est reçu à l’examen de musique et quelques mois plus tard obtient un premier accessit et un deuxième prix pour le piano. Ces succès lui valent les félicitations de ses professeurs mais aussi celles de la presse parisienne (L’Evénement) qui rapporte : « Monsieur Mathé a été le seul lauréat capable de jouer le morceau placé devant lui, à la première lecture, sans hésitation et avec un agréable phrasé. »

Le jeune homme connaît des débuts brillants comme interprète, des concertos de Chopin en particulier, et compose ses premières œuvres, notamment de la musique religieuse (Messe à trois voix). Mais cette carrière prometteuse s’arrête brusquement lorsque Ambroise Thomas, le directeur du Conservatoire, envoie le jeune homme de 19 ans fonder une école de musique à Port-Louis, dans l’Ile Maurice, tâche qu’il réussit parfaitement et à laquelle il se consacre pendant quinze ans. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à composer pour le piano et diverses mélodies et donner des récitals, notamment en Australie où il se fait connaître à 22 ans. Mais en 1897 un terrible cyclone ravage l’île et les biens de Mathé sont détruits, ce qui l’oblige à rentrer en France avec son épouse et ses deux enfants.

Mathe la boite a Fursy 2Un nouveau début

Dès son retour, il est nommé professeur à l’école de musique de Versailles. Le concertiste et le compositeur étant oubliés, il lui faut démarrer une nouvelle carrière. Pour gagner sa vie, il devient compositeur de musique légère et écrit de nombreuses mélodies et chansons pour Alice Bonheur, Polaire et d’autres. Il en composera toute sa vie. Il se produit également comme accompagnateur et chef d’orchestre dans divers théâtres et cafés-concerts : Les Mathurins, les Capucines, La Scala…
On le voit aussi dans les cabarets montmartrois comme la Boite à Fursy. Excellent improvisateur, il est passé maître dans l’art de combler les lacunes musicales et les incertitudes vocales des interprètes. Emile Willermoz, qui a bien connu Mathé à ses débuts, raconte : « Quand un chanteur allait commencer, plein de componction il criait d’un air fort entendu à son pianiste : « en ré bémol » ; souriant, Mathé acquiesçait d’un signe de tête et jouait tout aussitôt la chanson en la, et tout monde était content. »
Il est rapidement amené à composer de nombreux ballets, pantomimes et opérettes en un acte pour alimenter un certain nombre de music-halls et de petits théâtres de quartier ; ce n’est qu’en fin de carrière qu’il abordera les ouvrages de plus grande envergure.

Ballets et pantomimes

Mathe Reve dEgypte Colette 1 Colette dans « Rêve d’Egypte »

Les ouvrages sont nombreux, très souvent composés sur des arguments du librettiste et célèbre mime Paul Franck, et donnés dans des lieux assez divers. Citons : La Zingara (1905) et Griserie (1905) au théâtre Royal, Le Potache, 1906 au Théâtre Grévin, Bibelots de Saxe (1906) à La Boite à Fursy, La Victoire d’Igra (1907), Le Fakir (1909) au Moulin Rouge, Le Petit lever de la Parisienne (1907) au Théâtre des Arts, Volupté (1907) à la Scala, Pompéï (1908) à l’Apollo, Cléopâtre (1910) à l’Olympia, La Griserie du tango (1913) au Théâtre Impérial… Il est à noter que certains sont créés par des artistes célèbres, plus ou moins sulfureuses. Ainsi, Le Lys noir par Mata Hari ou Rêves d’opium par la Belle Otéro (1903 aux Mathurins).
Citons également les deux pantomimes interprétées par Colette : La Romanichelle (1906, à l’Olympia) et le scandaleux Rêve d’Égypte (3 janvier 1907 au Moulin Rouge). Arrêtons quelques instants sur ce dernier. Il s’agit d’un tableau intercalé, pour une dizaine de représentations dans la revue du Moulin Rouge.
« Un vieux savant, féru de sciences occultes, tombe amoureux d’une momie. Jaillissant de son sarcophage, elle se dresse devant lui, déroule ses bandelettes, se retrouvant quasi nue, et danse pour le séduire. S’en suit un long baiser franchement érotique »
Le scandale naît de ce que le savant est interprété par la marquise Mathilde de Belboeuf, la fille du duc de Morny (demi-frère de Napoléon III), et la momie par la jeune Sidonie Colette, alors sa maîtresse. La marquise n’hésite pas à afficher ostensiblement ses mœurs saphiques, notamment dans cette pantomime dont elle est l’auteur. Attiré par l’odeur de soufre du spectacle, tout le Paris mondain est là et très vite les huées et les cris éclatent, ponctués de jets d’épluchures, de coussins et objets divers. Le tumulte est tel que le lendemain, le danseur Georges Wague remplace Missy et la pantomime est rebaptisée Soleil d’Orient. Colette, dans son costume pseudo-égyptien, n’est pas trop fâchée de ce scandale qui peut la servir. Elle continuera d’ailleurs à se produire sur les planches jusqu’en 1912 dans diverses pantomimes.

Mathe Tanagra 1 « Tanagra », avec Cléo de Mérode et Paul Franck

C’est cependant avec Tanagra, chorégraphié par la célèbre Mariquita et donné le 18 novembre 1904 au Théâtre des Mathurins, que Mathé connaît son plus grand succès dans le ballet. Il est interprété par la célèbre danseuse Cléo de Mérode (1875-1966), l’une des plus belles femmes de son temps. Ancienne danseuse de l’Opéra, à la carrière internationale, elle s’est reconvertie au début du siècle sur les scènes du music hall. Dans son autobiographie (1) elle évoque non seulement le ballet de Mathé mais trace également un portrait du compositeur.
« À l’époque de Tanagra, Mathé en pleine activité de jeunesse, était un homme au visage énergique, aux cheveux bouclés, gai et spirituel, qui ne savait comment manifester son contentement à Franck et à moi… le spectacle était souligné d’une musique agréablement mélodieuse… »
Spectacle plutôt éclectique mais qui connaît un très grand succès, entraînant diverses reprises, à Monte-Carlo, Hambourg, Hanovre et même pendant un mois à l’Ermitage de Moscou, Edouard Mathé étant au pupitre.

Pour en finir avec ce chapitre, citons, incluses au catalogue des œuvres du compositeur, un certain nombre de danses, certaines reprenant des rythmes anciens : Danse hongroise, Menuet badin, Pavane et gavotte, Gavotte badine, Sarabande de Madame, Passe-pied du Roi, Pavane des archers

Les opérettes en un acte

La première incursion de Mathé dans le domaine de l’opérette semble être L’Agence Léa, une fantaisie en un acte de Miguel Zamacoïs, la seule composée avec d’autres musiciens : Rodolphe Berger et Justin Clérice, et donnée au théâtre des Capucines le 31 janvier 1902. Il est à noter, cependant, qu’à cette époque, Edouard Mathé aide Claude Terrasse à mettre en place deux de ses opérettes : Chonchette et La Botte secrète. Citons encore deux autres fantaisies : À la Diable, et À l’impossible (données aux Mathurins en 1903) qui précèdent une vingtaines d’ouvrages en un acte donnés en 10 ans.
Complètement oubliées, les livrets n’étant pas toujours très bons, elles seront simplement citées, pour mémoire : Le Bonheur avant tout (1902, à Mers-les-Bains), Pépita, L’Amour qui passe, (1904, Mathurins), Le Chien d’Alcibiade (1904, La Boîte à Fursy), L’Impératrice à Subure 1905, Olympia), La leçon d’amour (1906, Théâtre Royal), The Little Jap (1907, Scala), Souper de rupture (1907, Tréteau Royal), Monsieur Nénuphar 1908, Dijon), Les Périls de la vertu (1908, Monte-Carlo), Salominette (1910, Scala)…

Trois ouvrages seront par la suite diffusés par la radio, les sauvant ainsi de l’oubli. En 1956, sous la direction de Édouard Bervily à la tête de l’Orchestre Lyrique de la RTF, Denise Duval et Jean Giraudeau ressuscitent L’École des chastes, une opérette en un acte, livret de Paul Franck, créée le 24 février 1907 à La Boîte à Fursy, par Victor Boucher, alors à l’aube d’une belle carrière, et Paulette Darty. De la partition, fraîche et enjoué, retenons l’air de Mme de Fleurt : « Tout de même enseigner l’amour » et sa valse : « Ah ! Monsieur, retardez l’instant » ainsi que le piquant duo : « Laissez-moi, sur votre main… Touchez pas ! ».

En 1961, la RTF, devenue ORTF, propose deux nouveaux ouvrages de Mathé : L’Echanson du Roi d’Yvetot et Céladon.
Le premier est un opéra-comique, livret de Ludovic Fortolis, donné le 17 août 1905 au casino d’Houlgate.
L’intrigue nous transporte au XVIe siècle, dans la demeure de Thomas Jobelin, un bon viveur que le roi d’Yvetot vient de nommer échanson pour lui servir de compagnon de beuverie. En son absence, sa nièce Muguette reçoit son amoureux, François, qui se languit de ne pouvoir l’épouser. Ils imaginent un plan pour arracher le consentement de Thomas. Lorsque celui-ci entre, paré des beaux habits de sa nouvelle fonction, ils le grisent et, quand il est endormi, le dépouillent de son pourpoint et de ses chausses qu’ils cachent. Puis ils le réveillent en annonçant que le roi le demande de toute urgence mais qu’ils ne lui rendront ses habit que s’il consent à leur union. Peu dupe de la naïveté de ce plan, Thomas, feignant la colère puis le désespoir, fait semblant de se percer le cœur d’un coup de dague. Atterrés, les jeunes gens prient pour le salut de son âme. Touché par leurs regrets sincères, l’oncle consent à les unir.
Là encore, on trouve de charmants morceaux : l’ouverture, la chanson de Muguette « Tourne mon rouet », l’alerte trio « Vive le vin de Corton », le tendre duo « Cependant que nul nous guette » ou l’entraînant ensemble du boute-selle (2)

Céladon, opérette en un acte, livret de Jean Stern, créée au théâtre des Beaux Arts de Monte Carlo, le 15 mars 1909, est une sorte de vaudeville.
Nous sommes au XVIIIe siècle, à la campagne. Un président (de je ne sais quoi) et son épouse s’entretiennent dans leur salon quand ils reçoivent la visite d’une marquise venue de Paris. En fait, celle-ci, mine de rien, est venue s’enquérir de Céladon, un amant délaissé qui lui a envoyé une lettre de reproches. Lorsque le jeune homme paraît, la marquise feint de le pousser vers la présidente, sous le prétexte d’une leçon de chant, alors qu’elle même se prête à la cour discrète du président. Lorsque la marquise s’aperçoit que le jeu risque d’aller trop loin, elle met rapidement fin aux équivoques et décide de regagner Paris en emmenant Céladon.
De toutes les belles pages de la partition, nous retiendrons l’agréable duo du président et de son épouse, l’air nostalgique de Céladon « Oui, j’ai gardé la souvenance », l’élégant menuet du président célébrant le pied mignon de la marquise et l’alerte final qui rappelle l’air du bailli des Cloches de Corneville.(3)

Les Linottes

Cette opérette en trois actes de Robert Dieudonné et Charles-Alexis Carpentier est tirée d’un roman de Georges Courteline (1912), dans lequel l’auteur évoque avec beaucoup d’humour, dans le Montmartre de sa jeunesse qui ressemblait alors à un village, la vie de bohème d’artistes qu’il compare à des linottes.

Mathe 1 1L’action se déroule dans le studio de Robert Cozal, journaliste, auteur dramatique et poète à ses heures. Le jeune homme travaille sur le livret d’une opérette, Madame Brimborion, dont la musique est composée par un de ses voisins, Stephen Hour. Ce dernier, bien que Prix de Rome, est méconnu, mise à part une valse « Cueillons les roses » qui connaît un certain succès. Il est vrai que l’homme est bourru, de mauvaise foi, vantard et débraillé. Il est l’amant de la gouailleuse Hélène, petite chanteuse fantaisiste, qui l’aime tel qu’il est malgré ses nombreuses rebuffades. Quant à Robert, il entretient une liaison avec Marthe, dont le mari, Frédéric Hamiet, créateur de projets multiples et souvent fumeux, veut faire la connaissance. Il lui propose de monter son opérette dans un nouveau théâtre, financé par le commanditaire Guttlich dont ils sont tous deux débiteurs.

Au second acte, se déroulant quelques jours plus tard dans le logement crasseux de Hour, plus que jamais suffisant, bougon et multipliant les caprices, nous assistons à la répétition d’une partie de l’opérette. Les interprètes en sont Hélène, Anita, la blanchisseuse, qui possède un beau brin de voix, et Natacha, une prétendue princesse russe, la maîtresse de Guttlich qui l’a imposée. S’en suit une série de morceaux variés typiques des opérettes de l’époque.

Le troisième acte nous emmène, deux mois plus tard, dans l’hôtel particulier que Gutlight a mis à la disposition de Natacha. Nous sommes le lendemain de la création de Madame Brimborion. Complètement dénaturée par les retouches apportées par Hamiet au livret et à la partition, l’opérette a connu un four complet comme l’attestent les journaux. Déception générale. Natacha, qui a été sifflée, rompt avec Hour qui était devenu son amant et tous deux sont mis à la porte par Guttlich. Cachant son dépit, le compositeur consent à reprendre Hélène. Mais bientôt tout s’arrange grâce à Hamiet qui expose sa nouvelle idée : racheter le casino de Flotville et y trouver un emploi pour chacun.

L’ouvrage est créé le premier avril 1923 dans un minuscule théâtre, Le Perchoir, avec pour tout accompagnement, un piano, tenu par Mathé, et doublé par un violon auquel s’ajoute ensuite un orgue de barbarie dont le compositeur tire un effet imprévu. Les interprètes en sont Marcel Vallée (Hour), René Hiéronimus (Cozal), Isabelle Fusier (Marthe), Clara Tambour (Hélène), René Bussy (Hamiet).

Les librettistes, s’ils ont quelque peu adouci les propos de Courteline, en ont cependant gardé l’humour et l’esprit caustique, et tracé de Hour, Hamiet et Guttlich de saisissants portraits. La partition, particulièrement réussie, aisée et savante sans en avoir l’air, évite les rythmes syncopés de l’époque, même si l’on y trouve, au troisième acte, deux fox-trot. et permet à Edouard Mathé de se révéler enfin auprès du grand public. Si chacun des morceaux serait à citer, nous retiendrons, au premier acte, « la chanson des linottes », la valse « Cueillons les roses » parodie des valses lentes 1900, et la scie « Rends-moi mes billes » ; au second, les fragments pleins de verve de l’opérette en répétition ainsi que le final en forme de tarentelle « Toutes les femmes je les ai » ; enfin, au troisième acte, le beau duo de Marthe et Robert « Bobby, je vous adore » et le rondeau de la blanchisseuse « Quel joli mot que ce mot, le théâtre »

Le succès est là, mais moins net que ce qu’espérait Courteline, éclipsé sans doute par la création, cinq jours plus tard de la Ciboulette de Reynaldo Hahn qui est le véritable événement musical de la saison. L’opérette est cependant reprise le 16 mai de la même année aux Nouveautés, avec une distribution un peu différente et, cette fois, dotée d’un orchestre complet.
Elle sera à nouveau donnée aux Nouveautés en 1935, avec Henry Defreyn, Suzanne Dehelly, Davia, Lestelly et deux des créateurs : Marcel Vallée et Clara Tambour cette fois distribuée dans le rôle de Natacha. Cette reprise suscite un article enthousiaste de Reynaldo Hahn sur Edouard Mathé :
« …la musique lui coule des doigts, les idées mélodiques poussent dans sa tête à la façon des fleurs, parées des grâces naturelles qui leur siéent, avec les couleurs et les parfums dont Dieu lui-même les a dotées. Quelle heureuse complexion musicale que la sienne ! Quelle fraîcheur, quelle spontanéité, quelle aménité séduisante… » (4)

Les Linottes, jouées 114 fois jusqu’en 1944 avant de disparaître, seront données à deux reprises par les artistes de l’ORTF, sous les directions, en 1960, de Marcel Cariven et, en 1872, de Jean Doussard.

Le Million du Bouif

La dernière opérette de Mathé est créée un an plus tard, le 29 avril 1924, aux Folies Dramatiques. Le livret en trois actes de Georges de la Fouchardière et Hugues Delorme, a pour héros Bicard, dit le Bouif (savetier en argot), un personnage populaire, inventé par La Fouchardière et apparaissant dans une pièce de théâtre et divers romans et films parus entre 1920 et 1935. Le critique Louis Schneider le décrit ainsi : « Un ivrogne qui a le sourire perpétuellement, un parieur enragé… un type à l’élégance douteuse avec le bout de ficelle qui sert de cravate à sa chemise de flanelle…des bottines éculées… » dont la seule apparition suffit à dérider les foules.

Le premier acte se déroule chez un marchand de liqueurs et de tabac parisien qui refile à ses habitués des Mathe Million du Bouif 1tuyaux pour les courses. Il est vrai qu’il a pour client le baron Isaac, possesseur d’une écurie de courses. Celui-ci paraît avec Estelle des Arpètes qu’il comble de bienfaits sans en recevoir la moindre récompense, le cœur de la jeune fille battant en fait pour le jeune Paul Dubois dont le baron est l’oncle et le tuteur. Nous apprenons bien vite qu’elle se nomme en fait Charlotte et qu’elle est la fille de Bicard, le Bouif, et d’une marchande de quatre saisons. Elle conseille à son père de parier sur deux chevaux qui, gagnant, lui rapportent quatre cent mille francs. Bicard et sa femme décident de faire un voyage d’agrément.

Les second et troisième actes nous emmènent dans une petite principauté imaginaire dont la prospérité, toute relative, provient du casino dont le baron est le commanditaire. Bicard, sous le nom de La Bicardière, fait sauter la banque et empoche un million, ruinant ainsi la principauté. Les choses se compliquent avec l’arrivée d’une danseuse en mission diplomatique, du baron venu réclamer ses avances et avec l’intervention du chef du protocole qui veut déposséder Bicard de son bien. le Bouif se réfugie dans un pavillon chinois, apparaît muni d’une armure mais tout finit par s’arranger pour lui ; il garde son million et marie Estelle, redevenue Charlotte, avec Paul Dubois.

L’opérette est donnée 52 fois aux Folies Dramatiques avant d’être reprise l’année suivante au Théâtre Cluny pour 43 représentations, mais elle ne retrouve pas le succès des Linottes. En cause, le livret, un imbroglio avare de trouvailles originales et manquant d’esprit d’observation, qui a peu inspiré le compositeur. Selon Louis Schneider, « …les mélodies sont assez banales et les rythmes sans personnalité… Dans cette partition, nous ne pouvons guère citer que les couplets du premier acte de Mme Bicard, détaillés avec rondeur, et le duo du dernier acte entre la caissière et Estelle. L’intérêt de la pièce vaut par la seule présence de Tramel, dans le rôle du Bouif, qui dit et chante avec un entrain, une justesse d’accent, une précision rythmique et un comique qui se renouvelle sans cesse.. ».

Ce talentueux Tramel (pseudonyme de Félicien Martel) reprendra le rôle dans la tournée en province, notamment au Célestins de Lyon en février 1925, et le déclinera dans les films évoqués plus haut.

L’œuvre d’Édouard Mathé comprend encore diverses participations aux revues de l’époque, comme « Faut pas s’en faire ! » donnée au Cagibi en 1916, ou celles de Rip et Dieudonné. Il compose également pour le cinéma, des morceaux de genre, ainsi que la musique du film : « Pour Don Carlos », réalisé par Jacques Lasseyne (1921) d’après le roman de Pierre Benoît. Il est également un temps, le directeur artistique d’une des premières firmes de disques.

Édouard Mathé s’éteint le 4 décembre 1936, à l’âge de 73 ans, dans une indifférence apparemment générale, aucun journal, semble-t-il ne signalant sa disparition. Il est vrai que leurs colonnes sont alors remplies par l’annonce de l’abdication du roi Edouard VIII d’Angleterre par amour pour Madame Simpson, une roturière américaine divorcée. Presque un sujet d’opérette…

D’après un article de Bernard Crétel dans « Opérette » n° 175

1) « Le Ballet de ma vie », par Cléo de Mérode, (Ed. Pierre Horay, 1955)
2) Ouvrage chanté par Nicole Broissin, Joseph Peyron et Lucien Lovano sous la direction de Raymond Richard.
3) Toujours sous la direction de Raymond Richard, les interprètes en sont Nicole Broissin, Agnès Disney, Joseph Peyron et Christos Grigoriou.
4) Reynaldo Hahn, « L’oreille au guet », recueil d’articles (Gallimard, 1937)

— Références
Vous retrouverez Edouard Mathé dans « Opérette » n° 175. Si cet article vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Anciens numéros »

— Œuvres lyriques
Légende : opé = opérette, oc = opéra-comique, fant = fantaisie, rev = revue, bal = ballet, pant = pantomime, mélo = mélodrame.
Le chiffre indique le nombre d’actes.

Création Titre Auteurs Nature Lieu de la création
1902
13 janv
Nymphe et le Berger (La) Bernay (Berthe) bal Paris, Cercle Militaire
1902
31 janv
Agence Léa (L’) {1] Zamacois (Miguel) fant 1 Paris, Capucines
1902
29 juil
Bonheur avant tout (Le) Alphand (Charles) opé 1 Mers les Bains
1903
17 avr
A l’impossible Alphand (Charles) fant 1 Paris, Mathurins
1903 A la diable Alphand (Charles) opé Paris, Mathurins
1903
mai
Rêves d’opium Franck (Paul) pant Paris, Mathurins
1904
7 mai
Pépita Boyer (Lucien), Montoya (Gabriel) opé 1 Paris, Mathurins
1904
1° oct
Chien d’Alcibiade (Le) Boyer (Lucien), Roger (André) opé 2 Paris, Boîte à Fursy
1904 Tanagra Franck (Paul) pant 1 Paris, Mathurins
1905
21 janv
Impératrice (L’) Franck (Paul) ? Paris, Olympia
1905
6 août
Échanson du Roi d’Yvetot (L’) Fortolis (Ludovic) opé 1 Houlgate
1905
28 nov
Fleurs des Alpes Dubor (Georges de) bal-pant 1 Paris, Capucines
1905 Cours d’amour Franck (Paul) pant 1 Paris, Capucines
1906
18 mars
Leçon d’amour (La) Thuisy (marquis de) opé 1 Paris, Royal (Th.)
1906
26 mars
Périls de la vertu (Les) Fortolis (Ludovic) opé 1 Monte-Carlo
1906 Flavonice Ferrare bal 2 Vichy, Casino
1906 Victoire d’Igra (La) Arnyvelde (André) pant 1 Paris, Moulin Rouge
1907
28 sept
Souper de rupture Willy opé 1 Paris, Tréteau-Royal
1907 École des chastes (L’) Franck (Paul) opé Paris, Boîte à Fursy
1907 Volupté Franck (Paul) opé Paris, Scala
1907 Griserie Franck (Paul) pant 1 Paris, Scala
1908
13 janv
Monsieur Nénuphar Fortolis (Ludovic) opé 1 Dijon
1908
17 janv
Little Jap (The) Franck (Paul) [2] Paris, Scala
[Etretat 1° août 1922]
1909
3 avr
Romanichelle (La) Franck (Paul) [3] Paris, Théâtre Michel
1909
5 janv
Épouvante (L’) Franck (Paul) mélo 1 Paris, Athénée
1909
févr
Pompéï Franck (Paul) bal-pant 1 Paris, Apollo
1909
24 avr
Apache (L’) Franck (Paul) mimo 1 Paris, Théâtre Michel
1909
31 juil
Fakir (Le) Fortolis (Ludovic), Vanara (G.) pant 1 Paris, Moulin Rouge
1910
14 oct
Cléopâtre Franck (Paul) opé 1 Paris, Olympia
1910
22 nov
Salominette Enthoven (Henry) opé 1 Paris, Scala
1911
17 juin
Mallika Franck (Paul) bal 3t Paris, Alhambra
1911
16 sept
Nuits de Paris Franck (Paul) mimo 2t Paris, Ambassadeurs
1912
21 sept
Salomé la danseuse Avisse(André) [4] Paris, Impérial (Th.) (Th. de l’Avenue)
1912
9 oct
Baiser défendu (Le) Sam (Géo) opé 1 Paris, Comédie-Royale (Comédie-Caumartin)
1913
16 janv
Docteur Hortense (Le) Mouézy-Eon (André) opé 1 Paris, Déjazet
1913
7 nov
Griserie du tango (La) Franck (Paul)  [5] Paris, Impérial (Th.) (Th. de l’Avenue)
1913
7 nov
À la bonne franquette Bastia (Jean), Moy (Jules), Moriss) revue Paris, Impérial (Th.) (Th. de l’Avenue)
1913
23 nov
Roi Cothon (Le) Servanges (Jacques) opé 3 Paris, Arts (Th. des)
1913
28 nov
Madame Lupin Palau (Pierre), Banal (Georges) opé 2 Paris, Grévin (Th.)
1914
22 janv
Tzigane et la Houri (La) Franck (Paul) opé 1 Paris, Impérial (Th.) (Th. de l’Avenue)
1914
24 fév
Eau enchantée (L’) Lénéka (André) oc 1 Marseille
1915
2 avr
Eau enchantée (L’) Franck (Paul) mimo 1 Olympia
1917
14 juin
Griseries Franck (Paul) ? Paris, Château-d’Eau
1917
13 juil
Elsie détective Franck (Paul) ? Paris, Château-d’Eau
1917
11 sept
Plus ça change… Rip [6] Paris, Théâtre Réjane
1923
2 avr
Linottes (Les) Dieudonné (Robert), Carpentier (C.A.) d’après Courteline opé 3 Paris, Perchoir (Le), puis Nouveautés, 16 mai 1923
1924
29 avr
Million du Bouif (Le) Fouchardière (Georges de la), Delorme (Hugues) opé 3 Paris, Folies-Dramatiques (r. de Bondy)
1924
15 mars
Céladon Stern (Jean) opé 1 Monte-Carlo, Palais des Beaux-Arts, puis Paris, Salle Malakoff, 3 juin 1924

[1] avec Berger (Rodolphe), Clérice (Justin)
[2] « opérette japonaise »
[3] « conte bohémien mimé mêlé de chants et de danses »
[4] « vision d’art en 1 acte »
[5] « conte bohémien mimé mêlé de chants et de danses »
[6] « féérie d’actualité en 2 actes et 6 tableaux »

Création Titre Auteurs Nature Lieu de la création
1918
3 août
As you were [1] Wimperis (Arthur) rev Angleterre, Londres, London Pavilion

[1]) avec Darewski (Herman) ; d’après la revue « Plus ça change… » de Rip, Paris, Théâtre Réjane 11 septembre 1917

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